Thursday, May 19, 2011

Ridicule, de Patrice Leconte

Grégoire Ponceludon de Malavoy, noble avec peu de fortune, vivant au milieu de ses marais, concerné par la mort des paysans de son domaine, décide d'aller à Versailles présenter au roi un projet d'assèchement de ses terres. Il fait la rencontre de Bellegarde, qui voit en lui l'esprit qu'il a perdu, et le moyen de retourner dans les bonnes grâces de la cour. En effet, il faut avoir de l'esprit, et de la rhétorique, pour plaire à Louis XVI. Peu importe la bonne volonté, l'honnêteté, la droiture, si l'on sait l'amuser. Grégoire Ponceludon écoute les conseils de Bellegarde, et se partage alors entre son hôte, sa jolie fille, et la cour, Madame de Blayac et son binôme à divertir, Vilecourt, pour arriver à ses fins et réussir à monter son projet d'assèchement des marais.


Je vous avais prévenu que j'irai voir et revoir du Patrice Leconte, après avoir lu ses Entretiens. Ridicule est l'un de ses derniers très bons films, récompensé par des Oscars à gogo en 1997. Le cinéma de Leconte est toujours bien français, c'est-à-dire plus porté sur la langue que sur l'image; comme le sujet s'y prête, et que l'image suit tout de même de manière honnête, Ridicule se voit et s'écoute aussi avec bonheur. La langue y joue un rôle primordial, les bons mots s'enchaînent sans que l'on ne sente la moindre préciosité superflue. Les acteurs réussissent effectivement à jouer le texte avec un naturel impeccable, donnant la juste force aux mots, percutants et parfaitement intégrés au scénario et à sa mise en scène.



Le propos est un peu faiblard, mais finalement, je préfère largement une idée simple rondement menée que des rebondissements inutiles pour compenser un message alambiqué qui ne passe pas. La cour, sa fatuité, les jeux de pouvoir, s'opposent à l'esprit libre, la recherche d'un idéal, la poursuite d'une pensée à soi. La poudre, les toilettes, l'apparence, vieillissent les corps, tandis que la nature, la simplicité d'une robe, l'innocence et la fraîcheur d'un visage sans fard, attirent les cœurs. Patrice Leconte se laisse légèrement aller au sentiment, s'attardant sur la beauté d'un casting qui, tout personnellement, ne me touche pas. La candeur de Judith Godrèche a tendance à me repousser, mais la caméra la caresse joliment pour faire comprendre ses atouts. Patrice Leconte cadre lui-même, et aime s'approcher des femmes, de leur peau, et réussir dans Ridicule à en capter soit les défauts - chez Fanny Ardant, cupide et poudrée -, soit la transparence - Judith Godrèche, jeune femme au naturel.


La pirouette de la fin du film - car l'on sait que Grégoire Ponceludon de Malavoy n'arrivera pas à ses fins, tant il reste hermétique aux apparats de la cour - tombe un peu trop rapidement pour avoir suffisamment de force, mais clôt le film cruellement, à la manière dont il avait été ouvert. Le film en costumes en devient terriblement moderne, avec ses dialogues aiguisés, et son thème de l’humiliation public, toujours d'actualité.

ps: Patrice Leconte aime avoir le contrôle de son affiche. J'adore celle-ci, je ne me souviens plus de ce qu'il en dit dans ses Entretiens, mais j'espère bien qu'elle lui a plu.


Ridicule
de Patrice Leconte
avec: Charles Berling, Jean Rochefort, Fanny Ardant,...
sortie française: 1995

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