Tuesday, February 1, 2011

Black Swan, de Darren Aronofsky

Nina vit pour devenir danseuse étoile du New York City Ballet. Elle est choisit, malgré une certaine timidité, fragilité, par Thomas, chorégraphe qui voit en elle l'interprète principale du Lac des Cygnes. Dans la pièce, le cygne possède deux personnalité, l'une blanche, innocente, l'autre noire, sensuelle, dangereuse. Nina doit interpréter les deux cygnes. Elle possède déjà en elle le cygne blanc, et pourrait trouver son côté sombre dans ses nouveaux rapports à son chorégraphe, à une nouvelle recrue de la troupe, Lily, avec sa mère, ancienne ballerine qui a abandonné sa carrière pour elle à sa naissance, avec l'ancienne danseuse étoile qu'elle remplace et qui sombre dans la dépression.


Allez, j'écris rapidement cette critique alors que le film est encore tout chaud dans ma rétine. Oui, je me targue, une nouvelle fois, d'avoir vu un film avant tout le monde, même si ces avant-premières ne sont pas du tout VIP. Darren Aronofsky réalise peu, et réalise bien. Ses projets semblent prendre le temps de mûrir jusqu'à ce que tous les éléments soient bien établis, et il frappe alors un coup de maître. Black Swan est l'un de ces projets, minutieux dans les moindres détails, jusqu'à une mise en scène impeccable et une interprétation quasiment parfaite - je dis quasiment, car la perfection n'existe pas, mais le jeu de Nathalie Portman s'en approche dangereusement.


Comme le dit John Plissken, je ne vois pas en quoi abonder moi aussi dans le sens des autres critiques plus renommées - John Plissken faisant partie de ces journalistes qui doivent être écoutés - va ajouter un petit caillou à l'édifice. Cependant, comment faire autrement? Je ne serai donc pas originale, et je ne trouverai pas de petite bête à Black Swan.


Darren Aronofsky fonce dans son histoire comme une furie, comme Nina se jette à corps perdu dans sa chorégraphie. Les rapports et points communs entre la vie réelle de Nina, ses fantasmagories et son rôle dans le ballet sont évidents, présents sur tous les plans; Nina, possédée par son rôle, voit son double, la Nina noire dans chaque miroir, elle la croise dans les rues sombres de New York. Nina est agaçante de timidité, d'excuses balbutiées, de pleurs retenus; son visage lumineux, sa façon même de s'habiller de rose pâle, de blanc, sa chambre d'enfant qui n'a pas grandie sont des tâches blêmes dans son univers fait d'obscurités, de lumières de la scène, agressives. Elle évolue dans un décor fermé, celui du théâtre et de ses coulisses obscures, ou celui d'un appartement figé dans le temps. Entre les deux, il n'y a que les rues sombres d'un New York éteint dans la nuit, alors que Nina rentre tard chez elle. Sa mère l'enferme elle aussi dans un cocon de douceur et de douleur, lui servant avec le sourire un quartier de pamplemousse le matin, réparant ses pointes - l'instrument de torture - avec elle. Sous cette apparente délicatesse se dissimule à peine le travail, le travail acharné et un corps qui souffre.


Le corps déchiré, tous os craquants, accompagne la folie destructrice de Nina. Chaque matin, les étirements; chaque soir, le compte des douleurs ajoutées qu'elle oublie froidement, pour danser encore le lendemain. Le physique et le mental, tout cela est intimement lié dans le dépassement de soi, qui passe, forcément, par la douleur. Des petites flagellations qu'elle s'inflige, au basculement cérébral, il n'y a qu'un petit pas que chacun semble pousser Nina à faire. Sa relation, étrange, à l'évidence morbide, avec sa mère, en est l'exemple le plus frappant. Derrière son amour inconditionnel, la mère de Nina l'entraîne vers un suicide professionnel.


La dualité de Nina s'exprime de plus en plus tout au long du film. Je me suis demandée, à un moment, si la tension dans laquelle Darren Aronofsky tient son spectateur n'allait pas cesser de grimper, grimper toujours. Il n'y a pas une seule seconde de répit, du début à la fin, mais Nina dérive toujours plus loin, prise par des compulsions malsaines toujours plus dangereuses. Effectivement, Darren Aronofsky réussit à jouer avec nos nerfs et soutient le tempo qui s'accélère jusqu'à la fin du film. Cette tension permanente est cependant soutenable, portée qu'elle est par une musique à couper le souffle, et par une mise en scène caméra à l'épaule, ce qui en m'emballe généralement pas. Mais, associée au rythme du film, au souffle court de Nina, aux battements d'ailes que la bande-son fait entendre, cette caméra, au plus près de l'effort demandé par la danse, est justifiée par la promiscuité que le réalisateur entretient entre le spectateur et Nina.


Les autres personnages, interprétés, entre autres, par Vincent Cassel, Mila Kunis, Winona Ryder, sont excellents mais fades face à Nathalie Portman. Vus par ses yeux, ils sont tous secondaires, et le spectateur ne saura rien, devra deviner à quelques indices, leur personnalités, leurs ambitions, leurs motivations. Par les yeux de Nina, Thomas est une statue intouchable, posée sur son piédestal, hautain, fascinant. Lily est la perversion, la sensualité, et Beth, l'étoile déchue, la fragilité, l'avenir peut-être. Toutes ces images sont déformées et amplifiées par l'esprit de Nina, par une certaine schizophrénie qui l'aide à trouver, finalement, le cygne noir qu'elle doit absolument interpréter et danser. On prévoit l'Oscar à Nathalie Portman, sans trop de doutes.



Black Swan
de Darren Aronofsky
avec Nathalie Portman, Vincent Cassel, Milo Kunis,...
sortie française: 02 février 2011

2 comments:

Anonymous said...

J'ai tellement envi d'aller voir ce film!!
Vivement mercredi !!!

Fanny B. said...

C'est cette semaine... Tu ne vas pas le regretter!