Ma dernière chilkooterie m'avait aidée à assumer mon rythme sur la route au sein d'un groupe. Avec les pionniers réunis sur les traces d'Angelo et de Pauline, j'ai retrouvé cette sensation de me retrouver avec moi-même. Au-delà de la poésie de la route et de la littérature, j'avais bien envie également de tester mon matériel pour dormir à la belle étoile, en prévision de la Normandicat et de la Born To Ride qui approchent. La présence de Luc, et du groupe, pour encadrer mon premier bivouac, rassurent. Je n'ai jamais fait de camping ; jamais dormi sous une tente. J'ai sorti mon sac de couchage dans une chambre d'hôtel, j'ai fait une centaine de kilomètres de plus que prévu, on a eu froid, il a fait beau, la poésie nous a rattrapé.
Je n'ai aucun doute, alors que je suis les lacets des montagnes. C'est à cet univers que j'appartiens.
A part rouler pourtant, je ne sais pas grand chose. J'observe ces formidables cyclistes qui m'entourent et humblement, je les écoute parler. Ce début de printemps n'a pas été le renouveau escompté. Des averses de neige ont créé un paysage blanc aux sommets et nous empêchent de dormir dehors. J'ai écouté les conversations de vélo, de flans et de pains au chocolat, et de cet hiver qui dure. Les autochtones se montrent soucieux de la fonte des neige, de la montée des eaux, de l'énergie produite par ces flux de la Durance. La crue de la Seine a juste rendu embêtants mes commutes, sur quelques semaines ; maintenant que le printemps se déclare, je suis heureuse de repérer les fleurs roses des arbres parisiens. Mais je n'ai jamais vu la montagne changer au fil des saisons. Comment était-elle l'an dernier, et l'année d'avant ? Cet hiver est-il bien différent ? Qui, de la neige ou des bourgeons, annonce en premier le changement ?
Du haut des cols aux vallées, on voit passer l'hiver et le printemps. On ajuste sa veste au matin, on relève les manches après le déjeuner. Ce n'est pas vraiment qu'il n'y a plus de saison, c'est qu'on les traverse toutes au fil de la route. Les cyclistes d'ici notent de plus infimes différences et savent se préparer aux changements. Ils sont chez eux, sur leur territoire. Pourtant, ces routes ne leurs appartiennent pas, plutôt l'inverse. Ils regardent eux-aussi, tirent leurs conclusions et s'adaptent.
Ca a été le mot clé de ce week-end, l'adaptation. C'est avec lui qu'on se fond dans le groupe, sans souci de s'attendre ou de partir devant ; naturellement. De nature individualiste, ou peut-être trop citadine, j'ai tendance à brusquer les prises de décisions. Le groupe est patient, il lui faut le temps d'observer. L'hiver décide de nous faire dormir à l'hôtel. On se réveille avec des températures glacées, on file se réchauffer en grimpant et la neige récompense nos efforts. Rendus légers par cette bienveillance, on arrive avant le déjeuner à Théus. Impossible de ne pas repartir alors que le vent nous pousserait jusqu'à Manosque.
Avec quatre compagnons, on a faim, on trouve des produits de terroirs au bord de la route. Le déjeuner est de fortune et formidable, ce territoire semble nous récompenser encore. 100km de plus et la journée se roule à l'aise.
Un douche offerte, et un matelas posé par terre, et j'ai pu éviter un premier train et un transfert embêtant de la ville à la gare. 80km en bonus pour profiter du sud et de ses paysages. Je roule les premières bornes avec un des pionniers, plus tranquillement que les deux jours précédents. J'apprends, plus lentement que je n'ai appris à rouler, à m'adapter à ce et ceux qui m'entourent. J'appartiens bien à cet univers. Il faut encore que lui m'accepte et me reconnaisse.
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