Monday, August 8, 2011

Pina, de Wim Wenders

Pina Bausch, je l'ai déjà évoquée lorsqu'est sorti Les rêves dansants, documentaire de Anne Linsel et Rainer Hoffman. Artiste chorégraphe décédée en juin 2009, elle était une grande amie de Wim Wenders, qui l'a suivie pendant plus de dix années, filmant ses pas, l'admirant et partageant son amitié. Lorsque Pina est partie, et que le relief est apparu - deux faits totalement détachés l'un de l'autre, mais arrivés durant la même période -, Wim Wenders a enfin trouvé le média idéal pour rendre hommage à son amie. Le relief est donc complètement utilisé, revendiqué dans la mise en scène de ce documentaire qui n'en est pas vraiment un; c'est plutôt un témoignage, une image de Pina Bausch au travers d'une multitude de danseurs qui esquissent par leurs corps et leurs regards, tous ensemble, l'image d'une grande artiste.



Wim Wenders est évidemment loin du documentaire classique; pas d'interviews, pas de biographie structurée, pas de témoignages directs et forcés. Pina Bausch, comme tout artiste je crois, devait s'exprimer mieux via son oeuvre que par des mots. Elle est difficile à décrire, plutôt muette, droite, avec un visage dur et un corps noueux qu'attendrit son sourire, immense. Alors la scène est le meilleur média pour la comprendre. Et Wim Wenders en met des tonnes, plaçant le spectateur de cinéma dans une salle de spectacle vivant, au milieu de la salle même, sans aucune tête devant lui pour le gêner, et profite de la profondeur de sa caméra relief pour donner du volume aux corps qui s'agitent sur la scène. La musique conduit tout le film - j'ai d'ailleurs foncé pour acheter le CD audio dès que je suis sortie de la séance. Les pièces de Pina Bausch, dont quatre ou cinq sont montrées, mettent en évidence ses problèmatiques.


Pina Bausch s'attache à l'espace, aux éléments naturels, qu'elle met en scène parmi les corps. Wim Wenders, lui, permet à chacun de la troupe de Pina Bausch, de remettre dans un décor naturel, en dehors de la scène, les chorégraphiques qu'ils ont dansé avec elle. Impliqués, ces danseurs utilisent à la fois le cadre de la caméra, très large, et la terre au sol, le vent dans les jupes, l'eau qui coule, au moins autant que leurs jambes et leurs bras. Pas de gros plans sur la souffrance du pied qui se plie, sur la main qui se tord... Wim Wenders réussit à laisser s'exprimer chacun entièrement, et ce n'est pas seulement la danse qu'il filme, mais une personne entière, dans un décor particulier, et qui interagit avec les autres danseurs. Ses cadres sont donc souvent larges, et pourtant, grâce notamment à son travail sur le relief, jamais le spectateur n'aura été au plus près de l'effort fourni par les danseurs.


Quand l'un d'eux se détache soudain, un plan, une belle photographie d'un regard mouvant, le laisse s'exprimer. La voix est off alors, comme si le regard disait plus de la moitié du discours. Et ce sont seulement quelques impressions sur la chorégraphe adorée qui sont données, pas de descriptions massives. Toutes les nationalités y passent, de l'Allemand au Français en passant par l'Espagne ou l'Asie - oui, non, je ne sais pas différencier la langue coréenne de la langue chinoise ou autre... Wim Wenders laisse chaque membre de la troupe s'exprimer, comme s'il regardait avec le spectateur dans la salle les images, et se laissait inspirer une idée.


Pina est un vrai beau film, pas un documentaire uniquement; y'a plus qu'à découvrir tout ça en live maintenant... Profitez-en, Pina est en fait encore projeté dans quelques salles parisiennes et françaises en relief, malgré sa sortie plus vraiment récente!


J'en profite pour vous faire passer le message que le Nouvel Odéon, cinéma avec une seule salle et une programmation coup de cœur, a rouvert depuis presque un an maintenant... La salle est superbe, le nombre de sièges a été réduit, on a donc de l'espace pour les jambes, et la projection est superbe. Il est juste un peu dommage qu'on ait opté ici pour le système de lunettes actives pour le relief; ces lunettes sont lourdes et on est obligé de les louer (2€) à chaque séance... Au-delà de ça, on a aussi eu droit à un petit court-métrage de l'école des Gobelins avant le film, plutôt que des publicités... Ça se perd, et ça fait du bien quand ça se retrouve!


Pina
de Wim Wenders
avec l’Ensemble du Tanztheater Wuppertal
sortie française: 6 avril 2011

1 comment:

MathildaR said...

Très belle critique. Merci Fanny.


Force est de constater que nous traversons un vrai essor de la 3D.
A l'instar de Werner Herzog ou récemment Wim Wenders, j'étais un peu sceptique quant à la pertinence de cette technologie.

Et puis j'ai récemment découvert en me baladant sur internet un projet documentaire en 3D, retraçant la vie d'un illustre aviateur Inuit : Johnny May.

J'ai pu visionner les images de la bande annonce ainsi que l'interview du réalisateur et du chef opérateur en charge de la stéréographie (3D). Ce dernier semble justifier l'usage de la 3D pour le format documentaire, d'autant qu'il s'agit d'une 3D dès la prise de vue, et non pas appliquée en post-prod. Quand les décors sont magnifiés, cela prend tout son sens.

J'ai trouvé ce projet plein de promesse et suis même devenue co-productrice car l'initiative et le sujet m'ont beaucoup plu. Il est rare en effet de pouvoir suivre ce genre de films et d'accéder à ses coulisses de la sorte. Si vous voulez en savoir davantage sur ce documentaire, ça se passe sur touscoprod.ca

A noter d'ailleurs que touscoprod était déjà associé au projet "Les Rêves Dansants, Sur les pas de Pina Bausch", un documentaire que je recommande vivement.

Bonne journée.