Thérèse, en se mariant à Bernard Desqueyroux, opte pour la tranquillité d'un mariage arrangé. Les terres emplies de pins des deux familles se trouvent réunies, et elle, n'a plus à se soucier que de mener sa vie de provinciale et faire taire ses démons. Thérèse rêve en grand, mais son destin de fille de bonne famille ne lui permet pas d'excentricités, elle le sait. La sœur de Bernard, sa meilleure amie de toujours, Anne, est aussi promise à cette vie, mais s'y fera certainement mieux. Avant cela, Anne connaît néanmoins les affres de la passion, et Thérèse, à force de comparer son amour pour Bernard, laisse parler ses impulsions.
Je connais assez mal la filmographie de Claude Miller, pourtant pilier du cinéma français qui a côtoyé dans les années 60/70 Truffaut, Godard, Bresson,... Je n'ai vu de lui que L'Effronté (1985), qui fait partie d'une deuxième partie de sa carrière, lancée pour le grand public avec Garde à vue en 1981; j'ai aussi vu La petite Lili, qui ferait partie d'une troisième partie de sa filmographie, la plus récente jusqu'à Thérèse Desqueyroux qui fut son dernier film. Bref, deux films sur une carrière longue d'une bonne vingtaine depuis quarante ans... je suis une bien piètre cinéphile.
Le film de Claude Miller est issu d'un roman de François Mauriac, publié en 1927. Sa narration est tout en flash-back. Le film reconstruit la chronologie de l'action. Il ferme et ouvre cependant les séquences comme des chapitres, plutôt que de les lier par un procédé plus cinématographique; ces fondus au noir ont tendance à plomber l'action, je les comparerais bien à une pause dans une lecture, comme quand on referme un livre chaque soir pour le reprendre le lendemain. C'est le plus gros et quasiment le seul reproche que je peux faire à la réalisation du film, mais c'est une caractéristique récurrente du cinéma français, alors comment en vouloir à Claude Miller? Notre culture se base sur la littérature; nous sommes pétris de mots et les écrits ont plus de poids dans notre histoire que les images.
Pour le reste, le réalisateur est sage et mène classiquement sa caméra, sans originalité ni parti pris mais sa rigueur est agréable à l’œil. Thérèse Desqueyroux est un joli film à regarder. On y voit des sensations: l'amour des personnages pour leurs terres et pour leurs pins est évident, l'humidité des vieilles bâtisses familiales se hume, la douceur bourgeoise de la province nous berce. Quand il n'y a pas de quoi s'exciter du côté de la mise en scène, ni à redire sur un scénario issu d'un livre de qualité, on laisse les acteurs se donner complètement à l'écran. On y découvre une Madame Bovary plus faiblarde que celle de Flaubert, mais dont la sauvagerie des sentiments intérieurs est palpable.
Le contexte d'un passé récent, qui justifie les mariages arrangés et le confinement à un village, à une région, met en exergue les envies intérieures dont est possédée l'héroïne. Elle ne peut que rêver, et étant depuis toujours préparée à ce destin sédentaire, est certaine de s'y soumettre. Aujourd'hui encore on s'identifie à cette quête de voyages, de découvertes, d'apprentissages au contact du monde... C'est presque à la portée de tous et nous ne sommes retenus que par nos appréhensions, plus fortes que nos rêves bien souvent. Mais on comprend Thérèse, elle aussi avide d'autre chose que de sa vie, et la barrière qui la cloue à ses pins est d'autant plus douloureuse.
A force de tout intérioriser cependant, Audrey Tautou présente tout au long du film le même visage fermé, impénétrable. Elle ne donne rien à voir des tempêtes qui font rage dans la tête de Thérèse Desqueyroux. On aurait aimé la voir s'ouvrir de temps en temps, au fil de l'évolution de son personnage. Qu'elle espère ou qu'elle doute, qu'elle se décide ou qu'elle flanche, c'est le même regard sérieux qu'elle prend et qui l'enlaidit fortement. Pète un coup, Tautou, et amuse toi dans ton rôle! Face à elle, Gilles Lellouche et Anaïs Demoustier incarnent bien mieux la simple nature de leurs personnages et je découvre même un acteur, Gilles Lellouche, plus intéressant que l'image que j'avais de lui. Il est partagé entre un véritable amour pour Thérèse et sa condition innée d'homme de la famille; cette dernière lui donne le droit d'être macho, brutal, mais sous cette apparence bonhomme, il montre une sensibilité inimaginable à extérioriser.
Si Audrey Tautou avait voulu faire sortir un peu Thérèse Desqueyroux de ses gonds de temps en temps, le film aurait été réellement réussi. Son jeu pâlot ne transcende malheureusement ni le personnage, ni le film.
Thérèse Desqueyroux
de Claude Miller
avec: Audrey Tautou, Gilles Lellouche, Anaïs Demoustier,...
sortie française: 21 novembre 2012
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