Monday, July 23, 2012

Laurence anyways, de Xavier Dolan

Laurence passe un cap dans sa vie, avec son anniversaire. En couple avec Fred, jeune femme explosive, avec qui il a une relation fusionnelle et confiante, alors qu'il reçoit un prix pour son premier roman, Laurence se sent tout de même incomplet, pas vraiment lui. Il veut devenir une femme. Du jour au lendemain, cette volonté lui devient impossible à contenir. Il faut qu'il fasse accepter ce changement à sa mère, à ses amis, à ses collègues, et surtout à Fred, sans qui il ne peut vivre.


Xavier Dolan a cessé de se mettre en scène. Le jeune réalisateur de vingt-trois ans - oui, tant que ce garçon n'aura pas dépassé les quarante ans, je pointerai du doigt son âge -, avec son troisième film, cesse son égocentrisme, tout à fait louable et logique en début de carrière, pour déjà s'orienter vers des sujets plus éloignés de lui. Il conserve cette tendresse pour les interrogations sexuelles, plus à l'aise avec le troisième sexe que par le manichéisme du couple homme/femme. Quelle que soit l'orientation amoureuse de ses personnages, c'est justement l'amour qui est important. Une autre raison aurait pu séparer, ramener l'un à l'autre, déchirer de nouveau, etc etc, Laurence et Fred. Xavier Dolan choisit un changement de sexe, et tant qu'il maîtrise son sujet et n'en fait pas un hasardeux point central, on le suit jusqu'au bout.


Jusqu'au bout oui, et pourtant le film dure bien 160 minutes. C'est long, mais juste suffisant pour couvrir dix années avec l'aide d'une journaliste qui interroge Laurence, devenue femme accomplie et auteur à succès. La fin est déjà écrite. Le changement de sexe n'est finalement pas un souci. Laurence a réussi à conquérir son corps et à le faire accepter. Par contre, ce qu'on ne sait toujours pas au début du film, c'est si son amour avec Fred a perduré. Et, alors qu'on replonge dans leur passé commun, on a envie que Fred soit toujours là. Dans une atmosphère de fin des années 80' et début 90', alors que le kitsch est de mise et que Laurence, aussi mal fripé en homme qu'il le sera en femme, fume cigarette sur cigarette, et invente des listes en philosophant dans sa voiture avec une Fred survoltée et adorable, sous les torrents d'eau d'un lavage automatique, Xavier Dolan met la musique à fond et s'attarde sur une passion et une union parfaite. Tels qu'ils sont, Laurence et Fred sont faits pour être ensemble.


Leur histoire est évidemment secouée par la volonté de transformation de Laurence. Qu'auriez-vous fait? Fred choisit la fuite, choisit de revenir, de le soutenir; elle choisit d'aimer toujours. Mais s'interroge sur ses concessions, sur la cruauté de Laurence qui, en changeant, la change aussi, elle, alors qu'elle n'avait pas besoin d'être plus marginale encore. Melvil Poupaud est superbe en transexuelle, dans son assurance et ses timidités. Mais Suzanne Clément est encore plus magnifique dans ses tentatives de se donner, de se retrouver, dans sa déchéance et ses amertumes. Dans l'amour également, et quand elle est heureuse. Bref, quand on s'attend à ne voir que Laurence, il y a Fred qui crève l'écran, tout autant que des personnages secondaires, dont Nathalie Baye, mère de Laurence, bourgeoise acide et féminité incarnée, ou Monia Chokri, sœur de Fred, complice et lesbienne assumée.


C'est le talent de Xavier Dolan de les sublimer tous en les mettant au service de son histoire. Dans son style maniéré, coloré et musical - ce type a une sacrée culture musicale de mauvais goût, des années 90' dont il ressort le meilleur, ou le pire, aussi - il rend la vie la plus emmêlée, belle.


Laurence anyways
de Xavier Dolan
avec: Melvil Poupaud, Suzanne Clément, Nathalie Baye,...
sortie française: 18 juillet 2012

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