Le Classics Challenge
est une proposition, qui diffère de toutes les courses, rallyes,
brevets, etc cyclistes. Paris, point de départ d'un bon nombre de tracés
mythiques au fil des ans, met à portée des villes, à 140, ou 270
kilomètres. Sur ces parcours, voici les images et les récits des 5
propositions de cette première saison du Classics Challenge, avec mon équipe, les CSP Garrigou.
Il n'y a personne sur la route pour Briare. Est-ce les vacances, le dimanche, la chaleur ? La France dans laquelle on s'enfonce est vide, à l'image de celle de Raymond Depardon, sans visages. On traverse des villages silencieux : les volets clos, personne ne traverse la rue. Les humains sont rassemblés à des points stratégiques vers lesquels on est attiré. A Milly, une boulangerie ouverte, la file s'étend sur le trottoir. En sortant, des pâtisseries au bout d'un fil, les présences s'évanouissent à nouveau. Entre deux points, dans un village sans nom, nos à peu près 22 bidons profitent de la bonté et de l'hilarité du caissier de l'unique supérette. A Briare, on partagera une boisson avec les touristes locaux, au bout du Canal. On se rue sur nos congénères quand on stoppe, on reste seul sur la route, isolés dans notre attirail de guignols, de cyclistes : le cuissard, les chaussures à cales, les bronzages inégaux nous distinguent et nous réunissent.
Sur les vélos, on attire des congénères isolés dans les congés estivaux. Un guignol solitaire rejoint nos roues à Evry et nous accompagne jusqu'à Milly-la-Forêt. Notre peloton compte douze cyclistes. La route est plate de bout en bout, il fait beau, on est d'humeur à discuter. Les papotages n'empêchent pas la solitude des pensées individuelles, l'appréciation de la route et la souffrance endurée à degrés divers.
Au sein des pelotons se heurtent les pensées communes et la solitude. On supportera mieux, cette fois, la chaleur, la route plate de Paris à Briare, les quarante kilomètres supplémentaires, ou moins bien. On aura besoin de se ravitailler toutes les heures, ou on se sentira continuer sans jamais s'arrêter. Chacun avance seul ; la douleur, la fatigue, prennent chacun tour à tour et individuellement. On partage à l'instinct ces tracas sans les prononcer, parce qu'on les a déjà vécu ou qu'on sait qu'ils nous atteindront. On s'épaule, en se plaçant devant celui qui fatigue pour le cacher du vent ; on répond à un coup de pédale plus vif par défi. Les bonheurs de gosse aussi se vivent ensemble et sans se consulter, quand la route s'ouvre, quand rien devant n'empêche des escapades soudaines et soudées dans la vitesse.
Un genou lâche, vingt-cinq bornes avant Briare et son Canal. Le groupe ralentit. Il n'y aura pas de sprint final sur la dernière ligne droite interminable le long de la Loire. La solitude d'un groupe, c'est l'umami du sport, une saveur indéfinissable et à peine palpable. La sensation reste inconnue au reste des bipèdes qui nous entourent sur cette terrasse ensoleillée où on descend ensemble encore, une bière pour célébrer la route.
2 comments:
beau voyage intérieur :)
On ne sait jamais vraiment où tous ces kilomètres à l'extérieur nous emmènent vraiment ;-) Tu aurais apprécié cette journée je crois.
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