Thursday, November 4, 2010

J'ai tué ma mère, de Xavier Dolan

Hubert, dix-sept ans, est en pleine crise d'adolescence, rien de plus banal. Mais chez cet être hyper-sensible, cette phase de découvertes - de soi, de la sexualité, des arts - se traduit avec violence et un rejet radical de sa génitrice. Tout chez elle l'insupporte, de sa manière de manger à sa façon de décorer l'appartement. Hubert souffre de cette haine qu'il voit grandir alors qu'il aimait, autrefois, sa mère.



Les amours imaginaires, deuxième film du jeune Xavier Dolan - ce type est plus jeune que moi, et c'est un fait suffisamment rare pour être noté. Il est même plus jeune que mon petit frère, c'est dire - m'avait emballée. Sur les conseils d'une amie cinéphile - qui n'aime pourtant pas souvent les mêmes films que moi -, j'ai découvert son premier film, J'ai tué ma mère. Xavier Dolan a retravaillé un texte écrit au collège pour en extraire ce scénario, le produire et le réaliser à l'âge de 19 ans. C'est à dire qu'en 2009, il était encore plus jeune qu'en 2010. Ces faits implcables énoncés, on peut passer au vif du sujet.



J'annonce qu'elle sera sympathique. Xavier Dolan montre déjà son amour pour un certain maniérisme, et un sens du détail aiguisé. Ses cadres sont serrés aux épaules, mais laissent respirer l'image; ses décors ne sont pas choisis au hasard; kitschs pour l'appartement de la mère, lumineux pour celui du meilleur ami, classique et bien rangé pour celui du professeur. Il les accorde aux personnages, prouvant qu'il pense plus au-delà de la simple surface. La musique est présente, mais pas obnubilante, toujours justifiée, alors qu'elle est un support facile pour aider à la narration, lorsqu'on ne compte pas sur l'image seule pour raconter. Elle ralentit, avec l'image - je n'avais pas remarqué la similarité avec Wong Kar-Wai - lors de moments clés, rêvés, fantasmés, irréels, ou symboliques. On sent quelques maladresses, une affectation parfois trop grande; pas totalement maîtrisée, cette ostentation  peut ressembler à un snobisme maladroit. Mais au-dessus de ça, Xavier Dolan se jette avec force dans sa première réalisation, et cette belle énergie est fraîche et emmenée au bout de l'idée.


Il faut dire que le réalisateur/scénariste s'appuie avant tout sur son vécu, et n'ose la fiction que pour embellir cette autobiographie mensongère; si des dialogues sont tirés de ses vraies conversations et de sa vie, l'histoire n'est pas ni 100% véridique, ni totalement affabulée. Hubert est donc un adolescent en proie aux démons de son âge, et se confie facilement à son meilleur ami et amant, et à sa caméra. Les autres mères sont toutes plus fabuleuses, libres, que la sienne, populaire, ringarde. Tout est décrit par les yeux de cet enfant nostalgique de l'amour qu'il portait à sa mère: les détails du quotidien sont soulignés jusqu'à l'agacement, les habitudes deviennent des manies, les petites phrases jetées en l'air sont soudain des mensonges ignobles. D'un autre côté, ne prenant parti ni pour Hubert, ni pour sa mère, Xavier Dolan n'oublie pas de montrer l'absurdité de son personnage, qui vénère le reste du monde et jette une assiette par terre à la moindre contrariété, et montre sa mère de manière très positive. Il décrit, somme toute, un adolescent "normal" qui réagit de manière démesurée mais sans cliché à ses propres changements, face à la routine du monde qui l'entoure.


Le film prête alors parfois à sourire, tendrement, de ce gamin qui veut grandir plus vite; s'agissant d'une sorte d'autobiographie, on comprend que le réalisateur, qu'on peut estimer précoce, a pu se sentir suffoqué, parfois, dans une société trop schématisée. J'ai ri aussi, honte à moi, à cause de l'accent québécois non sous-titré, qui m'a certainement fait raté quelques dialogues. Xavier Dolan est un type à suivre, fourmillant d'idées, à l'esthétique déjà définie, et dont j'espère que la personnalité s'exprimera encore plus fort dans ses films à venir.



J'ai tué ma mère
de Xavier Dolan
avec: Xavier Dolan, Anne Dorval, François Arnaud,...
sortie française: décembre 2009



No comments: