Se lever tôt, encore plus tôt qu'en semaine ; l'automne est installé, il fait froid et sombre et le bruit des cales résonne dans la cage d'escalier silencieuse. Je croise un voisin dans la cour ; il me dit "bonsoir", je lui réponds "bonjour". Dans la routine d'un weekend de cycliste, 100km sont roulés avant le petit-déjeuner des gens qui font la grasse matinée.
Le weekend commence jeudi, une chilkooterie s'annonce et ce n'est pas une sortie ordinaire. Je me lève tôt, finis ma nuit dans le train pour Clermont-Ferrand. Le soleil tape quand je commence à rouler et les routes sont toutes à moi, le reste du monde est au boulot. J'arrive avant 20h et je dine à l'hôtel sans visiter la ville. Vendredi, je me lève, par habitude, à l'aurore, mais j'ai tout mon temps. Je prendrai celui de déjeuner à La Chaise-Dieu après avoir bifurqué et suivi un panneau et une route qui avait l'air jolie dans la forêt, plus jolie que celle de ma trace. Je redescends vers Le Puy en Velay et j'ai encore quasiment 24h devant moi, avant de prendre le départ de La Stevenson.
On se regroupe à midi. J'ai mon petit-déjeuner dans l'estomac, d'autres prennent un steack-frites avant de se lancer. Une ligne désorganisée de cyclistes déborde de la photo prise au départ par Luc et puis pédale joyeusement vers les péripéties qu'il nous a concoctées. De jolies routes, qui suivent le chemin pris par Stevenson et sa Modestine. Son périple aura duré douze jours, et donné lieu à un recueil de bavardages intimes, le genre de discussions qu'on a avec soi-même sur la route. Nous roulons sur la route goudronnée qui suit ses pas, en voyant les mêmes paysages et en grimpant les mêmes flancs de montagnes. Peut-être les mêmes pensées nous traversent l'esprit.
A la nuit nous sommes au Bleymard. Plus qu'une bonne grimpée, et 30km de descente, pour atteindre notre première destination, un abri pour la nuit. Certains s'arrêtent affamés avant d'attaquer ce dernier morceau. Ni faim ni envie de me refroidir, je continue en direction de Florac. Il fait nuit noire au sommet, tout est calme. On respire des odeurs de cheminées dans les quelques maisons ou hôtels. A 22h à Florac, le seul bar aurait fermé ce vendredi soir, si on n'y avait pas débarqué et fait le chiffre de la soirée.
Plus de 60 cyclistes débarquent, entre 23h et 2h du matin, dans la salle des fêtes de la ville. Un buffet nous attend, on pille le pain, les bananes et la charcuterie, le whisky écossais comme Stevenson, aussi. Dans le fond de la salle il y a une estrade sur laquelle les sacs de couchages s'alignent. Avec en bruit de fond les conversations des derniers qui arrivent ou trainent encore, on s'endort.
Courte nuit, peu reposante et c'est pourtant avec une sacrée énergie qu'on reprend la route. Il fait froid, le cafés ne sont pas ouverts encore. La première boulangerie sera pillée avant qu'un extraordinaire lever de soleil colore de mauve et de rose le ciel derrière les montagnes. Il ne reste que quelques kilomètres. Dimanche, Alès n'est pas une ville très joyeuse et le bar de la gare n'ouvrira pas sa cuisine. Peu importe, on reprend le vélo, c'est facile jusqu'à Nimes. On aura roulé 130km pour une pizza en ville, et on reprend le rythme de nos vie en déjeunant à 13h.
Commencer la journée à midi, arriver dans la nuit, repartir quelques heures plus tard, terminer le voyage à 10h... Participer à une chilkooterie pousse les excentricités cyclistes plus loin ; sur la route, et dans nos pratiques et nos coutumes. Ces quatre jours sur la route, avec les quelques bonus que mes courtes vacances m'ont permis d'ajouter à La Stevenson, ont bouleversé mes repères. On peut s'immerger dans l'aventure en changeant des détails. Déconnecter du monde, ne penser plus qu'au vélo. Alors que je reprends sérieusement le travail, cinq jours sur sept, j'essaierai de ne pas oublier cette leçon de La Stevenson.
4 comments:
Belle aventure qui ouvre la voie à de nouvelles, le Massif Central est un coin formidable pour rouler des routes tranquilles favorables à la contemplation...
Ça donne très envie. C’est bien écrit. Bravo. François
Ça donne envie. C’est bien écrit. Bravo
Cela donne envie et me motive ! merci du partage.
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