Sunday, August 2, 2009

Up, de Pete Docter & Bob Peterson

Carl a vécu une vie heureuse auprès d'Ellie, dans la maison où tous deux jouaient enfants aux grands explorateurs. Il s'agrippe à cette maison, à ses souvenirs, à ses habitudes passées et à son regret de ne pas avoir tenu la promesse faite à Ellie de l'emmener découvrir les "chutes du Paradis". Le monde change autour de lui, concrètement, via les grandes bâtisses verticales qui grandissent autour de sa maison, mais Carl reste fermement planté au milieu de son jardin. C'est en défendant ce passé qu'il a un geste malheureux de vieil homme aigri; ce geste sert aux entrepreneurs désireux de récupérer son terrain à l'obliger à aller en maison de retraite. Mais Carl profite de cet ultimatum pour mettre à exécution le projet de voyage qu'il avait avec Ellie, et gonfle des ballons à l'hélium pour changer sa maison en dirigeable et s'envole avec ses souvenirs vers les chutes du Paradis. Contre ses attentes, il embarque avec lui Russell, un jeune boy scout désireux de venir en aide aux personnes âgées.



Carl pensera évidemment à se débarrasser de cet intrus dont le blabla incessant l'empêche de discuter avec le souvenir d'Ellie. Mais le petit garçon se révèle être en quête de représentation paternelle, parfois débrouillard aussi, et prêt à offrir pas mal d'affection, même à un vieux grincheux égoïste. Ce n'est pas une véritable amitié de type indestructible-à-la-vie-à-la-mort qui se noue entre un vieillard et un enfant que raconte le film, mais plutôt un lien plus subtil, faible au départ, qui se solidifie dans la durée, qui se met en place. L'Amitié dans les dessins-animés est, bien souvent, décrétée sans concession; celle entre Carl et Russell est plus réelle, parfois mise à mal et souffre, aussi, des erreurs de chacun.


L'égoïsme de Carl est la source de bien des difficultés pour ce couple mal assorti. Le vieil homme a en effet comme but de poser sa maison à un endroit précis, tout en haut des chutes du Paradis, comme promis à sa femme bien-aimée. Il croit, dur comme fer, que l'accomplissement de cette promesse soulagera sa conscience. Russell est, lui, plus enclin à se dévouer aux autres, et s'il aide Carl dans un premier temps, il se tourne vers l'oiseau qu'ils croisent en cours de chemin, plus en difficulté qu'eux. Carl doit se faire à l'idée que l'achèvement de sa promesse n'est pas l'aboutissement de son rêve, ni de celui d'Ellie; il doit apprendre à abandonner son but pour le transformer, le changer en un objectif nouveau; et ce dernier, plus aventureux, le rapproche bien plus finalement de la promesse faite à Ellie, que le dépôt de ses biens matériels en haut des chutes du Paradis.


S'il y en a un qui n'a pas abandonné son rêve, c'est le héros d'enfance de Carl, que nos bonshommes croisent en chemin. Si, dans les premières minutes de leur rencontre, Carl se montré ému, il réussit ensuite à ouvrir les yeux sur la déchéance de cet homme que son obstination aura poussé vers la folie dangereuse. Voilà ce que pourrait devenir Carl s'il continuait à s'obstiner! Chute d'un rêve, chute d'un héros; le dernier Pixar semble loin de la féérie de Disney.


La première séquence du film, chef-d'oeuvre de concision et condensé de sentiments très forts, va aussi dans cette optique émotionnelle; mais le traitement général du film ne laisse pas la dérision de côté. Les premières minutes du film traitent donc d'un sujet terrifiant, celui de la mort d'un être humain et que le spectateur a appris, en quelques instants seulement, à aimer; ce n'est pas la mort d'un être humain de type "méchant", ni celle d'un animal. On s'attache à Ellie, connue petite fille, et on la pleure autant que Carl. Mais, dès la fin de cette séquence poignante, l'humour revient dans le quotidien plein d'os craquants de Carl, d'habitudes solitaires et drôles par leur redondance insistante. La féérie s'en mêle dès que la maison s'envole et survole la ville, au-dessus des yeux ébahis des citadins, illuminés des enfants. Le meilleur de Disney donc, dénué de ses classicismes, de ses thèmes parfois légers, et... de ses animaux intelligents et parlants.


Elément infiniment drôlatique du film, Doug, chien fidèle, qui s'attache à Carl, parle certainement... mais par le biais uniquement d'un collier qui traduit ses pensées, qui sont bien celles d'un chien, pas humanisées pour un sou. Le comique de répétition surgit maintes fois par son biais. Doug, le chien parlant et stupide, Carl, le vieil aigri bougon, et Russell, forment un trio explosif plein d'oppositions, prêtant à rire. Pour peu qu'on ait lu la presse spécialisée, on a beaucoup parlé du physique de Carl, carré comme une brique. Mais un autre atout des studios Pixar, c'est aussi d'avoir osé, avec Russell, un héros à l'opposé des codes du petit garçon américain stéréotypé/blondinet/yeux bleus.


Russell est un personnage qu'on ne doit surtout pas oublier dans ce film et dans nos critiques. En effet, c'est par lui que les changements en Carl s'opèrent, et il est une démonstration des pouvoirs narratifs des studios Pixar. On ne saura jamais toute l'histoire de Russell, alors qu'on a vu résumée la plus grande partie de la vie de Carl. Russell, malgré son empathie qui semble infinie, a ses problèmes, un physique un peu ingrat peut-être aussi pour un enfant, un évident manque d'amour paternel... Mais ses problèmes ne sont dévoilés que peu à peu, au fur et à mesure qu'une amitié se construit, et il ne se raconte jamais entièrement, laissant faire le temps. Or, dans un film d'une heure et demi, on peut souvent voir condensés des liens trop forts, qui mettraient en réalité des mois à se tisser. Il n'en est rien dans les histoires de studios Pixar; on y prend le temps de découvrir, de contempler chaque élément.


Ces histoires fortes sont au cœur même du succès des films des studios Pixar. La narration est l'élément qu'ils mettent systématiquement en avant, avec le résultat que l'on connaît... surpassé une nouvelle fois!


Up
de Pete Docter & Bob Peterson
avec Edward Asner, Jordan Nagai, Bob Peterson,...
sortie française: 29 juillet 2009



Bonus: le court-métrage qui accompagne le film, Partly cloudy, de Peter Sohn

1 comment:

aelx said...

sans doute ta meilleure critique que j'aie lue jusqu'ici ! brav--squirrel !!!!