Monday, September 17, 2012

Des hommes sans loi, de John Hillcoat

Il est alors interdit de vendre et de consommer de l'alcool aux Etats-Unis. Évidemment, les circuits parallèles s'organisent, en collaboration avec une police corrompue. Dans les villes, les bars souterrains pullulent, et les mafieux s'enrichissent. Dans les campagnes, on distille de tout et de n'importe quoi et on prend les plus gros risques pour fournir les consommateurs. A Franklin, en Virginie, les vis sont cependant prêtes à être serrées par un agent fédéral pincé. Tous se plient à ses règles, sauf les trois frères Bondurant, qui continuent leur trafic. Le cadet d'entre eux pense même à grossir le circuit de distribution.


Le blogosphère cinéma se passionne pour ce film noir, brut, qui s'intéresse pour une fois à la Prohibition côté coulisses, loin de Chicago et d'Al Capone... L'Amérique est rurale, et John Hillcoat le dit lui-même, fragilement posée entre deux époques, celle, sur le déclin, de la découverte de l'Ouest Américain et celle, florissante, du gangster. Son film pourrait prendre le meilleur des deux styles, mais s'engage dans la bluette teintée de quelques jaillissements de sang qui, s'ils surprennent et font détourner le regard, ne sont tout de même pas suffisant pour donner un semblant de couilles à un scénario mélancolique.


On s'attarde longuement sur celui des trois frères qui voit la fin de son monde se terminer, et qui précipite cette chute sans gloire. Le petit dernier de la famille, venu après un gros musclé qui s'exprime par borborygmes, et un deuxième frère ivrogne et bagarreur, a toutes les caractéristiques du cadet choyé et dont on a oublié les ambitions. Shia Labeouf, dans ce rôle, excelle. Je n'arrive pas à comprendre si le monde de l'internet l'adule ou le moque, mais, pour ma part, je l'ai trouvé tête à claques au possible. En accord avec son personnage, cela va de soi, mais pas suffisamment charismatique pour porter l'action sur ses frêles épaules. Il fonce tête baissée, sans jamais penser aux conséquences. Il n'aura jamais son moment de gloire, tombant au premier obstacle, sauvé par ses frères.


C'est pourtant lui qui raconte l'histoire - en voix off, procédé toujours discutable quand on aurait pu se contenter de raconter par l'image au lieu de se reposer sur le verbiage -, lui qui fait avancer le scénario, lui qui poursuit de ses avances une jeune fille intouchable - fille d'un pasteur, et trop jolie pour lui. Même pour achever son ennemi, il reste petit, minable, et c'est son frère qui porte le coup fatal. Il conclut également le film, dans un happy end décevant, alors que pas une seule fois il ne réussit à mener le scénario ailleurs qu'au ridicule. Et si Forrest, le frère aîné, le cerveau antipathique, rustre, avait été le héros de cette histoire?


Lui aussi vit une étrange histoire d'amour, avec une jeune femme débarquée de Chicago, et qui traîne un passé bien plus intéressant que la plate vie de la fille du pasteur. Avec son corps mutilé, revenu dix fois d'entre les morts, Forrest est un personnage plus jubilatoire que son frère. John Hillcoat ne lui autorise que de brèves scènes, où il arrive en renfort. Il y a un tel potentiel derrière les grognements de ce personnage, que c'en est frustrant de ne pas le voir embarquer le scénario loin de Jack. Il répond bien plus au titre du film, Lawless en version originale, car c'est bien lui qui impose sa loi, contre ceux, tout aussi irrespectueux, des autorités fédérales.


Des hommes sans loi fait l'erreur de suivre le personnage le plus mauvais de l'histoire du western ou du film de gangsters, en ne faisant passer Jack ni pour un cowboy, ni pour un mafieux, juste pour un pauvre type en quête de gloire et qui trouve finalement son bonheur dans la banalité d'une vie bien rangée. Cette condition résume parfaitement le film qui, sous ses airs de film de genre, donne plutôt dans la bluette.


Des hommes sans loi
de John Hillcoat
avec: Shia Labeouf, Tom Hardy, Jessica Chastain,...
sortie française: 12 septembre 2012

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