Saturday, April 11, 2009

Chéri, de Stephen Frears

Stephen Frears a repris en tout points, petite digression en flash-back non comprise, le roman de Colette: Léa de Lonval, courtisane en fin de carrière, devient l'amante du fils de son ami Charlotte. Elle l'a vu grandir, elle pourrait être sa mère, et lui a même donné son surnom, Chéri, en réponse au Nounoune qu'il lui donnait lorsqu'il était petit. La passion les unit, sans amour, trop dangereux; Léa sait que Chéri se mariera un jour. Après six années d'habitudes et de câlineries, Charlotte trouve en la personne d'Edmée, aussi fille d'une ancienne collègue, la femme idéale pour Chéri. La rupture entre Léa et Chéri est plus difficile que l'un et l'autre auraient pu l'imaginer.


Il y a donc dans le film de Stephen Frears, une volonté de conserver la narration de l'oeuvre de Colette, jusqu'aux dialogues et même aux gestes parfois. La construction est chronologique, contrairement au livre, mais conserve le même discours, celui de l'union de deux êtres qui ne sont pas nés à la bonne époque pour transformer leur tendresse en amour viable. La première partie du film met en avant ce lien, sur lequel aucun mot n'est mis, qui n'est qu'une inclination entre Léa et Chéri. Stephen Frears l'introduit rapidement, en quelques scènes et en quelques minutes à peine. Une entrée en matière virtuose, qui résume tout le point de départ sans s'y étendre et sans en rajouter. Cependant, le vide inattendu qu'ils éprouvent à leur rupture, leur retour l'un vers l'autre ensuite, perdent en crédibilité.


D'abord parce que Michelle Pfeiffer, qui est certainement à notre époque une cinquantenaire bien conservée, ne peut faire office d'ancienne courtisane. Dans les années 1900, à la Belle Epoque, prédominait encore un certain culte des formes, comme le début du film, narré, le montre un peu en offrant au spectateur un petit tour d'horizon des courtisanes de l'époque. Les costumes du film ont tendance à sublimer Michelle Pfeiffer l'actrice, plutôt que Léa la putain, délaissant les décolletés pigeonnants ou les hanches et les fesses projetés vers l'arrière dans des culottes bouffantes. De même, la mode masculine était alors aux cheveux courts, contrairement à la coiffure de Rupert Friend, qui fait porter à Chéri les cheveux longs. Certainement, Stephen Frears est loin du film historique, et sans doute Colette ne souhaitait pas non plus voir son roman figé en un cliché d'époque. Mais cette impolitesse est l'une des choses qui fait perdre au film sa cohérence.


Dans la seconde partie du film donc, celle qui est la plus à déplorer, Chéri ne cesse de geindre et d'appeler Nounoune. Ce qui est fort approprié à l'écrit a quelque peu de mal à passer l'oreille, et, Michelle Pfeiffer passant mal pour une voluptueuse au giron près duquel un bel enfant puisse vouloir s'épancher, le couple ressemble plus à une mère pédophile avec son gosse pénible. Rupert Friend, joli garçon mais sans charisme, a du mal à donner créance à son personnage, rendant juste désagréable à entendre ses gémissements et ses colères mal maîtrisées, qui sont pourtant censées le rendre plus beau et plus insaisissable. Son Nounoune maintes fois répétées en devient ridicule, surtout prononcé avec un accent anglais des plus bourgeois; tout comme le "chéwi" lancé dans sa grande solitude par une Léa en manque d'affection.


La mise en scène, parfumant ces balourdises, n'aide en rien à remonter le niveau. Le rayon de soleil est là pour caresser des cheveux blonds; le flou d'avant-plan enrobe de fraîcheur un joli minois; le plan large nous montre la voiture filant dans la campagne verte. Bref, rien que du très convenu et très niais. On peut aisément oublier que Stephen Frears sait s'intéresser à l'Angleterre sociale, et qu'on le cite bien souvent aux côtés de réalisateurs tels que Ken Loach ou Mike Leigh.



Chéri
de Stephen Frears

avec Michelle Pfeiffer, Rupert Friend, Kathy Bates,...

sortie française: avril 2009

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