Monday, August 31, 2009

Numéro 9, de Shane Acker

Numéro 9 s'éveille dans un monde que les machines ont ravagé, détruisant du même coup les hommes qui les ont créées. Fuyant loin du corps sans vie du savant qui l'a fabriqué, Numéro 9 se découvre des petits camarades, petites poupées de mécanique et de chiffons, aux yeux écarquillés. Ces survivants se terrent dans une ancienne église en ruine, et n'osent sortir ni se déplacer, par peur d'une dernière bête de métal qui erre et les attaque pour les anéantir, jusqu'au dernier. Numéro 9 les force à sortir et à affronter leur ennemi.


Numéro 9 est le développement en long-métrage d'un court maintes fois primé de Shane Acker. Tim Burton, touché par l'univers visuel et émotionnel du jeune réalisateur, a choisi de produire le film, qui, en effet, est graphiquement très proche de son propre monde imaginaire. Sur le plan de l'image, Numéro 9 ne déçoit pas: les personnages naïfs, expressifs, mélange astucieux de métal et de tissu type sac à patate, fourmillent de détails. Chaque partie de leur corps est étudiée pour s'adapter à leur univers post-apocalyptique. Les autres personnages, animaux terrifiants issus des mêmes matériaux, sont parfaitement grinçants et convaincants. Les décors quant à eux, tout d'ocres et de bruns, forment un paysage de désolation qui convient à merveille à cette époque d'après-guerre. Voilà pour la forme qui, si elle n'est pas d'une grande originalité avec ses machines de l'ère mécanique, est néanmoins réalisée avec minutie. Pour le fond par contre, la banalité du scénario n'est même pas compensée par une quelconque émotion ou un rythme intéressant.


La prise de pouvoir des machines sur les hommes qui les ont créées est un thème récurrent de la science-fiction. Un relent d'humanité reste bien souvent présent, et il doit souvent s'éveiller pour relancer le processus de vie. Le réalisateur choisit donc pour Numéro 9 la voie classique de sauveur des vestiges de l'homme. Cependant, son personnage a bien du mal à comprendre son rôle, et qui l'en blâmerait alors que les courses-poursuites incessantes ne lui laissent pas une seule seconde pour réfléchir? A peine a-t-il trouvé l'un de ses semblables que celui-ci est bouffé par la vilaine bestiole. Le premier but de Numéro 9 est donc de sauver cet ami connu quelques minutes durant. Le copain sauvé, la bestiole meurt; on aurait pu arrêter là les dégâts. Mais c'est seulement à présent que la véritable histoire débute: Numéro 9, poussé par la curiosité, déclenche sans le vouloir le réveil de l'ennemi suprême, un cerveau mécanique qui décide d'absorber tous les semblants d'âme restant sur Terre, et condensés dans les petites poupées numérotées.


Et voilà les courses-poursuites qui reprennent, sans un instant de répit pour réfléchir au pourquoi de cette extermination. De toute manière, il vaut probablement mieux ne pas y penser, sous peine de ne pas trouver la réponse; le réalisateur lui-même y a-t-il répondu? Nos personnages se perdent en décisions irraisonnées: Numéro 1 soutient depuis le début qu'il faut juste se planquer, Numéro 9 veut tuer l'ennemi. Les partisans de l'un et de l'autre se rangent tour à tour d'un côté puis de l'autre. Comme c'est le héros, Numéro 9 finira seul par prendre la bonne décision, et la mettra en oeuvre seul également. Mais le spectateur, lui, ne sait qui, de Numéro 1 ou de Numéro 9, a raison; de toute manière, quelque soit le choix fait, l'homme ne renaît pas, et les personnages de métal restent seuls, en possession de petits bouts d'âme qu'ils ne pourront pas réunir ni dupliquer. Le final, qui se veut probablement poétique et mélancolique, demeure vide de sens comme le reste du film.


Le court-métrage de Shane Acker ne valait peut-être pas de gagner en longueur avec un scénario aussi faible et aussi peu novateur. L'univers du réalisateur reste néanmoins à surveiller, et on peut espérer qu'il réussir à s'affranchir de ses références.





Numéro 9
de Shane Acker

avec Elijah Wood, Jennifer Connelly, Crispin Glover,...

sortie française: 19 août 2009

1 comment:

Gerald Guerlais said...

C'est les cahiers du cinéma ici. Délicieuse syntaxe par ailleurs. C'est plaisant à lire.