Ils sortent tout juste d'un concert qui les a subjugué, d'un ancien élève à elle, très doué. Le lendemain, une absence qu'elle a soudain au petit-déjeuner l'inquiète lui. Le médecin conseille une opération, elle se déroule mal. Quand Anne revient, elle est à demi paralysée. L'âge, la douce démence d'abord, puis une déchéance toujours plus profonde, touchent Anne et il n'y a rien à faire contre cela, qu'à attendre la fin. Georges la provoque, cette fin, et arrête la douleur.
Pour elle, pour lui? Tout le film, qui n'est qu'un long retour en arrière après avoir découvert le corps sans vie d'Anne par les pompiers, a pour but d'interroger l'égoïsme. Anne refuse qu'on la voit faible, qu'on la prenne en pitié, même par sa fille, même par son mari. Elle hait son corps affaibli, son visage enlaidi, et de devenir un poids de plus en plus lourd pour son mari. Elle accepte la première l’irréversibilité de sa condition et s'oppose à l'idée de rester en vie pour attendre la mort. Alors qu'elle est encore en bonne santé, Anne dit à Georges qui lui raconte un souvenir d'enfance, qu'il ne voudrait pas dégrader son image en arrivant sur ses vieux jours. Mourir, c'est l'idée d'Anne. Elle répond à sa peur du purgatoire que devient son appartement. Elle prend pour excuse son mari, devenu infirmière; mais c'est avant tout pour elle-même qu'elle veut en finir.
Pour Georges, premier coupable, égoïste resté seul, le geste le décharge évidemment. L'amour est maintenant pour lui impossible. Submergé par les couches, la fin de la communication, le rythme des déjeuners servis à la becquée, la peur constante de s'absenter, il n'y a plus d'amour possible pour lui. Sa vie n'est plus que dévouement à Anne. Le film, en huis-clos dans l'appartement de Georges et d'Anne, se construit sur ces petits détails douloureux du changement et du temps qui passe. On n'y fait d'abord pas attention. Quand ils sont confrontés, soudain, à leur mort prochaine, Anne et Georges ne peuvent plus faire demi-tour mais ne veulent toujours pas l'évoquer de front.
Michael Haneke ne peut faire autrement que de montrer, sans faire parler ses personnages, la triste dégradation. Il y a le physique qui flanche, les râles, la chair décharnée, la souffrance. Mais il y a surtout deux personnes qui se détachent, car on ne part pas toujours en même temps, mais chacun à son rythme. Qui sera assez fort, ou assez faible, pour lâcher l'autre en premier? Les vieux tapis, l'habitude de se déchausser en rentrant, de se coucher d'un côté du lit, le quotidien est chamboulé par un fauteuil roulant, par l'appréhension, et les visites impromptues de leur fille inquiète de les découvrir disparus. Ce quotidien est sans doute aussi déchirant que la souffrance du corps. Et il rend le gouffre qui se creuse dans un couple plus palpable.
Les acteurs n'ont pas besoin d'en rajouter et Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva sont tous deux sobres. Ils sont un couple assez idéal, qui se répond sur le même ton et du jour au lendemain ne se comprend plus tout à fait et puis de moins en moins. Ils incarnent toute une vie passée et une manière d'envisager une fin inévitable.
Amour
de Michael Haneke
avec: Emmanuelle Riva, Jean-Louis Trintignant, Isabelle Huppert,...
sortie française: 24 octobre 2012
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