Etienne Davodeau est dessinateur de bande-dessinée; Richard Leroy est vigneron. Entre ces deux-là, le courant passe, et l'un s'incruste chez l'autre pendant une année entière pour dessiner son métier, mais pas seulement. Etienne Davodeau apprend le vin, le raisin, la terre, les vignes, et donne à lire à Richard Leroy du Guibert, du Gibrat, du Moebius. Ils ignorent tout du quotidien de l'autre, mais savent en apprécier le résultat; ils trouvent leurs points communs et relient leurs connaissances.
La bande-dessinée fait dans le documentaire ces temps-ci. Matthieu Sapin continue d’investiguer chez Libération, et Etienne Davodeau en profite pour aller tailler de la vigne. Moi-même plutôt portée sur l'image, tout en appréciant grandement le vin, j'ai forcément trouvé mon compte avec Les ignorants. On y apprend beaucoup, mais le plus gros de l'investissement de l'auteur se passe au niveau social. Les rencontres qu'il fait avec Richard Leroy, celles qu'il propose au vigneron, sont des perles d'humanité. Et soudain, on relie deux métiers, on compare, et les analogies deviennent évidentes. Finalement, dessinateur ou vigneron, tout le monde fait le même métier. Morceaux choisis, devinez à quel art les citations se rapportent.
page 23
"On veut tout faire pour garder absolument la main sur son travail, le plus longtemps possible. Mais, en même temps, laisser une vraie place au hasard, à l'imprévu... à la nature"
page 48
"Voilà un truc qui compte: sentir la loyauté et le plaisir qu'a pris le gars qui a fait le vin... ou le bouquin"
page 70
"Je refuse que le bio soit un critère de commercialisation pour mes vins. Moi je veux que les gens viennent à mes vins uniquement parce qu'ils les aiment"
page 81, Etienne Davodeau sceptique face à une étrange mixture, le 500p.
"Je les connais bien, ces mecs-là, l'ésotérisme n'est pas de leur monde"
page 158
"Refusons de croître"
La biodynamie est au cœur du travail de Richard Leroy. Ses explications sont absolument passionnantes. Sans qu'elles ne cherchent à convaincre, elles expliquent sa démarche, et démontrent un amour de la nature sans mesure. Etienne Davodeau ne se montre d'ailleurs qu'à moitié convaincu, et ne cherche pas à dissimuler sa perplexité. Mais il admire, forcément, ce dévouement au travail de la terre. Et le lecteur, lui admire aussi cette manière magnifique de se mettre en scène, au centre d'un récit, en toute humilité.
Les ignorants: récit d'une initiation croisée
d'Etienne Davodeau
éd. Futuropolis Gallisol 2011
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