Curtis et Sam ont une vie heureuse avec leur petite fille. Curtis travaille dur sur des chantiers, tandis que sa femme coud et vend ses créations au marché, tout en surveillant leur fille, atteinte de surdité, dans la journée. Le sort de leur petite Hannah les tracasse, certes, mais rien ne semblait anticiper les cauchemars qui frappent soudain Curtis. Hanté par la prémonition d'un tempête d'une telle violence que les hommes se battent entre eux, Curtis ne dort plus, et devient obsédé par cette vision. Il dépense son énergie et les économies de la famille à réparer et agrandir un abri-tempête dans leur jardin, tandis que ses proches voient, impuissants, sa folie grandir.
Boum! Après deux semaines sans cinéma, et une nuit historique qui nous a fait changer d'année, le retour dans les salles obscures parisiennes en 2012 est grandiose, avec ce film sublime, qui réussit à maintenir l'équilibre entre la folie, l'imaginaire, et le réel et le concret. Michael Shannon n'est pas pour rien dans ce bonheur de film. C'est là qu'on se demande où est la performance d'acteur, le travail du réalisateur dans sa direction de comédiens, et la part de la mise en scène concentrée sur un personnage en particulier, celui d'un scénario bien pensé et balancé... Sans doute y a-t-il un peu de tout cela dans Take Shelter, un heureux presque hasard - car, on a beau prévoir, cette fusion entre chaque élément est absolument incontrôlable, même si réfléchie et mesurée en pré-production.
Je crois dur comme fer cependant que tout bon film mérite d'abord une bonne histoire. Il faut que celle-ci soit suffisamment concise et que son but soit suffisamment lisible pour que ni le réalisateur, ni le spectateur, ne se perdent dans des intrigues secondaires inutiles et confuses. Il faut aussi que ce pitch ait assez de complexité pour qu'on halète à chaque seconde, sans savoir ce qui se passera ensuite. Les éléments naturels se déchaînent donc autour de Curtis, et les gens deviennent fous. La tempête qui se prépare a toutes les raisons d'exister, les signes météorologiques ne vont pas à leur encontre. Et, en cas de réelle tempête, dans un milieu hostile, il est naturel de voir l'homme se comporter soudain en animal, luttant pour sa survie. Le déchaînement climatique est probable, mais pourrait être inventé. Curtis a effectivement toutes les chances d'être un fou paranoïaque, perturbé par l'accident de sa fille, génétiquement programmé par sa mère, enfermée dans un asile. Autour de lui, personne ne voit les signes que lui ressent.
Une vie paisible, dans un contexte de banlieue sage, où la femme coud, où l'on organise des réunions de voisinage - tant d'éléments qui caractérisent une vie dite "normale" -, et pourtant, la folie se déclare. L'incompréhension des autres est vue du regard de Curtis, et le spectateur, toujours mal à l'aise, enclin à le croire lui, plutôt que les autres. Jeff Nichols a l'intelligence de toujours se mettre du côté de son personnage. Si lui est fou, c'est que vous aussi, derrière l'écran, l'êtes. Mais cette démence pourrait n'être également que la métaphore d'une crise d'un homme angoissé. Alors que tout va bien, malgré la surdité de leur petite fille, Curtis pourrait craindre de perdre tout; c'est effectivement lorsqu'on est heureux que l'on risque de tout perdre. Take shelter aurait pu être un film-symbole, l'image d'une peur incontrôlable incarnée dans une tornade, et c'est la confiance du réalisateur en son personnage qui fait croire à cette option.
On se base donc sur une intrigue épurée, mais qui se prête à toutes les suppositions; science-fiction, réalisme, film bien dans son époque, à cette ère de réchauffement climatique? En tout les cas, on commence bien l'année.
On se base donc sur une intrigue épurée, mais qui se prête à toutes les suppositions; science-fiction, réalisme, film bien dans son époque, à cette ère de réchauffement climatique? En tout les cas, on commence bien l'année.
Take shelter
de Jeff Nichols
avec: Michael Shannon (II), Jessica Chastain, Tova Stewart,...
sortie française: 04 janvier 2012
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