Wednesday, March 9, 2011

Winter's bone, de Debra Granik

Ree, dix-sept ans, s'occupe de son petit frère, de sa petite sœur, et de sa mère dépressive qui ne dit plus un mot, dans leur maison perdue au fond du Missouri. La vie y est rude, le climat gelé, les habitants sauvages. Jessup, le père de Ree, est sorti de prison mais ne se présente pas aux policiers comme il doit le faire régulièrement; la maison où vit Ree et sa famille est mise en jeu, et si Ree ne retrouve pas rapidement Jessup, ils se retrouveront à vivre dans la forêt toute proche. Ree interroge donc, tout autour d'elle, les familles, les dealers de drogue, qui portent tous cheveux longs, sales, fusils en bandoulière, et dont les regards ne sont jamais amicaux. Personne ne veut lui parler. Ree, opiniâtre, frappe à toutes les portes, et mêmes les plus fermées.


Voilà encore un personnage de petite femme forte, d'adolescente au cœur dur, perdue dans un univers masculin et terriblement adulte. Il me prend en effet l'envie de comparer Winter's bone à True grit, à cause de ce personnage principal féminin, mais aussi à cause des codes cinématographiques auxquels les deux films répondent. True grit est clairement un western, et les paysages ainsi que les personnages rencontrés par Ree dans Winter's bone peuvent rappeler les mêmes éléments; si Ree ne va pas chercher à plus de quelques maisons de là ceux et celles susceptibles de l'aider, alors que Mattie, dans True grit, effectue un voyage initiatique réglementaire, les voyages plus ou moins courts des deux jeunes filles se font écho. Loin de moi l'idée de dire que les films des frères Coen et de Debra Granik se ressemblent; mais on y trouve certaines similitudes, et les avoir vu concourir pour le même prix les rapproche encore.


Pour continuer sur le chemin des comparaisons, voilà aussi un autre aspect de l'Amérique profonde qui est dévoilée aux Européens. Cette fois-ci, ce n'est pas une petite bourgade vulgaire comme celle dessinée dans Fighter, mais une campagne sauvage, où les maisons de bois déglinguées et leurs locataires coiffés de broussailles ne ressemblent en rien à ce que l'on peut connaître de ce côté de l'Atlantique. Les monts Ozarks, où se déroule le film, coupent leurs habitants du reste du monde. Pourtant c'est là, dans ces montagnes loin de toute civilisation semble-t-il, que des dealers "cuisinent" de la méthamphétamine. Traqués par des policiers qui ont peur d'eux, enfermés dans des laboratoires de bric et de broc, gardés par des chiens à demi sauvages et des femmes tout aussi farouches, les hommes tiennent ce territoire aride par la peur et le silence.


Ree, en brisant ce silence, en posant ses questions directes et franches, change les règles. Son obstination et sa franchise en font un superbe personnage de cinéma, droit dans ses bottes, épris de sa liberté. Jennifer Lawrence explose dans ce rôle révélateur de cette toute jeune actrice. Elle est une petite fille au visage encore tendre qui tient tête, à tous. Elle veut parler aux hommes, brisant les lois édictées par eux; ce sont les femmes qui lui répondent, bouleversées par son impertinence désespérée. La mise en scène de Debra Granik possède la même simplicité que son héroïne. Elle est franche, un peu trop féminine et s'attarde sur l'innocence des enfants, dans un contexte rugueux.


Peut-être à cause de cette simplicité de réalisation, qui semble redondant à son propos - rugosité, regards durs et farouches, s'opposant à un esprit de clan, familial sans être chaleureux -, Winter's bone a eu du mal à faire surgir les sentiments de mon cœur de spectatrice. De nos fauteuils confortables, on reste un peu extérieurs, et on ne réussit jamais vraiment à percer au-dessous des carapaces de cuir dont s'enveloppent tous les personnages, Ree comprise. Sans remettre en questions les indéniables qualités du film, je n'ai pourtant pas été touchée.



Winter's bone
de Debra Granil
avec Jennifer Lawrence, John Jawkes, Kevin Breznahan,...
sortie française: 02 mars 2011

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