Monday, April 25, 2011

Rabbit hole, de John Cameron Mitchell

Becca et Howie ont perdu leur jeune fils dans un accident où personne n'est vraiment à blâmer. Huit mois après sa disparition, les blessures ne sont pas refermées, et Becca s'enferme dans son silence, dans sa douleur, tentant à sa manière de faire un impossible deuil. Cette manière d'agir l'éloigne de son mari, qui ressent un besoin de communication, de partage. Leur couple en danger, une rupture de tout réseau social, familial, amical, toute proche, peut-être une dose de folie qui menace, Rabbit Hole explore ces thèmes par le biais de cette femme et de cet homme qui essaient de redonner un sens à leur vie commune.


Nicole Kidman interprète le personnage principal du film; son mari, joué par Aaron Eckhart, est lui aussi extrêmement présent, mais c'est certainement de Becca que la caméra s'approche le plus, s'attardant sur ses journées de femme à la maison, et sur la relation étrange qu'elle entretient avec Jason, le jeune garçon qui était au volant de la voiture qui a tué son fils. Les interprétations sont toutes plutôt remarquables, sensibles, silencieuses, jusqu'au point de rupture, inévitable. On retrouve dans ce casting l'inoubliable Dianne Wiest, psychothérapeute du Dr Paul Weston dans In Treatment. Rabbit hole ne leur donne pas l'occasion de se lâcher à 100%, mais plutôt de jouer une tension permanente, une retenue subtile.


Le film ne décolle pas vers des sommets vertigineux non plus, mais reste très terre à terre, au plus proche de la réalité de la douleur. Sa force réside dans son penchant pour le fantastique. Le spectateur croit soudain qu'un évènement hors du commun va surgir, et pourtant, Rabbit Hole est toujours extrêmement réaliste; ainsi, Becca suivant cet étrange figure découverte soudain par la fenêtre de sa voiture, à travers la vitre d'un bus scolaire, se rapproche de la folie; croit-elle à une incarnation de son fils décédé? Mais ce n'est qu'un visage connu qui lui a sauté dessus, celui de Jason, le jeune garçon qui a tué Danny. Et ce Jason, qui s'intéresse de près aux mondes parallèles, ce titre, Rabbit Hole, qui fait évidemment référence au livre de Lewis Carroll, vont-ils aussi proposer une interprétation surréaliste du thème de la perte? John Cameron Mitchell propose au spectateur d'imaginer des délires fous, et reste lui dans le monde réel.


L'autre bonne idée de Rabbit hole est de se concentrer sur le personnage de Becca, femme renfermée et qui refuse de communiquer avec son propre mari, qui lui s'éloigne, et cherche à extérioriser sa douleur sans son aide. Depuis Howie jusqu'à tous les membres de sa famille, en passant par les couples du groupe de discussion auquel Becca et Howie tentent d'adhérer, chacun veut la faire parler, lui faire expulser ses larmes; peu à peu, on lui reproche de se comporter avec trop de dignité, de ne pas demander de l'aide, de cacher ses ressentiments. Le réalisateur réussit là un joli coup, car c'est bien Becca qui gère le mieux sa douleur, et les autres qui ne savent pas remonter la pente. Le spectateur, comme tous les personnages entourant Becca, croit lui aussi au manque de sensibilité de Becca; et découvre au fur et à mesure seulement qu'elle souffre tout autant que si elle le montrait ostensiblement, et que sa manière de cicatriser vaut bien celle des autres.


Rabbit hole est un film qui réussit à parler d'un sujet délicat tel que la mort d'un enfant sans tomber dans les clichés. Il s'éloigne également de son thème principal pour aborder la non-communication, et touche avec justesse les problèmes du couple formé par Becca et Howie.



Rabbit Hole
de John Cameron Mitchell
avec: Nicole Kidman, Aaron Eckhart, Dianne Wiest,...
sortie française: 13 avril 2011

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