Wednesday, June 23, 2010

L'illusionniste, de Sylvain Chomet

Fin des années 50, à Paris et partout en Europe, les temps sont durs pour les artistes burlesques; les music-hall ne remplissent plus leur salles avec des magiciens, des acrobates, des ventriloques ou des clowns. L'illusionniste fait partie de cette vieille école, balayée par les groupes de rock'n'roll. Les contrats sont durs à trouver. De Paris, notre héros et son lapin partent à Londres; de petits théâtres en garden parties, il arrive à trouver un public dans un bar lointain perdu dans un village écossais, où il rencontre Alice, une jeune fille qui croit en sa magie. Elle le suit à Edimburgh, où l'illusionniste reste pour un temps, dans un petit hôtel peuplé de gens du spectacle, fatigués comme lui. La jeune Alice ferme les yeux aux malheurs et ouvre bien grand les paupières devant les lumières et les jolis vêtements.





Le second long-métrage de Sylvain Chomet conserve cette patte sombre et lente, attendrissante d'une 2D assumée. Les cadres sont ceux de Jacques Tati, qui avait laissé inachevé ce scénario: immenses, perdus entre les immeubles, prenant les personnages en pied. Le personnage de l'illusionniste rappelle évidemment un Monsieur Hulot, trop grand, qui ne trouve jamais costume à sa taille, un peu dépassé par le temps qui court plus vite que lui. Mais l'ambiance est typique du réalisateur, brun et pluvieux, éclairée par des ampoules incandescentes, mélancolique et nostalgique. Une véritable poésie se dégage de chaque regard, dans les mouvements malhabiles de l'illusionniste empêtré dans son époque.


La jeune Alice dans tout cela a un rôle un peu flou; elle représente la jeunesse, le renouveau, l'abandon du terne pour la couleur. Elle ne rêve que de chaussures à talons hauts, de jolies robes et d'amour. Un peu égoïste, un peu opportuniste, naïve, elle incarne à merveille tout ce que l'illusionniste ne comprend plus. Lui et son grand cœur se lient pourtant d'amitié avec cette fraîcheur. C'est là que le scénario pêche: comment cette amitié, imposée par la jeune fille, croît-elle entre deux époques si différentes? Il semble parfois que l'illusionniste est gêné par la présence d'Alice; il continue pourtant à dépenser ses maigres recettes pour elle. Alice, de son côté, semble profiter de la générosité sans borne de son bienfaiteur, sans rien faire en retour pour lui. Leur relation maladroitement contée entrave la seule beauté des images.


Certes, l'histoire ne pèse pas lourd, et le manque de dialogues surprend; mais le film ne dure qu'une petite heure et vingt minuscules minutes, timing parfait pour cette chronique désuète, qui a fait l'ouverture du festival d'Annecy cette année.


L'illusionniste
de Sylvain Chomet
produit par Ciné B et Django Film
sortie française: 16 juin 2010


Bonus: le film est précédé d'un hilarant et très court court-métrage, graphique et presque sans parole: Lapsus, de Juan Pablo Zaramella.

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