Wednesday, October 23, 2013

La vie d'Adèle, chapitres 1 & 2, d'Abdellatif Kechiche

Adèle est en 1ère littéraire, dans un lycée de Lille. Avec sa bande de copines, elles regardent évidemment les garçons, mais Adèle se sent attirée par une fille, croisée dans la rue. Alors qu'elle se rend bien compte de ne pas avoir ce qu'elle désire avec son petit copain, Adèle recroise Emma par hasard, dans un bar gay. Autour d'elle, ses amies, ses parents ne comprennent pas cette relation, qu'Adèle a elle-même du mal à assumer.

C'est sorti depuis deux semaines, et on en parle depuis Cannes, de La vie d'Adèle. Avec tout ce qu'il y a eu de polémiques autour de ce film, il est incroyable que le public ne soit pas encore arrivé à saturation. Certes, je suis allée au cinéma un dimanche (grossière erreur), mais la salle choisie pour la séance était d'une capacité conséquente; n'empêche, pas un fauteuil de libre. Et passer plus de trois heures (oui, parce qu'il y a les publicités) dans un petit espace, coincée entre deux personnes inconnues (ou quatre, si on compte les voisins des fauteuils devant et derrière, ou une centaine, si on compte tous les sièges), ça n'aide pas à passer un bon moment au cinéma. J'ai des jambes d'une longueur que j'estime normale, et bien, j'ai mal. Du coup, j'étouffe, je sors du film (pas physiquement, hein), y'a des gens qui toussent en plus et qui mangent du pop-corn, mais qu'est-ce qu'ils font là? Ils n'ont rien d'autre à faire un dimanche après-midi pluvieux? Autre chose que d'aller voir une Palme d'or cannoise, et qu'ils me laissent étendre mes jambes sur un siège, mes affaires sur un autre!
Je suis ravie que l'art (.../les scènes de cul) attire autant de monde au cinéma. Et Abdellatif Kechiche n'est pas le premier à sortir un film de trois heures. Sauf que lui, en plus, il en a l'habitude, et qu'il compte même, paraît-il, ajouter 40 minutes à la sortie DVD. Chers réalisateurs, arrêtez de vous toucher (rapport aux scènes de cul, j'ai décidé d'être subtile). Vous aurez beau sortir un film génial, l'art ne se passe pas de pauses-pipi. Donc, non, un film de trois heures ne sera jamais bon au cinéma (ou alors j'irai tester dans une des salles de Besson), et La vie d'Adèle n'est pas non plus parfait, à cause de ces minutes de trop.
On a parlé de la manière qu'a Kechiche de travailler avec ses techniciens, de pousser à bout ses actrices. J'aimerais beaucoup entendre un de ses quinze monteurs parler de son travail. De loin, de derrière mes écrans (de cinéma, d'ordinateur), j'ai l'impression qu'Abdellatif Kechiche est un bel égocentrique; un peu à la manière d'un Joann Sfar, je l'imagine bouillonant d'idées, de passions, d'envies. Il a du talent à revendre, mais une manière d'y réussir qui est complètement insultante pour ses co-travailleurs, et aussi pour son public. Le genre de types qu'on aime détester, mais dont on ne peut que comprendre l'arrogance, puisqu'ils sortent des oeuvres incroyables.
J'ai commis ce qui est peut-être une erreur (ou alors est-ce une une insolence de plus de la part du réalisateur), j'ai lu la bande-dessinée dont est tiré le film avant d'aller voir La vie d'Adèle au cinéma. Le film diffère en beaucoup de l'oeuvre de Julie Maroh. L'auteure raconte comment une jeune fille n'accepte pas sa propre homosexualité. Abdellatif Kechiche raconte, lui, une "banale" histoire d'amour, celle d'un couple qui se découvre, vit une passion avant de se laisser sombrer et de se séparer (toi qui n'as pas vu le film, tu crois vraiment que la rupture, c'est un spoil? Tu crois vraiment qu'un film de Kechiche allait te montrer de l'amour pendant trois heures?).
Ces considérations un peu personnelles sur mes jambes ankylosées, et l'analyse psychologique du réalisateur mises à part, La vie d'Adèle mérite sa triple Palme d'or, remise, je vous le rappelle, autant à Abdellatif Kechiche qu'à ses deux actrices. Tiens, d'ailleurs, tant qu'à écrire un point de vue totalement hors sujet (vous me rappellerez en conclusion de vous parler du film), j'ai trouvé qu'il n'y avait qu'une seule actrice dans ce film. Léa Seydoux ne tient qu'un rôle secondaire de fille homosexuelle bien dans sa peau, bref, son personnage n'est qu'au service d'Adèle. La vie d'Adèle, c'est la vie par les yeux et par le corps d'Adèle. Adèle Exarchopoulos est de tous les plans, et quand on ne la voit pas, c'est parce que la caméra montre ce qu'elle regarde. La jeune actrice est magnifique, pas seulement parce qu'elle est belle, habillée et nue, mais parce qu'elle grandit considérablement en (cette fois) "seulement" trois heures de film.
Abdellatif Kechiche la montre sans complaisance, avec verrue et morve au nez. Adèle est un cliché d'adolescente, provinciale de plus, que la poésie fait rêver, que le talent désarçonne, même si ce talent n'est qu'une posture (Emma vient d'une bonne famille, réussit en tant qu'artiste, mais a-t-elle du talent, ou des relations?). Adèle ne se maquille pas, ne se mouche jamais et dort la bouche ouverte (manquait un petit filet de bave pour compléter le tableau). Elle est l'innocence dans toute sa splendeur et pourtant, le réalisateur a toujours, toujours de la tendresse pour elle. Adèle est un cliché, tout comme Emma, mais ces deux filles si évidentes transpirent aussi la vérité. Les dialogues sont également caractéristiques de ce talent du réalisateur. Il impose un langage de rue, qui, généralement, est moche au cinéma; si tous les réalisateurs mettaient dans leurs films nos hésitations, nos "euh", nos manques de répartie, je me plaindrais probablement d'avoir des films d'au moins cinq heures. Abdellatif Kechiche capte la réalité et en fait un véritable objet cinématographique.
Il est fort, ce con. Il faut toujours être un peu vulgaire quand on n'est pas capable d'expliquer, et puis, dans ce cas, ces invectives passent pour des effets de style. J'essaie d'écrire à la manière dont Abdellatif Kechiche réalise, avec une certaine dose de moche pour faire du beau. Ses scènes d'amour (ah, on y arrive) sont en accord avec le reste du film: un peu trop longues (j'aurais plutôt coupé dans la scène de rupture, que dans la scène de cul), mais vraies, un peu vulgaires, comme dans la vie. Vous prenez votre pied en restant en sous les draps, vous, en restant dignes, propres et jamais essoufflés? Voilà, pareil. Ces scènes choquent, parce qu'elles montrent crûment, mais pourquoi serait-on plus prude pour montrer du sexe que pour montrer des pleurs? L'acte de pleurer (elle pleure beaucoup, Adèle) met quasiment autant à nu que le sexe. Sauf que, dans le premier cas, le personnage est au plus bas, et que dans le second, il est au plus haut (et habillé/pas habillé, certes). Quel acte, selon vous, nous dévoile-t-il le plus? Les larmes ne sont pourtant pas classées X.
Je n'ai toujours pas dit grand chose sur le film, sur mon avis. C'est bien, c'est trop long, c'est agaçant et plein de talents (d'actrice, de réalisateur).

La vie d'Adèle, chapitres 1 & 2
d'Abdellatif Kechiche
avec: Adèle Exarchopoulos, Léa Seydoux, Jérémie Laheurte,...
sortie française: 09 octobre 2013 

ps: encore après la sortie, aujourd'hui même, Abdellatif Kechiche publie une tribune sur rue89... #mégalomanie

3 comments:

Nathalie - AppsPourLesFemmes said...

Je vais peut être attendre la sorite en vidéo pour éviter les courbatures aux jambes, mais je vais décidément voir ce film! Et j'ai adoré le style d'écriture de ta revue:)

Fanny B. said...

Héhé, attention aux 40 minutes de plus sur le DVD ;)

Anonymous said...

Le subtil vous va bien en tout cas ! J'ai vu le film hier et effectivement j'ai eu le genou ankylosé et trouvé le temps long - étant invitée par une amie sans connaître la durée du film - aïe. Paradoxalement j'ai eu le sourire pratiquement durant tout le film devant tant de réalisme et de simplicité, je me suis royalement projeté sur cette belle Adèle. JJ'ai même regretté certains amours bref j'ai été touché - à vif quand même - par ce film et ces détails "morveux" ou "sexuels" qui m'ont faire rire et appris la créativité homosexuelle. Ok j'adhère mais je le recommande à voir chez soi et pas pour distraire un après-midi en famille.