Dicky Eklund a été la star de son village, à Lowell, dans le Massachusests, quand, 14 ans auparavant, il a battu Sugar Ray sur un ring de boxe. Depuis, il a succombé au crack, et se délecte éternellement de cette dernière victoire. Il reporte son aura sur son demi-frère cadet, Micky Ward. Celui-ci n'a jamais été que de défaite en défaite, mais Dicky, leur mère, ses nombreuses sœurs qui l'entraînent, le managent, le supportent, tous y croient toujours. Cette famille envahissante étouffe les ambitions de Micky, garde Dicky sur un piédestal dont il est pourtant tombé depuis 14 années, et voit sa force de persuasion éclipsée par la jolie Charlene, femme de caractère qui tient tête à tous par amour pour Micky après un combat inégal que sa mère et son demi-frère avait organisé pour lui.
L'histoire de Micky Ward et celle de Dicky Eklund est véridique, et les deux boxeurs étaient présents sur le tournage pour donner leur vision des faits en permanence. Mark Wahlberg, qui incarne Micky, s'est entraîné avec son modèle, et s'est imprégné de son rôle durant les quatre années qu'a durée la mise en place de la production. Le tournage a également inclu de véritables protagonistes dans le film, les sœurs de Micky notamment, son oncle, son entraîneur, un policier de la ville... Si le film respire cette ambiance d'Amérique profonde, peuplée de santiags, de cheveux permanentés, de chemises à carreaux et de transpiration nauséabonde, c'est à ces gens "vrais"qu'il le doit. Mark Wahlberg, par son rôle central, réussit - mais c'est une habitude chez lui - à se mettre dans la peau d'un homme banal, avec peu de culture, pataud et balourd, mais tout de même en proie à ses émotions, touchant, crédible.
Mark Wahlberg, malgré son investissement dans Fighter, ne se garde pas la première place sur l'affiche. Amy Adams, qui incarne sa mère, emporte l'Oscar du meilleur second rôle féminin avec une interprétation semi-hystérique, semi-vulnérable, d'une femme de tête, habituée à régner dans son petit monde de succès pailleté et vulgaire. Christian Bale, toujours exceptionnel, empoche lui aussi son Oscar. Son regard fou, son investissement physique, ses gestes de drogué, montrent un acteur formidable, qui étonne à chaque film, se transforme, incarne les rôles les plus variés. Les petits rôles, quant à eux, émaillent de couleurs locales les stars du grand écran. La famille Eklund/Ward, avec ses tempêtes, ses larmes de crocodile, ses ambitions qui ressemblent à ceux des castings de beauté d'enfants, pitoyables et grandioses, est une mine d'or pour un artiste. David O. Russell, le réalisateur, qui n'a que 6 longs-métrages à son compte à ce jour, a su convaincre un casting à la hauteur de son ambition.
Il se devait lui-même d'être à ce niveau. Au plus près des acteurs, il utilise des reporters venus faire un documentaire sur Dicky - ce dernier est persuadé que le film sera à sa gloire, alors que le vrai sujet est la drogue et ses addictions - pour osciller entre documentaire et romance. Ce documentaire prend, lors d'une longue séquence, une place un peu trop centrale à mon goût, trop didactique. Alors que le spectateur savait ce qui allait en résulter, David O. Russell s'attarde sur les images finales télévisées, qui révèlent les personnages à eux-mêmes. Mais avant ce climax du film, et après lui, son rythme est parfait. Au cœur de la petite ville de Lowell comme au plus fort des combats sur le ring, il reste discret, mais mobile, souple, et colle à ses personnages. J'aurais tout personnellement revu également le montage de la fin du film (no-spoil, c'est promis), qui élude rapidement les succès de Micky, revenu au-devant de la scène. L'enchaînement des combats, les coups portés, les corps à terre et les dates qui s'enchaînent, selon un procédé trop simple, ne sont pas à la hauteur du reste du film. Mis à part ces deux moments d'essoufflement, le rythme général tient en haleine.
Fighter sait profiter de l'univers extrême du monde de la boxe pour également montrer une certaine Amérique, et la fraternité de deux frères et d'une famille toute entière.
Fighter
de David O. Russell
avec: Mark Wahlberg, Christian Bale, Amy Adams,...
sortie française: 09 mars 2011
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