Thursday, February 28, 2013

Syngué Sabour, pierre de patience, d'Atiq Rahimi

A Kaboul, une jeune femme veille sur son époux; il a une balle logée dans la nuque, et survit dans un coma de fortune, alimenté par de l'eau sucrée-salée. Elle le maintient dans cet état, parce qu'il est un héros de la guerre, et qu'elle reste une bonne musulmane. Mais c'est sans amour qu'elle attend sa mort. Leur maison est placée sur la ligne du front, et la jeune femme doit finalement fuir, mettre ses filles à l'abri chez sa tante. Elle retourne auprès du mari, continue ses soins et trouve en ce corps immobile un étrange exutoire, un auditoire attentif qui écoute, pour la première fois, ses émotions.

Syngué Sabour est une pierre, qui absorbe toutes les paroles; celui qui se raconte auprès d'elle se décharge complètement, jusqu'à remplir la pierre qui éclate une fois "pleine". La jeune femme prend la légende très au sérieux, et profite donc de l'occasion qui lui est offerte pour enfin s'exprimer. Dans son monologue, c'est l'histoire de toutes les femmes d'un pays qu'elle raconte. Les hommes sont sur le front, au milieu d'une guerre dont on ne connait pas le point de départ, et où on ne différencie pas les deux camps. Les femmes doivent survivre, nourrir les enfants, êtres présentes et ouvrir les cuisses en silence.


De l'enfance à l'âge adulte, la femme - qui n'a pas de nom - évoque son éducation, réprimée, son avenir, contrôlé. La guerre devient soudain pour elle une opportunité, un élément positif qui neutralise son mari. Elle retourne la situation en prenant sous son aile un jeune soldat bègue, et lui enseigner la douceur et l'attention.


Le film tient pour beaucoup dans l'interprétation subtile de Golshifteh Farahani. Même si la caméra est loin d'être théâtrale, elle reste tout de même enfermée dans une seule pièce, avec de rares escapades sur le monde extérieur, ravagé, et l'actrice prend sur elle de moduler ses phrases, de jouer avec la peur de son personnage, sa tristesse, sa rage et sa soif de vengeance, sa fatigue, sa lassitude et parfois ses espoirs. Sans déclamer, ni réciter, elle réussit à faire vivre son texte en y mettant du corps.


La beauté du film tient pour beaucoup de son talent.



Syngué Sabour, pierre de patience
d'Atiq Rahimi
avec: Golshifteh Farahani, Massi Mrowat, Hamidreza Javdan,...
sortie française: 20 février 2013

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