Robbie échappe de peu à la prison, pour un petit crime qui s'ajoute encore à son passé de délinquant. Maintenant installé avec son amie, enceinte, il veut se ranger malgré le peu de perspective que lui apporte la société. Comment faire croire à tous qu'il souhaite la stabilité, alors qu'il traîne en jogging, balafre sur la joue, et se fait courser en permanence par une bande rivale, et que le père de son amie lui-même le voit d'un œil mauvais? Robbie croise malgré tout quelqu'un qui croit à son envie de rédemption, Henri, son éducateur qui supervise ses heures de travaux généraux dont il a écopé avec d'autres petits criminels comme lui. Le groupe se serre les coudes, et Henri leur transmet son amour du whisky.
Ken Loach prend le contrepied de cette situation qui pourrait paraître plutôt casse-gueule. On sent les bons sentiments, la solidarité avant tout, l'amour qui rend plus fort et la prévision de devenir père qui rend plus sensible. Bref, le happy end nous guette, et la mièvrerie aussi. Le petit délinquant de Glasgow deviendra un père responsable et arrêtera de taper son voisin. C'est un peu ce qu'il se passe, mais Ken Loach réussit trois choses.
D'abord, il injecte une bonne dose d'humour dans son film, pour contrecarrer le côté "la vie est dure et la société injuste". C'est le rôle des compagnons d'infortune de Robbie de distiller quelques phrases ou éléments scatophiles pour désengorger un peu la misère et le sombre avenir. Ce n'est pas toujours très subtil, mais ça permet au spectateur de s'engager physiquement avec les personnages. Ceux qui auront vu le film se rappelleront de cette nausée qui arrive alors que le colocataire de Robbie descend à lui seul le contenu du crachoir autour duquel les autres sont réunis. Attention, Ken Loach est tout de même un conteur subtil, et on est à mille lieux, heureusement, de Borat-eries.
Ensuite, Ken Loach a pensé fortement au choix du moyen de rédemption de ses personnages. L'idée du whisky peut apparaître comme un figure humoristique, qui se prête facilement à la blague potache et à la soulerie rigolote. Mais les jeunes gens de Glasgow y découvrent soudain autre chose que la piquette. Le whisky n'est pas assimilé à leurs grosses bouteilles d'alcool, mais à une sorte de foie gras, ou de champagne, dont ils doivent saisir l'essence pour réussir à l'apprécier, au lieu de l'avaler goulûment. Il réveille des souvenirs pour certains, l'haleine fétide de parents alcooliques et une enfance compliquée; il est le fruit d'un travail de traditions et se fabrique ou se déguste dans la rigueur. Bref, même si c'est basiquement de l'alcool, le whisky faut le lien entre un passé chaotique de jeunes élevés pour la délinquance et un futur encore incertain mais qui se dessine avec plus de rigueur.
Enfin, malgré un happy end attendu, Ken Loach ne fait pas passer ses personnages du tout noir au tout blanc. Cette transition de leur vie est grisée, et ce n'est pas honnêtement, du jour au lendemain, que Robbie et les autres décident de mettre de côté leurs années de malheur. Ils continuent de voler, mentir, et tricher, et découvrent que les honnêtes gens, finalement, font de même... sans se faire prendre. Leur nouvelle vie ne sera pas tout à coup pure et radieuse, mais plus intelligemment menée, certainement.
Réunis, ces éléments font de La part des anges un film assez léger pour être vu et découvert facilement, et reste témoin de son temps et porteur d'un message social suffisamment fort.
La part des anges
de Ken Loach
avec: Paul Brannigan, John Henshaw, Roger Allam,...
sortie française: 27 juin 2012
1 comment:
C'est le premier film que j'ai vu depuis mon retour de vacances, et j'ai adoré. J'ai trouvé ça à la fois très drôle et subtil (moins manichéen que d'habitude).
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