Monday, December 20, 2010

Faites le mur, de Banksy

On croit découvrir le Street Art, on croit découvrir Banksy. Mais, comme ce dernier le dit, c'est le filmaker qui est filmé. Thierry Guetta, Français vivant à Los Angeles, tenant gentiment une boutique de vêtements vintage, s'empare d'une caméra et filme tout ce qui bouge. Son cousin, Space Invader, lui fournit, après quelques années d'enregistrements d'enfants qui grandissent, un sujet plus palpitant. De fil en aiguille, Thierry Guetta accompagne d'autres graffeurs de rue, les filme en argumentant à propos d'un immense documentaire, accumule les images, et devient lui même artiste, connu sous le nom de Mr. Brainwash. Quant à son documentaire? Les rushes restent enfermés, à peine classés, jamais visionnés...




Ce type est-il un fou, un imposteur, un génie? Impossible à savoir, et comme Banksy le dit, il n'y a pas de réponse possible. Le  monde du Street Art n'a pas de règle; impossible alors de les bafouer. On sent dans ces images fébriles une adrénaline qui participe autant que l'envie de faire passer son message, à l'énergie de ces artistes qui créent dans l'ombre de la nuit. Leurs images sont partout, mais ils sont rares à vendre leur image. Thierry Guetta est d'abord un gentil taré dont le côté passionnel, entier, séduit les artistes qu'il rencontre; ce type est prêt à tout, à les suivre, à ne jamais les vendre à la police, pour fixer sur cassettes des œuvres vouées à disparaître. Il immortalise un art éphémère, il l'accompagne dans son essor et se montre le plus enthousiaste, à tout moment, en plein milieu de la nuit, quand les artistes s'expriment.


Le gentil exalté prend les directives au pied de la lettre, et décide d'obéir au doigt et à l'œil, selon son interprétation toute personnelle d'une phrase de Banksy, qui découvre les rushes "montés" et souhaite se débarrasser de lui un moment, le temps de sortir quelque chose de correct des centaines de cassettes mal rangées de Thierry Guetta. Banksy lui conseille de monter une "petite exposition". Thierry Guetta devient alors Mr. Brainwash, monte une usine à graffitis, donne des ordres, hypothèque sa maison, porte des lunettes de soleil même en pleine nuit. Surfant sur la cote des artistes de rue, qui voient soudain leur travail exposé, vendu, acheté pour des milliers de dollars par des collectionneurs, Mr. Brainwash reproduit le modèle tant de fois observé. Et... ça marche. Malgré une organisation foutraque, sa folle créativité s'exprime. Thierry Guetta n'a pas de talent, mais une foule d'idées, peu originales et dans l'air du temps. Il frappe fort, et très grand.


Le film se construit donc en deux parties. On découvre d'abord l'essence même du Street Art, on apprend les noms qui lui donnent ses lettres de noblesse, on s'émerveille, on saute de mur en mur. Mr. Brainwash nous montre ensuite l'envers du décor, l'absurdité apparente de l'art contemporain, les déviances auxquelles le Street Art succombe facilement. Bien mené par Banksy, qui structure les vidéos en vrac de Thierry Guetta en y ajoutant des interviews de ceux qui l'ont fréquenté, de lui-même aussi, le film propose en tout objectivité d'expliquer un mouvement artistique.



Faites le mur est un documentaire plus qu'instructif sur le Street Art. Par le biais de cette personnalité naïve, inconsciente qu'est Thierry Guetta/Mr. Brainwash, Banksy met en évidence les contradictions de cet art éphémère qui se découvre une vie plus longue, la facilité avec laquelle on peut se déclarer artistes, et la vision des amateurs sur les artistes. Ironique, un peu désabusé, il est arrivé à tirer le meilleur parti des images de Thierry Guetta, qui n'est pas plus cinéaste qu'il n'est artiste, et peut alors signer sans honte à sa place de réalisateur.



Faites le mur
de Banksy
avec Thierry Guetta, Rhys Ifans, Banksy,...
sortie française: 15 décembre 2010

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