Thursday, July 21, 2011

Le voyage de Lucia, de Stefano Pasetto

Lucia s'obstine à continuer son métier d'hôtesse de l'air, malgré un mari qui n'y tient pas et qui pourvoit largement à ses besoins; elle semble avoir envie de remplir une vie trop vide, qu'elle espère vainement, après une énième fausse couche, combler avec un enfant. Léa est terriblement libre et fantasque; elle travaille dans une usine de poulets, sûre de quitter ce gagne-pain dès qu'elle en aura l'occasion; elle vit avec un homme fasciné par son indépendance, elle suit ses envies. Dans cette Argentine qui n'est pas leur pays d'origine, les deux Italiennes se rencontrent et s'influencent.


Deux portraits se croisent donc dans ce film aux accents  féministes. Lucia et Léa sont toutes deux coincées dans une vie qu'elles ne désirent pas, et compensent leur mal-être, plus ou moins visible, avec des astuces différentes qui ne font que cacher leur misère. Mais si Lucia a clairement besoin de changer de vie, Léa ressent cet appel de manière plus évidente et chercher à fuir... mais quoi? Le titre du film porte à confusion; c'est autant de l'une que de l'autre que l'on parle, et la seule Lucia ne tient pas une histoire emmenée au loin par Léa. C'est là aussi que le film perd de sa force: en se divisant en deux personnages aux caractères opposés, il s'égare dans deux directions différentes, se découpe également en deux parties sur la longueur et en hauteur. Je m'explique; la première partie du film met en parallèle les vies de Lucia et de Léa; les oppose, en quelque sorte, pour mieux les réunir dans la seconde partie du film. Voilà pourquoi je découpe ce film au milieu, d'une grande barre verticale. Le découpage "à l'horizontal", ou sur la longueur, vient du fait que, malgré une amourette naissante, le réalisateur ne parvient jamais vraiment à fusionner en couple ses deux personnages; et de bout en bout, Lucia et Léa vivent leurs envies séparément. Leurs routes semblent se frôler sans jamais se confondre.


On reste donc plutôt en retrait de cette romance au découpage hasardeux. Scinder ainsi deux vies de de personnages pourtant au centre du film sert, à bon escient, à appuyer le souci d'attachement de Lucia et de Léa. La première tente vainement de construire un lien entre sa vie maritale et ses désirs par un enfant; la seconde se déclare libre et indépendante, tout en ne pouvant s'empêcher de soupirer après un père absent auquel elle pardonne de ne jamais le voir, et ses brefs coups de fil mystérieux. Cette liberté toute individuelle est encore renforcée par le manque d'informations sur les personnages; pourquoi Lucia ne désire-t-elle plus son mari? pourquoi Léa a-t-elle aussi peur du classicisme du couple? L'aura énigmatique autour des deux femmes est trop grosse, trop lourde; et s'il est agréable de ne pas tout offrir sur un plateau au spectateur, quelques indices permettent de s'imaginer plus facilement le passé de chacune. Mais les personnages de Lucia et de Léa, malgré leurs différences, sont traitées de la même manière, avec autant de zones d'ombre autour d'elles.


C'est finalement un film trop équilibré, trop bien balancé, que réalise Stefano Pasetto. Ses interrogations sur la place d'une femme au sein d'un mariage, au sein d'une relation amoureuse, dans la société, sont parfaitement honorables, mais traitées avec beaucoup trop de réflexion, et pas assez de spontanéité. La maladie, l'homosexualité passent cependant avec une grande légèreté dans un scénario qui se concentre ailleurs, alors que ces thèmes auraient facilement pu plomber l'ambiance. Le réalisateur réussit à intégrer ces éléments sans appesantir son film, et reste fixé sur ses personnages. Ces derniers profitent également de la forte et lumineuse présence de deux actrices talentueuses, Sandra Ceccarelli et Francesca Inaudi, qui portent le film vers le haut. Terriblement féminines, sensibles et fortes en même temps, elles incarnent deux femmes et une époque, avec, sous-jacente, une Italie qui les rapproche.


Sur les dernières séquences du film, le voyage semble vraiment commencer avec le générique, comme si Le voyage de Lucia n'était qu'un prélude à une longue quête qui débute vraiment. J'aurais aimé partir déjà avec Lucia, mais j'attendrai le prochain film de Stefano Pasetto...



Le voyage de Lucia
de Stefano Pasetto
avec: Sandra Ceccarelli, Francesca Inaudi, Cesar Bordon,...
sortie française: 03 août 2011

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