Suite à un choc reçu en France durant la Seconde Guerre Mondiale, James Picard, ou Jimmy, d'origine indienne et vivant dans une réserve, est accepté à l'hôpital militaire de Topeka au Texas. Aucun médecin ne trouve d'origine physique à ses troubles, maux de têtes, perte de réalité, troubles de la vision,... Georges Devereux, ethnologue et psychologiste, aux méthodes pas forcément reconnues, est appelé auprès de Jimmy P. pour trouver une réponse à ses problèmes.
Jimmy P. se base sur la performance de deux acteurs. Les rôles secondaires le sont vraiment, si ce n'est pour cette étrange intervention de la petite amie adultère du psychologiste, Madeleine, faussement française, sur laquelle je reviendrai. Benicio Del Toro, donc, et Mathieu Amalric, que j'ai parfois du mal à encaisser, fascinée par son regard fou plutôt que par son jeu d'acteur, tiennent les rôles principaux. Tout repose sur leurs épaules, et sur leur voix qui s'entremêlent dans les souvenirs de l'un, les obsessions de l'autre. Ces voix, d'ailleurs, en version originale quasiment scandées, dans un accent, indien d'une part, français de l'autre, donnent le rythme au film. Un rythme lent dans son action. Une psychanalyse ne se bacle pas en quelques mois. Le temps qui passe est celui de l'évolution d'une relation entre deux hommes. Lent, donc, mais dynamisée par d'improbables raccords, des conversations où l'utilisation du champ/contre-champ balaie toutes les leçons scolaires. Je ne peux m'empêcher de penser aux scènes d'In treatment, justement pour noter les différences. Qu'il est difficile de donner de l'intérêt à l'image, quand les mots sont le moyen de communication principal entre deux personnages.
Le film réussit à illustrer les propos, sans être redondant entre la parole et l'image. Les rêves, notamment, de Jimmy, sont fantastiques tout en restant simples: juste des raccords extrêmement faux, des costumes ou l'interprétation de Jimmy à 17 ans par un Benicio Del Toro de presque 50 ans. Il y a dans cette mise en scène une forme d'oubli de la technique qui témoigne de la rapidité de tournage d'Arnaud Desplechin. Il dépouille sa caméra de nombre de mouvements, et laisse ses personnages prendre de la force dans cette immobilité.
Mathieu Amalric prend tous ses défauts pour des avantages: son débit de phrase français, son regard perdu. Pour une fois, ses excès sont réellement intégrés au personnage de Georges Devereux. C'est sa petite amie, Madeleine, qui prend tous les torts pour lui. Le personnage n'est qu'un faire-valoir, et permet au médecin de formuler ses réflexions. Une scène abominable la montre même expliciter des à côtés inutiles, sur lesquels on aurait aimé avoir moins de détails, sur leur relation, le passé obscur de Georges Devereux,... Ce personnage, mal intégré, est heureusement mis à l'écart de l'intrigue véritable, de cette relation du médecin et de l'Indien.
Benicio Del Toro, lui, ne joue pas à l'Indien. Les traits de son visage s'accordent en ce sens, mais son personnage est avant tout un homme qui a perdu une part de lui-même. Ses soucis sont finalement simplissimes: une mère castratrice, une sœur qui sert de mère, les regrets d'un amour perdu, la culpabilité d'un abandon. Benicio Del Toro ne surjoue donc pas son personnage comme une âme torturée; il interprète un type normal qui a besoin de retrouver ses repères et son essentiel.
Jimmy P. est un film sobre, et fort, l'histoire d'une amitié dépassant la simple retranscription d'une médecine controversée.
Jimmy P. est un film sobre, et fort, l'histoire d'une amitié dépassant la simple retranscription d'une médecine controversée.
Jimmy P.
d'Arnaud Desplechin
avec: Benicio Del Toro, Mathieu Amalric, Gina McKee,...
sortie française: 11 septembre 2013
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