Wednesday, September 22, 2010

Ces amours-là, de Claude Lelouch

Ilva se rappelle... Son premier amour, elle l'a délaissé pour flirter avec un soldat allemand pendant la Seconde Guerre mondiale. Cet amant honteux a sauvé, puis tué son père; il l'a abandonnée, la guerre finie. Les deux Américains, qu'elle a aimés autant; l'un, mort, qu'elle aurait dû épouser, et l'autre, toujours vivant, avec qui elle s'est mariée. Une histoire d'amour, encore une, se termine en drame. Et l'avocat qui la défendait alors, avait compté ses amoureux passés, avec une verve élégante, évoquant ses propres souvenirs, le piano, un camp de concentration, la musique. De 1939 à 2010, il s'en est passé du temps. Ilva, devenue vieille, aveugle, se rappelle de tout, en écoutant la musique de son fils.



On commence avec une vieille femme, qui se souvient d'un procès, durant lequel son passé encore plus lointain a été conté par l'avocat en charge de sa défense. Avocat qui, l'occasion lui en étant donné, ponctue aussi le récit et l'interrompt de sa propre histoire. Ça en fait, des souvenirs, et Claude Lelouch s'en tire difficilement, en faisant intervenir, dès que tout devient trop confus, la voix off de Simon qui plaide la défense. La vieille femme de 2010 est oubliée, et c'est à partir du procès que les flashs-back débutent. Les images du passé, pas si passé que cela - un mi-flash-back? -, qui s'intercalent parfois, pour donner un coup de pouce aux ellipses, sont filmées avec trois caméras, toutes également penchées, déviant la gravité, plan large, et serrés, sur l'avocat et sa cliente, sur Ilva, assise sur son banc d'accusée. Étrangement sans sens, ces trois plans sont cependant bien utiles quand il s'agit de retisser les liens entre toutes ces personnes qui racontent toutes leurs histoires d'amour. Mais ces aventures sont tout comme leur contexte, brouillonnes et tracées à grands traits.


Le réalisateur a trouvé beau de faire s'aimer les gens sous les bombes. Certes, ça a son charme, les Juifs cachés dans les cinémas - attention, histoires vraies! -, les dancings clandestins, les Allemands qui défient leur nation, dans les bureaux parisiens, en jouant la Marseillaise pour les beaux yeux d'une Française... Et ces regards croisés, dans un train de marchandise, qui envoie les corps à la mort! Non, vraiment, l'amour, c'est plus fort que tout. On en oublie la guerre... Je ne suis pas spécialement fan des films du genre, et je n'ai pas de souvenir de cette époque bien sûr; mais j'aurais aimé un peu plus de réalisme, dans cette évocation de l'horreur. Là, quelques éclats, des morts pour la forme, des mitraillettes et de la poussière. On pousse tout de même un peu trop souvent la chansonnette, et Charles Trenet n'est pas forcément du meilleur goût à l'époque. Claude Lelouch n'a pas voulu faire un film triste, on le comprend. Mais remplumer les malheureux des camps de concentration ne suffit pas au bonheur; et l'ensemble est trop candide.


La gouaille franchouillarde, l'accent parisien, le charme des Françaises, la Résistance, les héros américains... Du bon Lelouch finalement, comme on l'attendait. Parfois aussi, subitement, une séquence donne un coup de fouet au film. Comme ces images, magnifiques, poétiques, des parachutes qui s'ouvrent sur la Normandie. Ou, même si c'est trop long et redondant, ces images en noir et blanc diffusées sur l'écran du cinéma l'Eden: Autant en emporte le vent, de Victor Fleming, Hôtel du Nord, de Marcel Carné,... Tout n'est donc pas à jeter, dans ces deux heures parfois agaçantes, fatigantes, longes. Dans ces cent-vingt minutes qui s'écoulent lentement, c'est l'amour de Claude Lelouch pour le cinéma qui s'exprime. Une phrase l'annonce au début, comme pour s'excuser de trop traîner, d'être trop positif. Le réalisateur est heureux, de sa carrière, des films, de sa longévité peut-être, de son succès. Il s'en enivre un peu trop, quitte à nous ennuyer. Mais il est touchant aussi.


Exclusivement réservé aux fans de Lelouch, ou aux amoureux aveugles, qui ferment comme Ilva les yeux sur le monde, et se réservent uniquement pour leurs joies égoïstes.


Ces amours-là
de Claude Lelouch
avec Audrey Dana, Laurent Couson, Dominique Pinon,...
sortie française: 15 septembre 2010

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