Saturday, May 21, 2011

La conquête, de Xavier Durringer

Le 6 mai 2007, Nicolas Sarkozy est certain de l'emporter aux élections présidentielles françaises. Cependant, au lieu de se réjouir, il se souvient de ces cinq dernières années passées au gouvernement Chirac, chahuté par le Président lui-même et son premier ministre Dominique de Villepin, soutenu puis lâché par sa femme Cécilia. En cette journée supposée triomphale, elle n'est pas là, et Nicolas Sarkozy ne peut savourer sa victoire entièrement.
Il est difficile de se détacher du côté document du film La conquête; surtout pour qui se revendique de gauche - ça y est, mes opinions politiques dévoilées au grand jour -, on cherche la petite bête, on cherche à haïr un peu plus un président au pouvoir depuis presque cinq ans; on aimerait bien que Xavier Durringer, extrêmement documenté, dévoile le caractère égocentrique, surexcité, de Nicolas Sarkozy. Mais le film reste correct, et ne dévoile rien; je ne lui reproche pas, car ainsi il ne tombe pas dans le document tabloïd grossier, et c'est certainement ce qui fait sa force. Mais les gens ayant voté pour ce représentant de l'UMP resteront confortés dans leurs idées, voyant en lui un meneur, un décideur, un work-aholic. Les autres verront toujours cette incroyable énergie dépensée par pur égoïsme, cette manipulation médiatique pour jouer sur son image, et peu importent les convictions profondes. Je tenterai - vainement, à coup sûr - de porter un regard uniquement cinématographique sur ce film qui se revendique comme une fiction. Je ne sais pas si c'est la bonne méthode pour analyser La conquête, mais je n'ai pas envie d'entrer dans le jeu du "j'aime ou j'aime pas Sarkozy/Chirac/Villepin".


Je commencerai par critiquer la forme, ce long flash-back qui annonce la couleur: Nicolas Sarkozy est un homme seul, abandonné, acclamé par une majorité de Français, mais qui n'est rien sans sa femme Cécilia. L'ouverture du film sur cette solitude, on s'attend à découvrir le déchirement d'un amour en flash-back mais il n'en est rien. Soucieux de préserver l'intimité, Xavier Durringer s'emmêle les pinceaux et entre dans la vie sentimentale d'un homme public tout en gardant ses distances, et cette attitude le place le cul entre deux chaises. Soit il jouait la fiction jusqu'au bout, et montrait Cécilia amoureuse, Cécilia battante, Cécilia dépassée, Cécilia à bout de nerfs... soit il fallait effacer Cécilia pour s'attacher à Nicolas, uniquement à lui, à son ambition dévorante. Mais Cécilia est là sans que l'on apprenne jamais qui elle sans, sans qu'on prenne conscience qu'elle aime puis qu'elle doute. Elle est là, puis soudain disparaît, et l'amour n'existe pas entre eux. On connaît bien nos personnages, et c'est là ce qui sauve le film; on n'a pas besoin d'en savoir trop, puisque l'histoire est déjà écrite. Mais si on pense cinéma, on pense aussi exportation; et le film, mis entre les mains des populations étrangères à la politique française, en devient absolument incompréhensible.


On retrouve les points clés du dernier mandat chiraquien: Clairstream, CPE, remaniement gouvernemental,... A nouveau, ces dossiers sont évoqués, mais pas ré-expliqués à la population française. A nouveau je m'interroge sur les qualités d'un film qui ne se donne pas la peine de raconter son scénario, dont toutes les ficelles sont déjà connues. Qu'apprend-on donc alors de La conquête? Les dessous de la politique française ressemblent à ceux évoqués lors d'une conversation de bistrot, où l'on se dit avec amertume que les hommes politiques s'impliquent dans des guerres intestines plutôt que de s'investir pour la France. Chirac, bonhomme, reste les bras ballants, incrédules face au "petit Nicolas"; Villepin, hargneux, tente d'attiser le chef de l'Etat en délivrant des phrases assassines sur le "nabot"; Sarkozy, égal à lui-même, laisse traîner ses dents par terre; Cécilia Sarkozy part, revient, erre, pleure, soutient et s'en va de nouveau. Le film se résume donc à une histoire d'amour bancale et des phrases pleines de verve jetées dans le dos des uns et des autres.


La force de La conquête vient cependant de ces fameuses petites tirades lues dans les journaux, et fort bien interprétées par les protagonistes du film. On rit, on s'indigne un peu, de les voir bien remises dans leur contexte dans ces saynètes qui s'enchaînent au profit d'un bon mot.


Je reste donc mitigée sur La conquête, qui ne se mouille pas assez, reste dans un entre-deux trop approximatif, mais qui a tout de même le mérite de bien mettre à l'écran ce qu'on a déjà lu dans les journaux.



La conquête
de Xavier Durringer
avec Denis Podalydès, Bernard Le Coq, Samuel Labarthe,...
sortie française: 18 mai 2011

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