Monday, May 9, 2011

Voir la mer, de Patrice Leconte

Les vacances d'été débutent, et Nicolas et Clément, deux frères mécaniciens dans un petit village de Bourgogne, ont décidé de traverser la France pour aller voir leur mère malade à St Jean de Luz. Nicolas est un grand enfant, naïf et heureux; Clément un grand frère plus mûr, qui vit une rupture sentimentale difficile. Débarque Prudence, rencontrée en un soir, qui fuit un petit ami plus âgé et très protecteur. Prudence n'a jamais vu la mer, et embarque avec les deux frères pour un road-trip et un triangle amoureux.


Patrice Leconte est un étrange réalisateur, passionnant à lire, cultivé et plein de bonnes intentions, mais dont les films, populaires pour la plupart, ne se ressemblent jamais et sont très inégaux, tirant plutôt vers le bas. Voir la mer, selon son ouvrage J'arrête le cinéma, est le film qui lui redonne goût et espoir dans sa réalisation. C'est son premier film scénarisé seul - il travaille généralement avec un autre scénariste, à quatre mains - et il revendique un vent de liberté sur ce dernier long-métrage. Du vent il y en a, de la liberté, pas trop; Voir la mer ressemble à un joli film franchouillard, plein de routes de campagnes, de snacks en bordure d'autoroute, et de jolis clichés sur l'amour.


L'idée du triangle amoureux, traitée dans une immense simplicité, comme d'un naturel exemplaire, sans jalousie ni inégalité, est plutôt jolie en soi; mais son manque de complexité, s'il est plaisant, manque cruellement d'intensité dramatique. Patrice Leconte fait des films pour faire rêver, pour s'échapper; je préfèrerais je crois que cette aisance se retrouve dans la vie, et voir plus de rebondissements et de complications à l'écran. C'est un bien triste constat qu'il fait là, mettant en scène un rêve de trio, et d'ainsi annoncer qu'il n'y croirait pas s'il arrivait qu'une jolie fille souhaite ne pas choisir, et que cela convienne à ses deux amoureux. Tant pis pour nos convictions. Le drame survient avec une histoire quelque peu secondaire, assez bien traitée dans sa forme, mais malheureusement trop timide dans le fond.


Prudence a en effet un petit ami plus âgé, qu'elle justifie par son enfance privée de père...  Pas de commentaire là-dessus, la phrase se suffit à elle-même. Max poursuit donc Nicolas, Clément, et la jeune fille, plus par hasard que par véritable psychopathie. Et ce dédoublement de personnalité convient mal au personnage; est-il réellement un salaud, qui domine sa petite amie, qui possède une arme à feu chargée, qui est prêt à traquer celle qui l'a quitté? Ou est-il un pauvre type, errant sur les routes, représentant en bijoux de pacotille, largué, perdu? Son aventure, mise en parallèle de celle de Nicolas, Clément et Prudence, offre des moments qui auraient pu être de petits sketchs assez drôles si le personnage avait eu une personnalité plus assumée.


Ce qui gâche encore le film, c'est son personnage central, cette Prudence qui doit être à la fois incroyablement sexy, mais aussi réellement dénuée d'arrière-pensées, terriblement spontanée, aimante, généreuse et mystérieuse. Possédant toutes ces qualités, et un passif lourd d'échecs sentimentaux, de son père à Max, Prudence nécessite d'être incarnée par une actrice talentueuse capable de subtilité. Mais le rôle revient à Pauline Lefèvre, dont c'est le tout premier rôle au cinéma, et la jeune fille ne s'en sort pas. Ses œillades appuyées et ses mouvements de chevelure n'entrent pas dans le caractère très pur et innocent de Prudence; ses phrases sortent avec un sourire peu naturel, qui surjoue son côté instinctif. Ses répliques possèdent toutes la même musicalité, joyeuse et forcée, comme si Prudence voulait en vérité hurler "Regardez comme je suis sincère". A côté d'un Clément Sibony et d'un Nicolas Giraud qui sonnent plutôt justes, malgré leurs défauts de personnages - Nicolas notamment, agace par son côté naïf et chien fou -, Pauline Lefèvre fait figure d'amatrice et enlève subitement tout réalisme à Prudence.

Voir la mer, du fait de son ratage, me donne cependant envie d'en savoir encore plus sur Patrice Leconte. Cette contradiction encourageant le cinéma français, je vous engage du coup tout de même à aller voir ce film.



Voir la mer
de Patrice Leconte
avec Pauline Lefèvre, Clément Sibony, Nicolas Giraud,...
sortie française: 04 mai 2011

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