Wednesday, November 9, 2011

Les géants, de Bouli Lanners

Deux frères, adolescents, se retrouvent seuls dans la maison de campagne où ils passent leurs vacances d'été. Leur grand-père est décédé, leur mère ne semble pas pressée de les récupérer, ils n'ont plus d'argent. Ils rencontrent Danny, aussi paumé qu'eux, battu par son grand frère violent; les trois garçons passent leur été entre fous rires et galères, abandonnés à eux-mêmes.


Bouli Lanners, acteur avant d'être réalisateur, vrai amoureux de cinéma (il est le co-fondateur du Festival de Kanne en Belgique, auteur de courts-métrages prisés des festivals,...), porte un regard tendre sur son pays. Bien loin de considérations politiques, il ne fait pas de cinéma engagé mais témoigne tout de même d'un certain pays wallon, campagnard, isolé, légèrement attardé et touchant, poétique. Il aime s'attarder sur des paysages verts, des routes sèches, des pluies drues et des horizons nuageux. On trouvait déjà ces espaces aérés dans Eldorado, qui m'avait déjà marquée en 2008. Moins road-trip, Les géants s'attachent aux pas encore hésitants d'enfants près à embarquer vers d'autres horizons, à grandir et à partir.


On est forcément pris dans la bonne humeur communicative d'un film un peu noir, et continuellement éclairci par des rires d'enfants. Le contexte est sombre: deux frères, laissés seuls pendant l'été, avec un grand-père décédé l'année précédente, comme ils l'affirment? Ou peut-être juste la veille... et une mère absente, à laquelle s'accroche le plus jeune des enfants, Zach, touchant sous ses boucles, l'innocence incarnée, encore si proche du sein maternel. Les adultes sont soit absents, soit corrompus. Bœuf peut tuer un homme en le fixant du regard; sa collègue est aussi sèche qu'une branche; et le frère de Danny exprime toute sa violence dans un regard fou. Ils sont les images des avenirs auxquels peuvent prétendre nos jeunes héros, s'ils ne fuient pas. La forêt a beau les protéger de sa verdure, la nature peut elle aussi être dure. Leur candeur d'enfants doit être préservée, par leurs fous rires, leurs cris; mais les trois adolescents doivent également grandir pour s'en sortir, se débarrasser de ces adultes qui ne sont pas des modèles.


C'est là qu'on hésite un peu, pris entre deux décisions. Passer à l'âge adulte, ou rester innocent, Bouli Lanners est embarrassé et ne sait pas choisir. Cette indécision se ressent également dans le choix des décors. La fin du film voit les enfants partir, ailleurs, peu importe où. Mais, durant 85 minutes, le réalisateur les coincent dans un décor qu'il aime, et où il est à l'aise. On reste donc entre deux maisons, celle du grand-père et celle de Bœuf, entre la forêt, la cabane et une rivière, de la même manière que les enfants piétinent, sur place et dans leurs vies. Bouli Lanners ne se hasarde pas à sortir de cet environnement, tout comme ses personnages n'osent s'échapper du carcan des adultes qu'ils connaissent, aussi vilain soit-il. On traîne un peu avant d'enfin se décider, juste avant le générique.


Quitte à ne pas sortir tout de suite de l'enfance, la piste de la mère absente aurait été à creuser. Son fantôme menace de séparer les deux frères. Le plus âgé est en effet déjà désabusé, et a coupé le cordon. Le plus jeune, par contre, s'accroche à son téléphone, à une voix, tout au bout, à un espoir, à une image idéale donnée par une femme qui les recueille un moment, à des odeurs de parfums et de salle de bain. Touchant, le petit Zach est une graine d'acteur capable de montrer un débat intérieur extrêmement fort. Les trois acteurs, novices, réussissent avec brio à jouer sur deux sentiments opposés. On aurait aimé un peu plus de détails, d'indices expliquant le pourquoi de l'isolement estival des adolescents.


C'est cependant grâce à des performances d'acteurs que Les géants réussit à toucher le spectateur. Avec un casting moins percutant, on aurait gardé en mémoire plus les errances d'un réalisateur coincé dans son paysage wallon, que cette belle histoire de passage à l'âge adulte.



Les géants
de Bouli Lanners
avec: Zacharie Chasseriaud, Martin Nissen, Paul Bartel,...
sortie française: 02 novembre 2011

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