Sunday, February 28, 2010

A single man, de Tom Ford

Georges Falconer, professeur de littérature à l'université, vit comme un fantôme depuis la mort accidentelle de son compagnon depuis quinze ans, Jim. Il subit chaque matin comme une douleur, et traverse chaque journée en pensant au suicide. Ce jour là, il décide de passer à autre chose, et prépare pour de bon sa mort. Un de ses étudiants, le jeune Kenny, sa meilleure amie Charley, ou un bel étranger inconnu rencontré par hasard lui redonnent vaguement le goût de la vie.


Le premier film de Tom Ford, créateur de mode, se déroule sur une journée de la vie gâchée de son personnage principal. Au cours de cette journée, chaque détail de son quotidien, comme chaque jour semble-t-il, lui rappelle son amour perdu. Tom Ford se lance alors dans des flash-backs mélancoliques et lents. Il semblerait que, pendant ses huit mois de solitude, Georges se complaise à souffrir ainsi, à ressasser ses souvenirs heureux dès qu'il aperçoit la latte de parquet sur laquelle Jim avait marché, dès qu'il entend le son d'un ballon au-dehors, lui rappelant les battements de cœur de Jim, ou lorsque ses yeux, par hasard, tombent sur un morceau de papier ressemblant à un autre morceau de papier effleuré par Jim... La souffrance de Georges abonde et déborde, et toute la poésie de la douleur est détruite par cette lourde insistance. Georges vit dans un monde en slow motion, à l'image désaturée, verdâtre, aux couleurs de son esprit malheureux.


Tom Ford ne donne ni dans la demi-mesure ni dans la délicatesse, lorsqu'il évoque un sujet. Les clichés d'homme aisé, homosexuel délicat et raffiné, s'enchaînent, jusqu'à recouvrir ceux qui entourent son personnage principal. Charley, la meilleure amie de Georges, est une riche rentière qui s'ennuie, se maquille et s'habille pour faire passer les heures, et noie dans le gin ses souvenirs de jeunesse. Les étudiants de Georges sont lumineux - concrètement, pas à la manière second degré hilarant d'un Mr. Fox - et torses nus; ils ont les regards clairs et innocents.


Celui qui sort Georges de son désespoir est, sans qu'il ne le dise directement, toujours avec cette belle subtilité qui domine le film, homosexuel. La relation qui se tisse entre cet adolescent, Kenny, et Georges, s'approche d'une impureté, sans jamais, heureusement, y sombrer. Tom Ford, encore une fois, est en-dehors de son propos. Il ne semble pas vouloir évoquer une pédophilie malsaine, mais, la réalisation, maladroite, y fait penser. 


Tom Ford ne réussit pas de coup d'éclat avec son premier film. Pesant, sans rythme ni style, ce n'est pas la fin, surprenant, qui arriverait à remonter le niveau.


A single man
de Tom Ford
avec Colin Firth, Julianne Moore, Nicholas Hoult,...
sortie française: 24 février 2010

Césars 2010 - Le palmarès

Comme je vous le disais, je suis ravie qu'Un Prophète ait tout raflé...



Meilleur film
Un Prophète de Jacques Audiard

Meilleur acteur
Tahar Rahim pour Un Prophète

Meilleure actrice
Isabelle Adjani dans La journée de la jupe

Meilleur acteur dans un second rôle
Niels Arestrup pour Un Prophète

Meilleure actrice dans un second rôle
Emmanuelle Devos pour A L'Origine

Meilleur espoir masculin
Tahar Rahim pour Un Prophète

Meilleur espoir féminin
Melanie Thierry dans Le dernier pour la route

Meilleur scénario original
Jacques Audiard , Abdel Raouf Dafri , Nicolas Peufaillit et Thomas Bidegain pour Un Prophète

Meilleure adaptation
Stéphane Brizé et Florence Vignon pour Mademoiselle Chambon

Meilleure musique
Armand Amar pour Le Concert

Meilleur son
Bruno Tarrière, Pierre Excoffier et Selim Azzazi pour Le Concert

Meilleurs décors
Michel Barthélémy pour Un Prophète

Meilleurs costumes
Catherine Leterrier pour Coco avant Chanel

Meilleure photo
Stéphane Fontaine pour Un Prophète

Meilleur montage
Juliette Welfing pour Un Prophète

Meilleur réalisateur
Jacques Audiard pour Un Prophète

Meilleur court-métrage
C'est gratuit pour les filles de Claire Burger et Marie Amachoukeli

Meilleur premier film
Les beaux gosses

Meilleur film documentaire
L'enfer d'Henri-Georges Clouzot de Serge Bromberg

Meilleur film étranger
Gran Torino de Clint Eastwood

Friday, February 26, 2010

Fantastic Mr. Fox, de Wes Anderson

Mr. Fox a laissé derrière lui sa vie de bohème, après un tout dernier coup qui a manqué d'être fatal à lui et à sa femme, alors enceinte. Depuis que leur fils est né, le couple vit dans un terrier et Fox est journaliste pour gagner sa vie et nourrir sa famille convenablement. Il est devenu un homme respectable qui rêve de promotion sociale. Cependant, alors qu'il visite une jolie maison dans un arbre, avec vue sur trois fermes, ses vieilles ambitions de jeunesse le reprennent. L'emprunt fait, la petite famille installée, Fox prépare un dernier coup, un coup sublime sur trois nuits, dans les trois fermes, pour mettre un véritable terme à son passé de voleur de poules.


Le roman de Roald Dahl a bien entendu été adapté par Wes Anderson, qui a ôté  ou ajouté des éléments au texte original pour lui donner sa couleur toute personnelle. Sans jamais dégrader le texte cependant, Wes Anderson réussit à en conserver et à développer les points de l'histoire qui en sont les fondements. L'anecdote, celle du délinquant contre les producteurs véreux, est sublime de drôlerie. Les animaux du film portent costumes et cravates, et s'opposent aux humains, bourrés de vices et verdâtres. Simplissime? Pas tant que cela, car il est probable que le spectateur n'ait droit qu'au point de vue animal. Les humains ne sont sûrement pas aussi caricaturaux dans leur monde, et ils ne voient certainement pas les jolis apprêts vestimentaires des animaux. D'ailleurs, si les animaux, tels qu'on les voit dans le film, paraissent civilisés, leurs instincts demeurent toujours les plus forts, et ils ne peuvent s'empêcher de déchiqueter la nourriture lors de leurs repas sophistiqués.


Derrière les gags, il y a aussi une histoire de famille, de celle qui peut toucher n'importe qui, renard ou être humain. Le fils de Fox se sent délaissé par son père, dépassé par son passé glorieux; le cousin du jeune Ash, Kristofferson, qui attire le respect de Fox, polarise aussi la jalousie de Ash; la femme de Fox, Felicity, aime son mari mais sent son couple basculer lorsqu'il met en danger sa famille pour poursuivre ses ambitions égoïstes. Les personnages, ainsi développés, forment une vraie communauté rappelant les nôtres, avec les défauts de chacun, les règles sociales et les mêmes codes moraux. Plus évidente encore est la caricature sociale lorsqu'elle s'en prend directement aux humains, gourmands, belliqueux, têtus. Pour récupérer leurs biens volés par Fox, ils sont prêts à détruire la nature et éradiquer une colline, voire toute la vie animale qui profitait de cet éco-système, à grand renfort de machines et avec l'aide et le soutien des médias.


Quant à la technique d'animation qui soutient le propos, comment ne pas crier au génie? Wes Anderson, à l'ère de la 3D relief, fabrique des personnages réalistes en marionnettes, puis déstructure ce réalisme avec une animation de 12 images par seconde. Les mouvements sont syncopés, et ces imperfections rendent l'animation poétique. Wes Anderson, avec dans la tête des images de King Kong (Ernest B. Schoedsack et Merian C. Copper, 1933), de La Belle et la bête (Jean Cocteau, 1946), ou du Roman de Renart (Ladislas Starewith, 1941), tient à faire bouger les poils de ses marionnettes en permanence, et peu importe si l'oeil a aujourd'hui plus l'habitude de la fluidité des fourrures animées en 3D avec des techniques de pointes. Ici, un coup de gel, un passage de brosse, une photo, suffisent à faire son bonheur. La technique est visible, la fumée de coton et les buissons de feuilles de thé. L'image est mille fois plus affriolante avec ses défauts et ses bouts de ficelle visibles qu'un mauvais film en 3D.


Le choix des voix, puisqu'il faut en parler tant elles sont justes, s'est fait dès le début de la production. Les comédiens ont enregistré en conditions "réelles", c'est-à-dire dans les décors rappelant ceux du film: une ferme notamment, dans le Connecticut, sert de studio. Les animateurs ont fait bouger les marionnettes en fonction de ces voix, et leur spontanéité, leur fraîcheur, ainsi que les imprévus (corne de brume passant au loin durant la meilleure prise) ont tous été intégrés aux mouvements.


Le scénario est drôle et pertinent, l'image, magique et vivante. Georges Clooney, charmeur par excellence, incarne à merveille un Fox bourré de défauts et enchanteur, autant que le film dont il est le héros.



Fantastic Mr. Fox
de Wes Anderson
avec les voix de Georges Clooney, Meryl Streep, Jason Schwartzman,...
sortie française: 17 février 2010

Tuesday, February 23, 2010

London river, de Rachid Bouchareb

Cet article m'a été demandé par http://www.cinetrafic.fr:

Catherine Sommers vit seule dans sa campagne anglaise, prenant soin de sa terre et de ses ânes. Chaque semaine, elle se rend à l'église protestante, et puis au cimetière, où elle s'installe pour parler avec son défunt mari pendant un moment. Les attentats de Londres en juillet 2005 la plongent dans l'angoisse, alors que sa fille, depuis ce jour, ne retourne plus ses coups de téléphone. Elle se rend alors dans la capitale, et à l'appartement de sa fille, pour découvrir que cette dernière ne vit plus là, depuis le jour des attentats. Commence alors le parcours du combattant de chaque parent cherchant un proche parmi les victimes, les tournées des hôpitaux, les demandes d'aide à la police, les petites annonces et l'entraide entre voisins. Catherine, au cours de ses recherches, rencontre Ousmane, africain vivant en France, venu lui aussi rechercher son fils disparu au même moment que la fille de Catherine.


Le film se place dans un contexte très proche du présent, celui des attentats-suicide perpétués dans les transports en communs le 7 juillet 2005 à Londres. Le réalisateur choisit d'accentuer l'aspect presque informatif de son film avec un son et une image réalistes. La musique est peu présente, ou seulement arrangée de cordes simples. Lorsqu'elle est absente, c'est-à-dire la plupart du temps, les frottements des vêtements, le moindre soupir ou les bruits de la nature ou de la ville dominent. La lumière cependant, sans être fantaisiste, est assez travaillée pour faire ressortir le charme humide de la campagne anglaise, et les couleurs grises et jaunes de la capitale de la Grande-Bretagne. Et même lorsque les informations télévisées s'invitent en plein écran, le côté documentaire du film s'efface au profit d'une histoire, d'une rencontre entre deux parents réunis par les mêmes peurs.


Dès le départ, Catherine Sommers est parfaitement qualifiée. Protestante, et pratiquante, on la découvre à l'église et au cimetière. Malgré sa solitude, elle apparaît indépendante et déterminée. Il ne faut que quelques plans pour la découvrir, et en peu de mots sa décision est claire. Elle ira à Londres pour prendre des nouvelles de sa fille. On oublie alors le contexte historique, et on s'attache à cette femme, cette mère qui a peur pour son enfant, et qui imagine le pire, qui la voit morte, parmi les victimes des attentats. L'image de Londres qui est tissée est celle, non seulement d'un après-drame, mais d'un quotidien de tous les jours, où les populations se mêlent, entre religions, langues et couleurs de peau. Catherine rencontre à chaque pas de parfaits inconnus qui se montrant compatissants, et près à l'aider, à l'image de cet homme, portant la barbe, qui se penche vers elle et lui prend son téléphone des mains pour simplement lui montrer comment y poser la batterie et l'allumer.


De son côté, Ousmane est lui aussi accueilli et épaulé. Son personnage, grand, maigre, dégingandé, portant ses cheveux longs et emmêlés, se déplaçant en s'aidant d'une longue canne, mettant ses petites lunettes pour lire correctement, ne quittant jamais une mallette, minuscule dans ses longs doigts,  est soutenu par la communauté musulmane, solidaire de son angoisse. Ousmane ne cesse de croiser le chemin de Catherine. Doucement, avant même qu'ils ne se rencontrent, leur relation est esquissée.


Le film explore alors, au-delà des retombées des attentats de 2005, une amitié qui naît difficilement entre une femme qui a du mal à accepter les différences, et un homme qui accepte la discrimination avec douceur. Ce couple mal assorti, opposé dans ses origines, ses croyances et des physiques aux antipodes l'un de l'autre, se réunit cependant dans une quête.


London River est un film touchant et juste, modeste et sans prétention. Se cache sous son humilité apparente une immense sincérité et un ton moderne qui ne s'approche jamais de la moralisation facile.


London river
de Rachid Bouchareb
avec Sotigui Kouyate, Brenda Blethyn, Roschdy Zem,...
sortie française: 23 septembre 2009
sortie DVD: 3 février 2010 (éditeur TF1 vidéo http://www.tf1vision.com/)

Friday, February 19, 2010

Sherlock Holmes, de Guy Ritchie

Sherlock Holmes prête à nouveau main forte à Scotland Yard pour mettre sous clé Lord Blackwood, fou furieux qui tente de conquérir le monde tout en exécutant ses victimes à l'aide de rituels de magie noire. L'enquête résolue, le vilain pendu, Sherlock se morfond dans son appartement du 221b Baker Street. Pour ajouter à son manque d'action, son fidèle Watson abandonne leur vie commune pour se marier et s'installer avec la jolie Mary. Heureusement, Lord Blackwood sort de sa tombe et l'enquête est relancée; Holmes entre en action, entraînant son ami, incapable de résister, à ses côtés.



On se rappelle, allez savoir pourquoi, d'un Holmes snobinard et d'un Watson guindé. Le duo formé par Robert Downey Jr. et Jude Law fait exploser cette image d'aristocrates de salon aux mains blanches, pour se frotter à plus d'action et se salir quelque peu. Les personnages sont ainsi bien plus près de ceux des livres de Conan Doyle, incapables de rester en place, mus par un besoin constant d'action. Il suffit de peu pour rénover ces héros de musée: Holmes a l'esprit constamment encombré des détails qui lui permettent de résoudre des énigmes, mais qui lui pourrissent la vie au quotidien; Watson, quant à lui, a beau avoir envie de stabilité, il ne peut pas résister à suivre son ami dans ses folies; sont esquissées également, plutôt subtilement, son addiction au jeu et son incapacité à gérer ses gains, et donc la prise qu'a sur lui Sherlock Holmes, qui tient ses finances sous clé.



La construction du récit est elle aussi très proche de l'univers littéraire. Si le cinéaste y ajoute habilement des flash back, ou même, plus surprenant, des anticipations (on saisit alors le génie de Holmes qui prévoit tous ses coups à l'avance), la structure globale est classique; l'énigme plonge le spectateur dans un mystère surnaturel, toujours plus emmêlé, pour donner à la toute fin une explication logique et rationnelle, largement détaillée par le héros. Ce qui pourrait paraître balourd à l'écran ne l'est pas, efficacement mené par une réalisation trépidante, nerveuse et parfois osée.


Quant au Londres du XIXème siècle, la reconstitution est forcément sublime, teintée des couleurs gris/bleu de la ville et légèrement jaunies de l'époque. Les costumes font, sur le dos des comédiens, belle figure, accentuant le dandysme décontracté de Holmes, ou la rigidité militaire de Watson.


Ce sixième film de Guy Ritchie est donc plus qu'une excellente surprise, et on attend la suite - car il y en aura une, forcément -, avec impatience, pour voir à nouveau les deux comédiens réunis dans ce duo culte.


Sherlock Holmes
de Guy Ritchie
avec Robert Downey Jr., Jude Law, Rachel McAdams,...
sortie française: 3 février 2010


ps: Si quelqu'un a compris les dialogues en "français" du film, merci de m'envoyer les sous-titres!

Monday, February 15, 2010

Feuille de chou (journal d'un tournage), de Mathieu Sapin

J'ai acheté le livre du making-of du film Gainsbourg (vie héroïque). Mathieu Sapin a été invité à se fondre à l'équiepe de Joann Sfar durant le tournage. Pendant quatre mois, il visite les coulisses, les décors, rencontre Laeticia Casta qui l'intimide, assiste aux scènes, aux répétitions, et griffonne frénétiquement sur son carnet.


Son trait parfois tremble, on l'imagine en train de noter à toute vitesse les détails et les petites phrases qui constituent la vie quotidienne et stressante des assistants réalisateurs, des chefs décorateurs et de toutes les autres petites mains. Il mitraille de photos toute ce qu'il peut, dans des moments parfois parfaitement inopportuns, laisse traîner ses oreilles dans les cantines, et suit les pas de Joann Sfar, chef d'orchestre de cette pagaille organisée. Il pose ses aquarelles sur ses dessins, et voilà un document sans langue de bois qui retranscrit à merveille les coulisses du tournage de Gainsbourg (vie héroïque).


Le journal du tournage en ligne: ici
Le blog de Matthieu Sapin:
Feuille de chou (journal d'un tournage)
de Mathieu Sapin
édité chez Delcourt
sortie: janvier 2010

Friday, February 12, 2010

Lovely bones, de Peter Jackson


Susie Salmon avait quatorze ans lorsqu'elle fut assassinée en 1973. Son tueur, un voisin psychopathe, continue à vivre en face de ses parents. Susie le surveille depuis l'entre-deux monde qu'elle s'est construit dans son subconscient, observant, et intervenant également, auprès de sa famille; elle voit son père, qui, poussé par la haine de sa fille, cherche inlassablement l'assassin, mettant ainsi sa femme à bout de nerfs; la mère de Susie quitte alors la maison, laissant ses deux autres enfants, Lindsey et Buckley, entre les mains de leur grand-mère, alcoolique et provocatrice. Susie couve aussi du regard le garçon dont elle était amoureuse, et qui devait lui donner son premier baiser, le joli Ray.


Lovely bones est inspiré du roman best-seller d'Alice Sebold. Peter Jackson semble, avec ce drame qui touche à des thèmes sensibles, comme la perte d'un enfant, s'ouvrir au genre intimiste, plus délicat que ses précédentes réalisations, Le Seigneur des Anneaux ou King Kong. Si l'intention d'aller vers l'émotion est bien là, les réflexes à gros budget et sans grande subtilité du réalisateur persistent.


L'histoire est cependant passionnante. L'entre-deux monde dans lequel s'installe Susie après sa mort est introduit peu à peu, alors qu'elle réalise qu'elle a été tuée. De là, elle approche son père en particulier, concentrant ses forces sur lui, lui transmettant son désir de vengeance. Cette idée d'un presque au-delà, fondé sur le subconscient de la toute jeune fille, ces paysages qui varient en fonction de son état d'esprit et de son niveau d'acceptation de sa propre mort, ces décors éphémères hauts en couleur traduisent un imaginaire foisonnant. Les effets spéciaux s'y entrechoquent, à la grande limite du kitsch. Bouillonnant d'idées, de symboles, cet univers est trop souvent confus.


De l'autre côté, dans le monde réel, les personnages sont construits sur de bonnes bases; le père et la mère, réagissant de manières différentes, offrent un vaste champ de possibilités d'identification. Mais, encore une fois, Peter Jackson va trop loin, envoyant la mère à l'autre bout du monde, et faisant du père un fou furieux mono-maniaque qui ne se base que sur ses intuitions. Les personnages secondaires subissent le même sort; Ray, le bel étalon tant convoité par Susie, promène ses cils de cheval et ses lèvres gonflées tout en écrivant de la poésie; une jeune fille qui voit les morts - personnage trop peu exploité - tombe dans pommes et reste des heures durant le regard fixé sur l'au-delà, puis exalte son âme d'artiste en dessinant des dessins hautement érotiques.


Cette dernière évocation est purement ironique, car le film reste bien évidemment pudique, et tout public, voire même destiné aux plus jeunes. En effet, la réalisation en rajoute aussi des tonnes, à grands coups de ralentis, de fumées et de voix off. Au cas où le spectateur ne saisirait rien, un plan, puis un autre, puis un troisième, viennent toujours renforcer chaque émotion. A tel point qu'on finit par en avoir assez d'être ainsi pris par la main et qu'on souhaite voir le film raccourci d'une bonne heure pour n'en garder que l'essence même.


Peter Jackson devrait peut-être s'en tenir aux projets démesurés, à la hauteur de ses extravagances.


Lovely bones
de Peter Jackson
avec Saoirse Ronan, Mark Wahlberg, Rachel Weisz,...
sortie française: 10 février 2010

Tuesday, February 9, 2010

In the air, de Jason Reitman

Ryan Bingham est licencieur professionnel. Des entreprises louent ses services pour qu'il se charge du sale boulot, celui de virer les employés et de prendre dans la figures leurs pleurs, leur colère et leur incompréhension. Ryan aime son job; bonimenteur avéré, il prend avec distance les problèmes de ces personnes auxquelles il enlève leur raison de vivre, sans ressentir la moindre culpabilité. Son travail lui permet de voyager, et il accumule les miles en caressant le rêve de devenir la 7ème personne au monde à en avoir assez pour obtenir une carte de fidélité d'exception et de s'asseoir un instant à côté du pilote. Sa maison est dans les aéroports; il enchaîne les discours dans lesquels il vante les mérites de se détacher des choses comme des gens. Son bonheur risque cependant de passer à la trappe alors qu'il apprend qu'une jeune fille révolutionne son entreprise, et, grâce aux miracles de la technologie, propose de sédimentariser les licencieurs. La jeune Natalie part pour un dernier voyage aux côtés de Ryan, pour se familiariser au terrain. Non contente de changer la façon de travailler de Ryan, elle va aussi s'immiscer dans sa vie personnelle, et le faire reconsidérer une relation occasionnelle qu'il fréquente entre deux aéroports...


Ce film, plein de bon sentiments, est le troisième du réalisateur après Thank you for smoking, et Juno. On se souviendra que j'ai déjà détesté Juno, une bonne déception de 2008. Tout ce que je reproche à Juno revient dans In the air. On n'y trouve pas de rythme, autre que celui, ronflant, soporifique, des allers et retours dans des aéroports. Où est le pic d'adrénaline, la montée en puissance des sentiments, la puissance des caractères? Le tempo reste désespérément linéaire, quasi horloger. Les villes défilent, toujours introduites de la même manière, par un plan vu d'avion, le nom de la ville inscrit en gros caractères sur l'écran. Un nouveau chapitre s'ouvre, sur une série feuilletonante. Les personnages ne sont jamais extrêmes, toujours modérés, et c'est peut-être le grand tort de Jason Reitman: il n'ose pas haïr ou aimer à la folie ses personnages.


Ryan, malgré un job détestable, inhumain, malgré ses idées égoïstes, reste un grand charmeur. Il paraît sympathique dans son travail, sachant répondre avec justesse à la détresse des employés qu'il vire pourtant froidement; son manque d'attachement aux choses matérielles est assez positif; et son refus d'attachement sentimental passe pour de l'indépendance plutôt que de l'insensibilité. Au contraire, la gentille Natalie ressemble à un monstre, à vouloir licencier les gens par écran interposé. C'est elle qui refuse le contact personnel. Son doux rêve de prince charmant et de vie de femme de maison n'est pas mignon, mais niais. Et pourquoi s'applique-t-elle à saboter l'équilibre de Ryan, à lui imposer ses idées, et le schéma de vie, basique, qu'elle a choisi pour elle-même? 


Le mariage, les weekends à la campagne, les deux enfants, un garçon et une fille, le chien et le poisson rouge, voilà la vie idéale selon bien des couples. C'est aussi le rêve de la sœur de Ryan, qui appelle son frère à la rescousse lorsque son futur mari est pris de doutes juste avant la cérémonie de mariage. La scène dégouline de bon sentiments, car, bien entendu, à se fouiller les méninges pour trouver des points positifs sur la vie à deux, Ryan finit par en trouver... et s'en convaincre en même temps que le fiancé. On touche pourtant, dans le film, des points sociaux sensibles: l'économie qui flanche, les licenciements abusifs, inhumanité de la modernité technologique; loin d'être corrosif, Jason Reitman oublie de s'appesantir sur ces thèmes essentiels, et fait à la place l'éloge du conformisme, des valeurs traditionnelles.


Du cynisme, s'il vous-plait, Monsieur Reitman!


In the air
de Jason Reitman
avec Georges Clooney, Anna Kendrick, Vera Farmiga,...
sortie française: 27 janvier 2010

Thursday, February 4, 2010

Gainsbourg (vie héroïque), de Joann Sfar

Le générique le précise, c'est d'un conte qu'il s'agit. La vie et l'œuvre de Serge Gainsbourg, certes, mais par les yeux et les ressentis de Joann Sfar. Abandonnez donc l'idée de voir un documentaire exhaustif sur les frasques du chanteur. Le réalisateur s'attarde sur l'enfance de Gainsbourg, et sur son génie créatif, personnalisé par un double, marionnette caricaturale, aux dimensions démesurées, le Mister Hyde de Gainsbourg, Gainsbarre, sa Gueule, qui le dominera sur la fin de sa vie. Il s'arrête sur ses muses, ses relations avec les femmes, ses sources d'inspiration, et son intériorité, ses hésitations intimes. 


Un conte en effet, avec ses personnages fantasques, ses décors rêvés, les dessins de Sfar, partout, tout le temps. Gainsbourg commença par dessiner; enfant, il faisait rire ses camarades, et leur offrait ses peintures à l'eau, esquissées sur sur des pages de cours; des femmes nues, qui ne cachaient rien de leur sexe. L'univers qui se crée via ces dessins est signée de Joann Sfar. Le réalisateur est partout. Que ce soit dans les décors, au générique de début, on ne peut que le soutenir; mais lorsqu'il s'exprime par la main de Gainsbourg, on y décèle un melon gros comme la marionnette de Serge enfant, celle qui finira par crever et devenir sa Gueule, grand, maigre et dégingandé.


Si on oublie l'égocentrisme voyant de Joann Sfar, tout le reste est un grand poème. On s'attache au gamin, celui qui justifie l'homme qu'il deviendra. Culottes courtes, oreilles décollées, Serge tient tête à son père qui lui fait répéter ses leçons de piano. Le piano, la musique, à quoi bon? Son père est pianiste la nuit dans les bars, et ne ramène pas beaucoup d'argent à la maison. Le gosse, avec une verve toute  gavroche, drague le modèle qui pose à son école montmartroise pour les cours des adultes. Un officier allemand lui fait de l'œil, la guerre est là, présente sur le bras de Serge, avec son étoile jaune. Avec la jeune fille, il chante, assis sur le comptoir, le répertoire grivois de Fréhel. Le spectateur virevolte, emporté par la musique alors que Gainsbourg brûle ses dessins, poussé par son double maléfique dans les bras des femmes qui vont inspirer sa musique.


La longue scène avec Brigitte Bardot retranscrit mal la courte période de leur passion, mais à merveille l'inspiration qu'il puise dans ses formes. Jane Birkin, touchante, l'équilibre, et efface pour un temps la Gueule. Les provocations de Gainsbourg sont toujours là, mais sa femme, ses enfants, les apaisent et le contrôlent. Pour un temps seulement, car la Gueule revient, couvrant d'une nappe rouge sang les toits de Paris... Les évocations poétiques puisées dans les dessins de Joann Sfar sont à l'image des trop-pleins de Gainsbourg, à la fois subtiles et fortes. La lumière qui éclaire toutes ses femmes exagère leur beauté, leur innocence feinte, leurs formes surréalistes. Ce ne sont plus des personnages que l'on voit, mais des créatures, des héros de légende. Les décors eux aussi montrent la démesure d'un esprit d'artiste tourmenté; Gainsbourg, le père, joue avec Lulu et Charlotte au train de fer, lui saoul, elles nageant dans le bonheur; tous auscultent le cadavre de plastique qui expose ses viscères au milieu du salon... Surréaliste.


Gainsbourg finit Gainsbarre, décrépi, fatigué, qui trouve encore un sursaut de bonheur dans les bras de Bambou, mais le film s'achève là assez brusquement, sans grande passion. Le film ne s'épuise néanmoins que comme son personnage principal, dans les toutes dernières minutes seulement. Tout le reste est un tourbillon d'inventivité, soutenu par des comédiens hors normes, à commencer par Eric Elmosnino, troublant de véracité.


Malgré le narcissisme du réalisateur, il est clair que Joann Sfar a su faire de son tout premier film une histoire passionnante, et qu'il réussit son pari d'éviter le biopic scolaire au profit d'une fable merveilleuse.


Gainsbourg (vie héroïque)
de Joann Sfar
avec Eric Elmosnino, Lucy Gordon, Kacey Mottet
sortie française: 20 janvier 2010

Wednesday, February 3, 2010

Mother, de Bong Joon-Ho

Une veuve veille sur son fils, léger déficient mental, tout en tenant sa petite herboristerie dans le village coréen de Jhye-Ja. Un soir, Do-Joon attend vainement son ami dans un bar; au petit matin, saoul, il suit une jeune fille en uniforme d'écolière. Elle disparaît dans un coin sombre; Do-Joon lui jette une pierre, qui lui revient. Il rentre et se couche auprès de sa mère. Le corps de la jeune fille est retrouvé le lendemain matin, sur le toit d'une maison, placé en évidence. La piste conduit à Do-Joon, emprisonné. Certaine de l'innocence de son fils, sa mère engage un avocat et mène son enquête.


Le film n'est cependant pas un polar, loin de là, et explore plutôt les relations quasiment incestueuses entre une mère et un fils. Lui, retardé, a du mal à contrôler une sexualité inassouvie; elle, ménopausée, compense sa frustration par un amour démesuré pour son fils. Kim Hye-Ja est en Corée du Sud immensément connue et incarne dans de nombreux téléfilms une mère idéale. Le réalisateur, en la mettant en haut de l'affiche et sur grand écran, pervertit donc cette relation entre l'actrice et ses spectateurs. La profanation des mœurs reste évoquée cependant, sans jamais que l'idée ne soit impudiquement changée en acte. L'ironie, dans les situations mettant en jeu le sexe, est prédominante.


Il ne s'agit pas évidemment que de sexe, mais aussi de l'exploration de la folie. Les évènements de la nuit du meurtre sont racontés du point de vue de Do-Joon. La mère y croit éperdument, et le spectateur est rendu, comme elle, comme Do-Joon, qui oublie des pans de sa vie, aveugle. Lors de son enquête, elle est humiliée, presque ruinée. L'amour maternel se change en acharnement furieux pour prouver l'innocence de Do-Joon. Innocence qui n'est peut-être pas si parfaite. 


Et l'innocence de son fils n'est pas seule à être en jeu. L'enquête soulève le voile sur les mœurs de toute une communauté. La jeune victime s'avère n'avoir pas été si pure; l'ami de Do-Joon se révèle être manipulateur; la mère elle-même se souvient d'actions passées qu'elle avait volontairement effacées de sa mémoire; la police chargée de l'affaire hâte bien souvent ses conclusions, pour ne pas y perdre trop de temps.


Côté réalisation, on ne peut rien reprocher à cette image un peu salie, toujours maitrisée.Kim Hye-Ja, sur tous les plans, offre un visage fatigué et furieux, transcendé par la foi en son fils. Le montage, qui offre un parallèle parfait entre le début et la fin, qui se confondent comme si tout n'était qu'un grand flashback, cauchemardesque, offre une grande homogénéité sur les deux heures de scénario qui se déroule.


Noir, le film de Bong Joon-Ho confirme, après Memories of murder, et The host, le talent de sociologue cynique et pessimiste du réalisateur.


Mother
de Bong Joon-Ho
avec Won Bin, Kim Hye-Ja, Jin Ku,...
sortie française: 27 janvier 2010

Oscars 2010

Les nominés sont... pour les Oscars 2010. La cérémonie se déroulera le 7 mars 2010 à Los Angeles. Pas vraiment de pronostics, étant donné que la moitié des films nominés ne sont pas encore sortis en France. On notera que le film "petit budget, producteur indépendant" n'est pas franchement représenté...



Meilleur film

Avatar de James Cameron
The Blind Side de John Lee Hancock
District 9 de Neill Blomkamp
Une éducation de Lone Scherfig
Démineurs de Kathryn Bigelow
Inglourious Basterds de Quentin Tarantino
Precious: Based on the Novel 'Push' by Sapphire de Lee Daniels
A Serious Man de Joel Coen et Ethan Coen
Là-haut de Pete Docter
In the Air de Jason Reitman

Meilleur réalisateur

James Cameron (Avatar)
Kathryn Bigelow (Démineurs)
Quentin Tarantino (Inglourious Basterds)
Lee Daniels (Precious: Based on the Novel 'Push' by Sapphire)
Jason Reitman (In the Air)

Meilleur acteur

Jeff Bridges - Crazy Heart
George Clooney - In the Air
Colin Firth - A Single Man
Morgan Freeman -Invictus
Jeremy Renner - Démineurs

Meilleure actrice


Sandra Bullock - The Blind Side
Helen Mirren - The Last Station
Carey Mulligan - Une éducation
Gabourey Sidibe - Precious: Based on the Novel 'Push' by Sapphire
Meryl Streep - Julie et Julia

Meilleur acteur dans un second rôle

Matt Damon - Invictus
Woody Harrelson -The Messenger
Christopher Plummer -The Last Station
Stanley Tucci -Lovely Bones
Christoph Walz - Inglourious Basterds

Meilleur actrice dans un second rôle

Penélope Cruz - Nine
Vera Farmiga - In the Air
Maggie Gyllenhaal - Crazy Heart
Anna Kendrick - In the Air
Mo'Nique - Precious: Based on the Novel 'Push' by Sapphire

Meilleur scénario original

Mark Boal - Démineurs
Quentin Tarantino - Inglourious Basterds
Alessandro Camon et Oren Moverman - The Messenger
Joel Coen et Ethan Coen - A Serious Man
Bob Peterson, Pete Docter et Tom McCarthy - Là-haut

Meilleure adaptation

Neill Blomkamp et Terri Tatchell - District 9
Nick Hornby - Une éducation
Jesse Armstrong, Simon Blackwell, Armando Iannucci et Tony Roche - In the Loop
Geoffrey Fletcher - Precious
Jason Reitman et Sheldon Turner - In the Air

Meilleure photographie

Mauro Fiore - Avatar
Bruno Delbonnel - Harry Potter et le Prince de sang mêlé
Barry Ackroyd - Démineurs
Robert Richardson - Inglourious Basterds
Christian Berger - Le Ruban blanc

Meilleur montage

Avatar
District 9
Démineurs
Inglourious Basterds
Precious


Meilleurs décors

Avatar - Rick Carter et Robert Stromberg, Kim Sinclair
L' Imaginarium du Docteur Parnassus - Dave Warren et Anastasia Masaro, Caroline Smith
Nine - John Myhre, Gordon Sim
Sherlock Holmes - Sarah Greenwood, Katie Spencer
Victoria : les jeunes années d'une reine - Patrice Vermette, Maggie Gray

Meilleurs costumes

Janet Patterson - Bright Star
Catherine Leterrier - Coco avant Chanel
Monique Prudhomme - L' Imaginarium du Docteur Parnassus
Colleen Atwood - Nine
Sandy Powell - Victoria : les jeunes années d'une reine

Meilleurs maquillage

Aldo Signoretti et Vittorio Sodano - Il Divo
Barney Burman, Mindy Hall et Joel Harlow - Star Trek
Jenny Shircore et Jon Henry Gordon - Victoria : les jeunes années d'une reine

Meilleure musique

James Horner - Avatar
Alexandre Desplat - Fantastic Mr. Fox
Marco Beltrami et Buck Sanders - Démineurs
Hans Zimmer - Sherlock Holmes
Michael Giacchino - Là-haut (Up)

Meilleure chanson

"Almost There" - La Princesse et la grenouille
"Down in New Orleans" - La Princesse et la grenouille
"Loin de Paname" - Faubourg 36
"Take it all" - Nine
"The Weary Kind" - Crazy Heart

Meilleur son

Avatar - Christopher Boyes, Gary Summers, Andy Nelson et Tony Johnson

Démineurs - Paul N.J. Ottosson et Ray Beckett
Inglourious Basterds - Michael Minkler, Tony Lamberti et Mark Ulano
Star Trek - Anna Behlmer, Andy Nelson et Peter J. Devlin
Transformers 2: la Revanche - Greg P. Russell, Gary Summers et Geoffrey Patterson

Meilleur montage sonore

Christopher Boyes et Gwendolyn Yates Whittle - Avatar
Paul N.J. Ottosson - Démineurs
Wylie Stateman - Inglourious Basterds
Mark Stoeckinger et Alan Rankin - Star Trek
Michael Silvers et Tom Myers - Là-haut

Meilleurs effets visuels

Avatar - Joe Letteri, Stephen Rosenbaum, Richard Baneham et Andrew R. Jones
District 9 - Dan Kaufman, Peter Muyzers, Robert Habros et Matt Aitken
Star Trek - Roger Guyett, Russell Earl, Paul Kavanagh et Burt Dalton

Meilleur film d'animation

Coraline d'Henry Selick
Fantastic Mr. Fox de Wes Anderson
Là-haut de Pete Docter
La Princesse et la grenouille de Ron Clements et John Musker
The Secret of Kells de Tomm Moore

Meilleur film étranger

Ajami (Israël)
El secreto de sus ojos (Argentine)
Fausta (La Teta Asustada) (Pérou)
Un prophète (France)
Le Ruban blanc (Allemagne)

Meilleur film documentaire

Lise-Lense Møller (Burma VJ: Reporter i et lukket land) de Anders Ostergaard et Lise Lense-Moller
The Cove - La Baie de la honte (The Cove) de Louie Psihoyos
Food, Inc. de Robert Kenner et Elise Pearlstein
Most dangerous man in America: Daniel Ellsberg and the Pentagon papers de Judith Ehrlich et Rick Goldsmith
Which way home de Rebecca Cammisa

Meilleur court métrage

The Door de Juanita Wilson
Instead of Abracadabra de Patrik Eklund
Kavi de Gregg Helvey
Miracle Fish de Luke Doolan
The New Tenants de Joachim Back

Meilleur court métrage d'animation

French Roast
de Fabrice Joubert
Granny O'Grimm's Sleeping Beauty de Nicky Phelan
The Lady and the Reaper de Javier Recio Gracia
Logorama de H5
Wallace & Gromit : Sacré pétrin de Steve Pegram, Nick Park et Bob Baker

Meilleur court métrage documentaire

China's Unnatural Disaster: The Tears of Sichuan Province de Jon Alpert et Matthew O'Neill
The Last Campaign of Governor Booth Gardner de Daniel Junge et Henry Ansbacher
Closing of a GM plant de Steven Bognar et Julia Reichert
Music by prudence de Roger Ross Williams et Elinor Burkett
Rabbit à la berlin de Bartek Konopka et Anna Wydra

Monday, February 1, 2010

Une vie toute neuve, de Ounie Lecomte

Jinhee, neuf ans, aime son père avec toute la force de son cœur d'enfant. Son père le lui rend bien. Et pourtant, il l'abandonne aux mains de sœurs catholiques, dans un orphelinat qui recueille ces enfants non désirés, reniés. Jinhee commencera par refuser cette trahison, et s'accroche à l'espoir d'une famille encore bien vivante, la sienne, représentée par son père, qui viendra la chercher. Mais elle doit se faire une raison, et s'atteler à un autre projet, celui de trouver une nouvelle famille, qui saura l'aimer.


Une vie toute neuve a été présenté en Sélection officielle, hors-compétition, au Festival de Cannes en 2009. Le film s'offre toutefois une sortie discrète, le genre quasi-documentaire, et de surcroit coréen, ne trouvant pas toujours grâce aux yeux du grand public. C'est pourtant un véritable bijou de délicatesse. Une vie toute neuve joue sur la simplicité de l'image. La réalisation est efficace, aussi simple et subtile que les émotions enfantines qu'elle souhaite transmettre. Les éléments sont clairement établis, installées, pour revenir avec force aux moments les plus poignants, comme cette scène dans laquelle Jinhee s'ensevelit dans la terre, telle l'oiseau mort et enterré qu'elle et son amie avaient recueilli.


Jamais la réalisatrice ne tente d'arracher les larmes. L'émotion surgit naturellement, au fur et à mesure que le spectateur découvre avec Jinhee que son père l'a bel et bien abandonnée. Mais, alors que  le spectateur accepte le fait, Jinhee refuse d'accepter cette idée, et l'on s'émouvoit de sa brutale obstination. Après une grève de la faim, un refus de s'exprimer, peu à peu, avec difficulté, délicatesse, son personnage évolue vers ce qui devra bien être sa nouvelle vie. L'image de cette enfant, qui comprend doucement la fourberie adulte, et qui se reconstruit, avec toute la capacité d'adaptation dont font preuve les très jeunes, est bouleversante. La perspective d'un avenir en Occident doit être considéré comme une grande chance, comme le lui fait comprendre sa meilleure amie, qui elle apprend l'anglais pour séduire les éventuels parents adoptifs.


Ounie Lecomte a elle-même été abandonnée, enfant, emmenée à l'orphelinat par une grand-mère et un oncle qui, se souvient-elle, lui passent tous ses caprices en chemin, sachant le dénouement du voyage. Il faut savoir que le gouvernement coréen, dans les années 1950, après la guerre de Corée, encourageait les parents divorcés à se séparer des enfants de leur première union. L'abandon, thème central du film, est traité avec un zeste de rancœur, et un sentiment de révolte sous-jacent. Mais prévalent la finesse et les émotions d'enfants, poignantes, brillamment incarnées par la très jeune Kim Saeron.


Une vie toute neuve
de Ounie Lecomte
avec Kim Saeron, Park Doyeon, Park Myeong-Shin,...
sortie française: 6 janvier 2010