Sunday, November 21, 2010

Belle épine, de Rebecca Zlotowski

Prudence a dix-sept ans et se retrouve soudainement seule dans le cocon familial: son père est à l'étranger pour son travail, sa grande sœur ne supporte pas l'absence de leur mère, décédée, ou partie. Les Cohen semblent pouvoir être la deuxième famille de Prudence; Sonia, leur fille, est proche de Prudence, mais aussi plus conditionnée par sa religion juive. Prudence cherche ailleurs de nouveaux repères, auprès de Marylin, qui a son âge, mais plus insolente, et qui l'introduit auprès d'un petit groupe de motards qui roule autour de Rungis toutes les nuits.



Prudence souffre cruellement de sa solitude. La présence maternelle lui pèse, mais elle n'en parle à personne, pas même à sa sœur, pourtant sa complice, lorsqu'elles se retrouvent enfin; pas même à Sonia, qui la comprend cependant à demi-mot. Prudence ne se confie à personne, et offre son corps dans un mouvement de révolte, comme si son isolement était une liberté choisie et assumée. Le premier film de Rebecca Zlotowski traite donc d'une adolescente rebelle, d'un passage à la maturité , thème cher au cinéma français. Elle se revendique fervente admiratrice de Maurice Pialat; elle situe d'ailleurs son film "dans le passé", sans le dater. Pourtant, l'influence des années 70/80 est là, dans la mode, dans le bus, dans la contestation incarnée par les motos.


Rebecca Zlotowski sort de la FEMIS et c'est un cliché de le dire; certes, mais elle correspond si bien aux clichés d'une *jeune réalisatrice qui fait un premier film plus ou moins ou plus autobiographique* qu'il faut le souligner. Elle ressemble au cinéma français, elle a la même fraîcheur que des dizaines d'autres, fraîcheur qui, à la longue, sent un peu le moisi. Sa technique est indéniablement maîtrisée, et sa caméra sait se poser joliment; on ne peut pas reprocher à Rebecca Zlotowski ses fautes de cadres ou de raccord. Mais à y réfléchir, on excuse les premiers films techniquement brouillons si on y sent une énergie, et si les fautes transpirent l'envie de partage. Rebecca Zlotowski oublie de raconter une histoire, concentrée sur son nombril et sur sa manière de tenir la caméra, suffisamment jeune, suffisamment éduquée.


Sa jeune actrice, Léa Seydoux, réagit parfaitement à sa direction mais ce qu'on lui demande - visage impassible, illisible - ne permet pas d'apprécier entièrement son jeu. Prudence est indéchiffrable, ses émotions restent dissimulées. Alors oui, l'adolescente est un personnage difficile à aborder, car ses questionnements sont intérieurs, violents et soudains. La réalisatrice choisit - erreur de premier film? - de coller à l'âge de son personnage, et il en résulte autant d'énigme. Je n'ai pas ressenti grand chose devant Belle épine, ennuyée par l'application que Rebecca Zlotowski a mis à caricaturer l'adolescence rebelle, solitaire. Son film présente le même front buté, silencieux, impénétrable.


Belle épine
de Rebecca Zlotowski
avec Léa Seydoux, Anaïs Desmoutiers, Agathe Schlenker,...
sortie française: 10 novembre 2010

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