Monday, August 29, 2011

Les bien-aimés, de Christophe Honoré

Madeleine, dans les années 60, devient pute un peu par hasard, et par amour des belles chaussures. Elle y gagne son "argent de poche", et y rencontre son futur mari, un Tchécoslovaque venu à Paris pour parfaire sa spécialité de médecine. De leur union naît Véra, trimbalée de Prague à Paris alors que les Russes envahissent la ville et que Jaromil se trouve dans les bras d'une autre femme. A Paris, Madeleine se range gentiment, malgré quelques escapades hors de son re-mariage avec un gentil garçon gendarme. Véra grandit, tombe également amoureuse. Mais elle ne sait pas prendre la vie avec autant de légèreté que sa mère, et sa génération semble être bien plus sentimentale.


Chaque nouveau film de Christophe Honoré divise les critiques. Le réalisateur semble trop bourgeois, réunit tous les torts parisiens en une seule filmographie, et ennuie avec ses Chansons d'amour qui surviennent on ne sait comment. A part son dernier film, Non ma fille, tu n'iras pas danser, dans lequel il mettait déjà Chiara Mastroianni en scène, je me laisse chaque fois séduire par les films de Christophe Honoré, tout en admettant qu'il est peut-être un peu pédant. Il faut bien avouer que j'habite à Paris, et même rive gauche - plus pour longtemps! - alors le côté supérieur du Parisien fier de sa capitale, je connais, je revendique, aussi.


Pourtant, dans ce dernier Christophe Honoré, on voit peu Paris. Quand on y est, c'est du côté du 10ème arrondissement, et pas forcément dans les plus jolies rues; on traîne dans des hôtels miteux de la gare de l'Est, au-dessus des rails, au lieu de courir du Bon Marché à St Germain comme dans Dans Paris - probablement mon préféré, et le plus bobo du lot. Christophe Honoré fait voyager ses bien-aimés de Prague à Londres en passant par Montréal. On y voit moins les rues, on se perd dans des chemins inconnus, on n'y est pas à sa place, on veut rentrer chez soi - à Paris. N'empêche que nos personnages y sont, y vivent même pour certains. Et Christophe Honoré, plutôt alors que de ne pouvoir s'empêcher de filmer le pavé, l'escalier, le génie de la Bastille, reste sur les visages, s'approche des corps. Il semble avoir un peu évolué, ce que je regrettais ne pas distinguer dans Non ma fille, tu n'iras pas danser, est finalement là.


Cela dit, j'adore Paris, et j'adore également la vision que le réalisateur en a. La campagne, s'il la filmait, serait certainement de l'ennui mortel qu'en ont en vision les Parisiens. Christophe Honoré se déplace, mais reste en ville; et il sait vraiment les recoins parisiens, ceux qu'on adore aussi, pour peu qu'on ait passé 20 ans ici. Je suis sortie du cinéma avec cette impression d'un privilège à être née, vivre et travailler ici. Je suis rentrée en marchant lentement - je fonce comme une fusée d'habitude - et en me laissant aller à des excentricités sans nom, telles que marcher sur le trottoir d'en face, ou découvrir l'intérieur d'une église devant laquelle je suis passée cent fois sans jamais pousser la porte. Une messe était donnée, j'ai dérangé tout le monde, mais j'ai encore une fois découvert Paris.


Revenons au film, et à son réalisateur obsédé par Paris, et par l'amour. L'une est vieille, et couche - raaah, les jambes de Deneuve, si j'étais un homme j'en serais obsédé -, l'autre est jeune, et ne réussit pas à s'abandonner. Les hommes, là-dedans, se laissent manipuler tout en faisant semblant de contrôler les nuits des femmes. Voilà encore une force de Christophe Honoré; il déroule une longue liste d'acteurs, autant de personnages, et réussit cependant, mettant de côté ses amitiés, à se concentrer sur deux. Madeleine et Véra sont au centre de tout, même si bien entourées; les autres ne sont là que pour les mettre en valeur. Les choix qu'elles font - ou pas d'ailleurs, aucune n'a vraiment le contrôle de sa vie sentimentale, mais se laisse entraîner par son cœur - sont les seuls qui entraînent la narration. Allez deviner la morale de l'histoire, s'il vaut mieux coucher ou tomber amoureuse, personne n'y trouve son compte et chacun se demande si la place de l'autre n'est pas la meilleure. Comme Madeleine demande à Clément, l'amoureux toujours éconduit de Véra, vaut-il mieux aimer ou être aimé? Sans doute que cela fonctionne mieux lorsque tout est réciproque, mais, malgré sa futilité parisienne, Christophe Honoré voit tout en noir et ne permet jamais à un couple de s'aimer en même temps. Voilà qui introduit tout de même un peu de gravité dans les films du réalisateur.


Provincial, vous détesterez tout; vrai parisien, vous détesterez peut-être aussi, trop de justesse - et le trop de musique, à chacun son oreille. Je suis peut-être une "connasse de parisienne", mais ça me permet au moins d'apprécier de jolis films.



Les bien-aimés
de Christophe Honoré
avec: Catherine Deneuve, Chiara Mastroianni, Ludivine Sagnier,...
sortie française: 24 août 2011


ps: vous avez remarqué cette récurrence dans les affiches des films de Christophe Honoré?

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