Sunday, October 17, 2010

Les rêves dansants, sur les pas de Pina Baush, de Anne Linsel et Rainer Hoffman

Pina Baush, chorégraphe et danseuse allemande, est décédée le 30 juin 2009, bien avant la sortie de ce documentaire qui est donc précieux pour ces dernières images que l'on a d'elle. Elle met alors en scène sa pièce créée en 1978, Kontakthof, pour une troisième version. La deuxième version était interprétée par des dames et messieurs de plus de 65 ans; cette version-ci est interprétée par des adolescents de plus de 14 ans. Le documentaire de Anne Linsel et de Rainer Hoffman suit les répétitions sur une année, jusqu'à la première représentation.


Pina Baush ne prend pas en main toutes les répétitions, ce sont Jo Ann Endicott et Benedict Billier, toutes deux danseuses dans son corps de ballet, qui s'en chargent de bout en bout, mais à chaque apparition, la tension monte chez les jeunes danseurs amateurs, le désir de plaire à cette grande dame les emplit d'ambition. Je n'ai pas connaissance du monde de la danse; néanmoins, j'ai évidemment entendu parler de cette chorégraphe si intense, pessimiste, qui mêle le jeu du théâtre aux mouvements du corps, et qui s'adapte à chaque morphologie pour faire parler toutes les personnalités sur scène. Ce pessimisme est bien palpable, dans l'histoire de la pièce, dans ces corps qui s'entrechoquent et qui pleurent. Mais Pina Bausch elle-même dégage une infinie douceur et une force communicative, un œil acéré et tendre sur ces jeunes filles et garçons qui reprennent son travail. Son désir de partage et d'échange contrebalance avec le message un peu noir de ses pièces.


Les jeunes gens qui répètent sont amateurs, et découvrent Pina Bausch et la danse autant que moi, parfaits néophytes. Et pourtant, les mouvements sont gracieux, le travail ardu, et les jeunes danseurs finissent par dégager une réelle émotion. Au-delà de leur apprentissage de la danse, il y a leurs émois d'adolescents, leurs difficultés à s'appréhender les uns les autres, à se connaître eux-mêmes, aussi. Bien loin des Capital et autres M6-eries sur cet âge ingrat, voilà un regard frais, simple, et une caméra qui laisse parler ces filles et ces garçons qui venaient avec un peu d'appréhension, et qui ont fini par attendre leurs samedis de répétitions; qui hésitaient, se fermaient, et apprennent à se donner entièrement sur scène, à se surpasser. Pas de montage trépidant, de voix off insistante, de violons et de coups du sort. Les adolescents, s'ils se dévoilent, le font en toute spontanéité, et sans effusion.


Pina Bausch, privilégiant son rapport aux adolescents, et leur développement personnel face à la danse, n'a accepté la présence de la caméra que parce qu'elle connaissait la réalisatrice, Anne Linsel, depuis longtemps. Anne Linsel n'a cependant pas abusé de cette confiance offerte comme un privilège, et s'efface, la plus discrète possible. Pudique, sa réalisation omet certains faits, pour se consacrer entièrement à sa fonction, celle d'être un témoin sans contact direct. La fonction même du documentaire, celle d'observer sans intervenir, et l'idéal du journaliste, qui se contente de retranscrire la réalité sans enluminures, sont respectés.


Ce très joli documentaire ravira tous ceux qui aiment la danse, et ceux qui n'en connaissent pas un traître pas.


Les rêves dansants, sur les pas de Pina Bausch
de Anne Linsel et Rainer Hoffman
sortie française: 13 octobre 2010
la fiche Univers Ciné

No comments: