A partir de 1930, la Chine change. Les maîtres du kung-fu étaient respectés, admirés, réfugiés dans leurs vies fastueuses. Suit une période de guerres, contre le Japon, et civile, aussi. En 1930, les maîtres du kung-fu se réunissent pour combattre et défendre chacun leur style; il s'agit aussi d'élire le successeur du grand Maître à la tête de l’Ordre des Arts Martiaux Chinois. Ces batailles apparaissent bien futile, au regard des guerres qui déchirent la population et le pays. Les maîtres subissent eux aussi des bouleversements; certains meurent en emportant leurs secrets, auparavant transmis de génération en génération, dans leur tombe, d'autres perdent tout, et survivent, et transmettent leur art en l'enseignant.
Parmi les différentes figures des maîtres du kung-fu, il y a Ip Man, par les yeux duquel l'histoire est contée. On suit son chemin, et à côté de celui-ci, il y a une jeune femme qui défend l'honneur de sa famille, un traître qui profite des changements de mœurs, à ses dépens, un mystérieux maître, The Razor,... Chacun possède sa vision du kung-fu, et assimile l'avenir qui change avec des sensibilités différentes. Ip Man, lui, perdra beaucoup, mais continuera à enseigner, notamment, bien plus tard, à Bruce Lee.
A vrai dire, on s'y perd un peu, dans ces personnages en nombre, dans les temps qui changent et les envies de chacun ne semblent jamais essentielles au scénario global. L'accumulation de tout, dans cette image si caractéristique de Wong Kar-Wai (esthétique léchée, cadrée au millimètre dans sa beauté, ralentis presque à outrance,...), semble de trop. Je me plains souvent du fait qu'on oublie l'histoire, au profit d'une image éclatante. Il y a autre chose, cependant, qu'un scénario, dans le film de Wong Kar-Wai.
Dans notre cinéma européen, ou américain, les personnages sont souvent indécis, ils ont des atermoiements, s'interrogent et se remettent eux-mêmes en question. Comme ils changent, leur univers change, et le scénario se base sur ce bouleversement intime. Dans The grandmaster, c'est la Chine, qu'on ne voit pas vraiment, qui change. Mais les personnages restent inébranlables. Leur force de caractère sublime tout le film, leur charisme sidère. Alors que la Chine, autour d'eux, change de visage, qu'ils perdent leur fortune, leur famille, l'estime qu'on leur porte, ils ne bougent pas d'un cheveux.
Cette définition précise est une autre manière, finalement, de raconter. Et la fascination qu'exerce sur moi un réalisateur suffit aussi à me faire apprécier son film. Tout le monde n'y sera pas soumis, à cette fascination, mais pour peu que vous soyez sous son emprise, The Grandmaster est un grand film, avec toutes ses incohérences cinématographiques.
The grandmaster
de Won Kar-Wai
avec: Tony Leung Chiu Wai, Zhang Ziyi, Jin Zhang,...
sortie française: 17 avril 2013
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