Vers 2040, le voyage dans le temps n'aura pas encore été inventé. En 2070, il sera prohibé mais toujours utilisé par de puissantes mafias, pour envoyer leurs malfrats dans le passé où ils sont froidement tués par des loopers, qui se débarrassent des corps pour de l'argent. Chaque looper aura un jour à fermer sa boucle temporelle, et ce sera son futur lui-même qui apparaîtra brusquement face à son arme et sur lequel il devra tirer, pour empocher un pactole et vivre fastueusement pendant les trente années suivantes, jusqu'à cette mort annoncée. Le futur Joe échappe au coup fatal de son présent et fuit, traqué alors par le jeune Joe, ainsi que par la milice qui régit, en 2040, les loopers.
A l'occasion de la sortie de ce film incroyable, dont les bandes-annonces ne présageaient déjà que du bon, j'ai eu la chance de participer à une table ronde, organisée par SND, avec d'autres blogueurs et le réalisateur Rian Johnson. Je commencerais par être très critique envers moi-même lors de cette table ronde, tout en rejetant la faute sur mes confrères blogueurs - juste par mauvaise foi, mais en vérité, ils se sont très bien comportés: le principe de la table ronde fait que les questions fusent de toutes parts et qu'on ressasse les mêmes âneries sans approfondir aucun sujet, chacun voulant suivre sa petite idée. Je suis loin d'être journaliste, peu rodée à cet exercice, et je m'en veux beaucoup de n'avoir pas creusé les pistes ouvertes par certains, ni d'être allée au bout de mes propres questionnements lors de cette table ronde durant laquelle, pourtant, Rian Johnson s'est montré extrêmement disponible, sympathique, drôle, enthousiaste à l'idée de partager son film, de montrer et de parler de son bébé. Je garde cette expérience en tête pour une prochaine fois, j'apprends de mes erreurs, mais je n'ai pas de scoop à vous livrer à la sortie de cette discussion. Je trouve d'ailleurs extrêmement étrange que certains se permettent de paraphraser des informations qu'on trouve partout, afin d'enrichir leurs critiques, ou aient reposé les mêmes questions dont on trouve les réponses sur le web (pourquoi Bruce Willis? Quel Joe s'est calqué sur l'autre? Les influences du réalisateur? etc)
Attention les gars, je ne dis pas que j'ai fait mieux que tout le monde. Au contraire, j'ai fait le poteau, et je me suis plantée avec la seule question que j'ai posée, sur ce trailer animé absolument génial:
Attention les gars, je ne dis pas que j'ai fait mieux que tout le monde. Au contraire, j'ai fait le poteau, et je me suis plantée avec la seule question que j'ai posée, sur ce trailer animé absolument génial:
C'est un autre trailer, réalisé avant le film pour vendre son pitch. #FAIL L'exercice de questions/réponses m'a vraiment surprise, et même dans cette ambiance décontractée il fallait rester concentré, et professionnel. Comme je ne le suis pas, justement, professionnelle du journalisme, et qu'a priori, les autres blogueurs non plus, on n'a rien retiré de passionnant de cet échange qui nous donnait pourtant une chance incroyable. C'est un métier, quand on y pense.
L'humilité vient aussi au visionnage de Looper. En fait, je n'ai pas de questions à poser à Rian Johnson, tant son film est limpide. Il y a un équilibre entre de bonnes bases de la geekerie et une sensibilité grand public; entre le blockbuster crachant le feu et une esthétique non numérique; un montage à 200km/h et un cadre grandiose, pensé pour être vu sans coupe ni artifice en cuts flashy dans ta face que tu n'y comprends plus rien. Il est fort, ce Rian Johnson. Il a l'air bonhomme comme ça, le gaillard, et puis il t'en met plein les yeux et la tête. Tu as l'impression qu'il fait la sortie du siècle et il n'a eu que 30 millions de dollars pour être produit, ce qui, permets moi de le préciser, est ridicule. C'est un réalisateur qui fait un film personnel, et sera sans doute propulsé hors de confidentialité dans laquelle ses deux premiers films, Brick (2005) et The brothers bloom (2008), l'avait jusque là tenu. J'espère qu'il gardera son director's cut dans ce monde impitoyable du cinéma hollywoodien. Il a pour Looper abandonné ce dernier pour la version chinoise du film, qui lui a demandé des scènes supplémentaires à Shanghai.
D'ailleurs, Brick annonçait déjà, en 2005, la couleur. J'ai vu le film deux jours avant d'aller voir Looper, pour ma part, et j'ai cru comprendre que The Brothers bloom était plus bancal. Mais, rien que pour ces cadres extraordinaires, je vais quand même y jeter aussi un œil. Brick est un film d'ados, dont l'action se déroule dans un lycée. Pour un premier film, il est logique de retrouver un tel cadre, l'école n'étant pas éloignée d'un début de carrière. Mais, si on y retrouve quelques codes du genre - les castes, notamment -, Rian Johnson est à mille lieux de la niaiserie habituelle. Son intrigue se base sur une histoire d'amour mélancolique, certes, mais pour tout le reste, on est dans le thriller et l'enquête rythmée, en plein dans le milieu de la drogue. Une petite scène extraordinaire de simplicité et de mise en scène impeccable, structurée depuis le tournage à la post-production son:
On y voit déjà Joseph Gordon-Levitt. Il semblerait que Rian Johnson soit un réalisateur et un ami fidèle, puisqu'il travaille avec les mêmes personnes, les mêmes acteurs et les mêmes techniciens. Il est rare de trouver un jeune réalisateur qui sache s'entourer et s'appuyer sur son équipe. Cette fidélité paye, car alors les gens sont prêts à tout pour lui. Dans Looper, la prestation de Joseph Gordon-Levitt est complètement folle. J'avais bien lu un peu partout que 3h de maquillage et un travail d'imitation de Bruce Willis lui étaient demandés pour passer pour un jeune Bruce Willis. Effectivement, on retrouve des regards, des mimiques, des mouvements infimes du sourcils ou de la bouche qui nous rappellent furieusement John McLane le héros de Die hard. La ressemblance est juste hallucinante.
J'ai adoré l'esthétique du futur, celle d'une ville contemporaine à nous autres spectateurs, déjà touchés par la crise économique; on va conserver nos voitures pourries et ne pas muter en super-héros. Un décor comme ça, ancre le film dans la réalité, dans le concret et le crédible, ce qui permet de croire à la télékinésie et aux motos volantes, et puis évidemment, au voyage dans le temps. Les geeks s'en donneront à cœur joie, de décoder les paradoxes qu'entraîne fatalement un tel système. A l'appliquer au monde, on trouvera certainement une petite bête, une logique à démonter. Mais, concrètement, à l'échelle de ces deux Joe, le voyage dans le temps fonctionne à merveille. Le destin change au fur et à mesure que le Joe de 2040 prend de nouvelles décisions, celles que le Joe de 2070 n'a pas prises... mais qu'il découvre au fur et à mesure que ses souvenirs évoluent. La littérature a déjà réussi à exposer les fils de différentes réalités, de toutes les options possibles qui modifient une destinée. C'était une autre histoire que de résumer ces futurs possibles sans voix off, en quelques images.
Looper est la claque de l'année pour moi, sans doute, un beau film de science-fiction avec toute la finesse d'un petit film indépendant.
Looper
de Rian Johnson
avec: Joseph Gordon-Levitt, Bruce Willis, Emily Blunt,...
sortie française: 31 octobre 2012
Brick
de Rian Johnson
avec: Joseph Gordon-Levitt, Nora Zehetner, Lukas Haas,...
sortie française: 2005
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