Certains sont partis bille en tête ; craintive, j'avais déjà quitté ma trace, en suivant leurs lumières qui s'éloignaient sur la grande route. L'hésitation a duré jusqu'au virage et j'ai bifurqué à droite. J'ai retrouvé pour quelques kilomètres Tony et Matthieu, qui s'engageaient plus sereinement que moi sur les petites routes. J'ai suivi leur exemple et immédiatement repris confiance. Je ne roulerai qu'à mon rythme, en suivant mes envies et mon chemin.
C'est ce qui a motivé cette #ZBTR2018. Je l'ai terminée dans le top ten et ce n'était pas une performance. Il y a un revers à la médaille, et ce qui m'a fait exulter sur la route en même temps : être devant, c'est ne suivre personne, être seule. Je n'ai jamais été aussi attentive à mes sensations, je me suis écoutée sans complaisance, en gardant en tête une arrivée le lundi après-midi.
De brefs moments de doute, de fatigue, morale ou physique, ont été balayés miraculeusement par quelques rencontres. C'est avec Nicolas que j'ai partagé le plus de kilomètres, sans qu'on ne s'offusque ni l'un ni l'autre de nos présences. Il a été le meilleur compagnon de route, régulier dans son avancée et dans une
conversation distillée au bon moment, quand la fatigue survient. François, Romain et JP m'ont sauvée de calculs mentaux en m'entrainant jusqu'au bac de Locmariaquer. J'ai attendu joyeusement que Yoann, suivi d'un mini peloton, et Danny, du sien, me dépassent avec toute leur force masculine. J'ai pris leurs roues un moment, et puis je suis restée sagement derrière, m'amusant de les voir caracoler en avant. Les moments partagés sont aussi ceux où on se perd, chacun prenant son rythme. La plus jolie perte est celle de Clément, qui me parle de confort et d'abri-bus. Trois minutes plus tard, il n'y a plus personne derrière moi.
Seule alors, j'ai appris à m'écouter. Je suis un compagnon silencieux, sauf pour moi-même. Chanter, parler pour vaincre le sommeil : j'ai souvent du mal à les canaliser et les verbaliser et pourtant, j'ai exprimé mes pensées à voix haute. J'ai écouté mes sensations : aucune douleur musculaire ; la peau des fesses a pris, avec les ondées, plus cher. Je l'ai faite taire, celle-ci, de douleur, je me suis assise et j'ai continué. La faim et le sommeil surviennent insidieusement et sont d'un coup insupportables. Je m'étais fixé des objectifs (le prochain porche, le retour d'un rayon de soleil, 20km de plus), mais je m'arrête et je mange, je ferme les yeux. Je refuse de succomber pour autant et toujours je pousse de l'avant. Je ne suis jamais repartie plus de 5 minutes après le temps qui m'était nécessaire.
J'ai basculé vers l'ultra-cycling avec la Normandicat, et finir dans en tête de ce Born to ride ne m'a jamais pour autant fait perdre de vue mes
principales motivations : le plaisir et la liberté. Jamais pressée de
rattraper quelqu'un, un bac, ou de distancer la
voiture-balai, je n'ai pas forcé et j'ai pris plaisir à rouler. Je
ne m'arrête que quand la faim se fait sentir ; quand je suis
fatiguée, un coin d'herbe est toujours présent sur le bas-côté. Se donner les moyens d'avancer ; c'est là que je trouve ma liberté.
1 comment:
Quelle douce humilité. Trouver sa liberté est un défi permanent. C'est une course de fond, une forme d'Ultra... Bravo, et merci
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