En mai 2015, Raymond Depardon part sur les routes de France avec une caravane qu'il installe dans des villes moyennes : Calais, Fréjus, Nice, Villeneuve-St-Georges,... Il rencontre des couples dans la rues, amis, amants, pères et fils, et leur demande de terminer leur conversation dans sa caravane, sans témoin autre que la caméra.
Filmé en argentique, avec une autonomie d'environ 30 minutes, le film est une succession de clips et de conversations, en cadre fixe. Quelques plans de coupe montrent la caravane qui roule de ville en ville, ou posée sur une place de village. Mais, majoritairement, on se concentre sur les dialogues, naturels, contemporains, avec toute leur palette d'accents et d'intimité. En 2012 déjà, Raymond Depardon était sur la route. Lui qui a photographié le monde, reporter de guerre, il s'intéresse au quotidien, à la simplicité, et la trouve aussi, ici et aujourd'hui.
Le film constitue d'abord un document fascinant. Si la sélection est sans doute non exhaustive, le panel des Français représenté dans le film est un petit bout d'humanité nationale, en 2015. Des jeunes et des vieux, des qui voient l'avenir et d'autres qui se retournent sur leur passé, qui observent les autres et qui se conseillent l'un et l'autre, et qui s'expriment sans mentir, sans jouer. Sans en faire aucune analyse, l'observation de ce panel est incroyable. Grâce à la simplicité de l'installation, et la cordiale volonté des participants, le spectateur n'est jamais dans une position de voyeur. Il pourrait tout aussi bien se trouver en terrasse à un café et surprendre un bout de conversation, sans connaître le lien entre les personnes.
Il y a aussi, évidemment, les sujets abordés. Et là, peu de mixité. Les relations, fraternelles, amoureuses, sont au cœur de toutes les conversations, sans exception. Même pas sûre que le réalisateur ait vraiment choisi de ne montrer QUE ça, je pense que les gens, réellement, ne parlent QUE de ça. Il y a du sexe, franc, parfois choquant, et beaucoup d'enfants qui grandissent et se séparent de leurs parents ; de pères perdus ; de mères abandonnées.
A chacun d'interpréter. J'ai trouvé ces conversations infiniment tristes. J'y ai vu des gens qui se séparent, des désillusions, des têtes baissées. Et pourtant, Raymond Depardon porte un regard infiniment doux et lumineux sur ces personnes et ce que JE considère comme leurs défaites. La caméra est une fenêtre ouverte sur la même chose, que je vois, et que Raymond Depardon voit aussi, et tous les autres spectateurs. Et ces images me renvoient ma propre amertume, et la bonté du réalisateur, deux choses tout à fait différentes.
Les habitants est alors bien plus qu'un document, et devient une expérience, partagée et personnelle.
Les habitants
de Raymond Depardon
sortie le : 27 avril 2016
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