Tuesday, April 5, 2011

We want sex equality, de Nigel Cole

A Dagenham, en 1968, alors qu'un vent de liberté souffle en Europe, les femmes de l'usine Ford travaillent dans des conditions déplorables pour un salaire moindre que si elles avaient été des hommes. Albert, syndiqué, élevé par sa mère, défend les droits de ces femmes et les pousse à la grève pour revendiquer des conditions de travail plus décentes. Rita O'Grady, ouvrière, prend un peu contre son gré la tête des manifestations, découvrant avec incrédulité le fossé qui existe entre les travailleurs selon leur sexe. Les 183 ouvrières de l'usine Ford deviennent l'image d'un combat dont la résolution, trouvée par Barbara Castle, secrétaire à l'emploi et à la productivité, première femme politique à occuper un poste de cette importance, aura des retombées conséquentes sur le monde entier, et notamment l'égalité salariale qui devient loi en 1970 en Grande-Bretagne.


On retrouve deux figures d'un cinéma à la fois social et féministe dans ce film de commande. Nigel Cole tenait déjà les manettes de la réalisation de Calendar Girls, cette histoire de retraitées qui décident de poser nues, au lieu de vendre des petits gâteaux, pour récolter des fonds au profit d'une association. Sally Hawkins quant à elle avait déjà marqué les esprits dans un film à l'atmosphère totalement anglophone, Be happy, et dans un rôle où sa crédulité, et ses faux airs d'ingénue cachaient une sensibilité et une intelligence insoupçonnées. On ne peut donc pas dire que les producteurs aient pris de grands risques en mettant Nigel Cole à la réalisation et Sally Hawkins au premier rôle de ce film. La réalisation est elle aussi sans surprise, le scénario gentiment heureux, et l'happy end de mise. Cependant, We want sex equality est réussi dans ce genre de la comédie sociale, et on en sort à la fois ragaillardi  et légèrement remonté contre notre société, toujours sacrément sexiste, 40 ans après.


La vivacité et la fragilité de Sally Hawkins est pour beaucoup dans la réussite colorée de ce joli film, mais le casting des seconds rôles qui l'épaulent n'est pas en reste. On retrouve des gueules très britanniques, pour autant que cela puisse exister,  avec la blondinette Jaime Winstone, Andrea Riseborough plutôt gonflée de la crinière, et Daniel Mays terriblement banlieusard. Avec ces tronches et les couleurs sixties, les robes trapèze, les coiffures de bouclettes, les petits talons cheap, le made in Biba et C&A, le film possède un charme fou, une légèreté totale qui décomplexifie la zone politique abordée. Car, sous leurs airs de candides oies blanches, le personnage de Rita et ses compagnes n'ont pas la vie facile. Notre personnage principal rit autant que ses copines, a un mari qu'elle adore et des enfants plutôt sympa; mais elle souffre de son manque d'éducation, qu'on lui jette à la figure; elle tombe de haut quand elle se rend compte que même son mari est soumis à la pression populaire, qui veut que les hommes considèrent leur femme heureuse tant qu'eux ne sont pas ivres et ne les battent pas... Propulsée dans une campagne militante, elle découvre des traditions si ancrées dans la culture, des milieux populaires jusqu'aux couches aisées, qu'elle-même ne voyait pas et considérait comme un état de droit.


Le truc rigolo, c'est que j'ai été voir ce film dans une petite salle près de chez moi, surtout fréquentée par des gens du quartier, des petits vieux en l'occurrence. La salle était comble malgré la date de sortie du film plutôt éloignée et l'âge moyen voulait probablement que les spectateurs aient connu cette époque. Réactive, la salle riait aux absurdités lancée par le mari de Rita à sa femme, poussait des grognements méprisants aux reprises machistes des syndicats, etc etc. Par les mouvements de cette foule attentive, on a pu observer la manière dont notre société a évolué; plus question à présent de penser qu'une femme a sa place à la maison uniquement, et doit servir le repas gentiment à ces messieurs venus discuter leurs affaires sans exprimer son opinion. Et, si les femmes se sont émancipées, elles restent tout de même assez détachées et légères pour parler chiffons, qu'elles soient ministres ou ouvrières. Tout cela peut paraître un peu grossier, mais la caricature de We want sex equality est suffisamment intelligente pour faire passer son message, et joliment décomplexée pour faire rire.


Voilà donc un film très réussi, en toute simplicité. J'ai maintenant hâte de découvrir Sally Hawkins dans un contre-rôle, et en haut de l'affiche.


We want sex equality
de Nigel Cole
avec Sally Hawkins, Bob Hoskins, Rosamung Pike,...
sortie française: 09 mars 2011

3 comments:

Bombay Magic said...

J'ai regarde ce film hier, beaucoup aime!!!! J'ai adore comment au dela de la difference de classe, l'ouvriere et la femme du patron se trouvait reunies dans leur "inferiorite" supposee a l'homme.... Interessant aussi de voir comment les syndicats, bastions masculins, pouvaient se sentir menaces par ce mouvement de revendication feminin. Meme si l'egalite n'est pas parfaite, au moins aujourd'hui, personne n'ose contester qu'elle est legitime!!!!

Bombay Magic said...

c'est curieux, je t'ai laissé un commentaire il n'apparait pas ? Tu modères ou ça bug ?

Fanny B. said...

Tu as pu voir ce film d'Inde alors? C'est drôle, je ne pensais pas que ce serait le genre de film le plus exporté, mais ça fait plaisir de voir que je me trompe!

Disons que si les différences hommes/femmes sont moins visibles aujourd'hui qu'elles n'étaient hier (d'où les clichés du film), elles existent toujours quand même, et c'est un petit reproche que je fais à We want sex equality, de terminer sur un énorme happy end, comme si tout avait été résolu depuis... Mais ne nous faisons pas féministes à l'extrême, c'est un film plein de bonne humeur et avec un beau message.

Pour les commentaires, oui je modère, histoire d'éviter les spams surtout! Comme je suis en vacances en ce moment, j'avoue que je ne suis pas très à jour sur les commentaires comme sur les publications d'articles, shame on me... Retour à un rythme normal (snif, fin des vacances) très bientôt!