Thursday, November 11, 2010

La princesse de Montpensier, de Bertrand Tavernier

 En 1562, en France, les guerres de religion régissent la vie des hommes de l'époque. Celle des femmes aristocrates aussi, laissées seules dans leurs grands domaines. Marie de Mézières aime Henri de Guise, et est promise de longue date à son frère. Son père la vend à plus offrant, le fils du Duc de Montpensier, Prince de Montpensier. Marie se plie à la demande paternelle et s'apprête à devenir une bonne épouse. Mais son mari, à peine l'union scellée, repart à la guerre. Il croise le Duc de Montpensier, devenu son ennemi, sur le champ de bataille. Sa jalousie est encore attisée par le désir du Duc d'Anjou, Henri III, et aussi par le Comte de Chabanne, fidèle compagnon laissé auprès de son épouse et qui lui semble trop proche, alors qu'il revient chez lui. Tous ces hommes perturbent le cœur innocent de la Princesse de Montpensier, toujours pure mais autour de qui les imaginations s'enflamment.





 Bertrand Tavernier signe ici un film à mille lieues de Dans la brume électrique. J'avais déjà apprécié ce film, et était curieuse de connaître le réalisateur dans un autre registre, toujours apprécié par le festival cannois. J'ai aussi considéré le casting; l'affiche est en effet alléchante, et réunit quatre jeunes acteurs depuis peu sur le devant de la scène, et Lambert Wilson. Malgré la jolie brochette de mâles, je me suis plutôt penchée sur le cas Mélanie Thierry, dont la popularité, au vu de sa filmographie, me rendait perplexe. Enfin un premier rôle d'importance pour la jeune femme, qui justifierait peut-être l'engouement des médias depuis son rôle dans Le dernier pour la route.


Et c'est bien elle qui tire son épingle du jeu. Les autres sont plutôt sympas aussi, malgré la salle comble et les une ou deux personnes âgées probablement incontinentes qui m'entouraient - c'est difficile, de vraiment rentrer dans une histoire dans ces conditions -, mais Mélanie Thierry posséde l'ingénuité de déclamer ses phrases joliment tournées, et en costume d'époque, avec une éloquence toute moderne. La Princesse de Montpensier tient son rôle avec rigueur et fraîcheur, à la fois femme fidèle et épouse dévouée, et jeune fille en proie à la sensualité et subissant les attaques masculines difficiles à repousser. Son personnage est particulièrement bien écrit. C'est une femme de son époque, qui se plie à la loi des hommes; laissée à l'abandon, elle refuse de se laisser aller, et cultive son esprit, chose rare pour une femme alors. Toute en subtilité, elle ne joue jamais de sa beauté, n'en a pas conscience, mais ne tombe jamais dans le cliché de la niaise et blanche brebis. Elle décide de la vie qu'on lui impose.


Les hommes n'ont pas la part belle, dans le film de Bertrand Tavernier. Portés sur l'épée, ils ont un peu plus de mal à aligner leurs dialogues enluminés avec aplomb. Grégoire Leprince-Ringuet est particulièrement mal à l'aise dans cet exercice. On l'avait déjà vu dans ce genre de rôle, avec un air pincé de garçon frustré, un peu hautain, dans Les chansons d'amour, de Christophe Honoré. Le rôle du mari jaloux, engoncé dans ses pantalons, le regard bas et fuyant, convient à son physique mais pas à son jeu. Et quel mauvais rôle que celui du Prince de Montpensier, trop timide, tout juste crayonné, à la fois fort et doux mais incapable de communiquer. Ses emportements ne lui ressemblent pas, pas plus que ses accès de tendresse envers sa femme. Les autres personnages ne s'en sortent pas mieux. Le Comte de Chabanne n'est pas antipathique, mais pas non plus suffisamment radical, et le Duc d'Anjou trop maniéré, le Duc de Guise un peu fade aussi.


Les hommes ont cependant ceci d'intéressant qu'ils sont des hommes, finalement. Ils ont beau avoir une apparence parfois aimable, ressentir ce qu'on croit être un amour véritable, ils restent motivés avant tout par leur sexe et par la guerre. Ce n'est pas une banale histoire d'amour que Bertrand Tavernier nous conte. Le réalisateur, loin d'être mièvre, aborde avant tout le désir et la fierté des hommes, qui se battent plus par esprit de compétition que pour les beaux yeux d'une future épouse.


Mélanie Thierry est donc en effet épatante, et Bertrand Tavernier se révèle être un conteur subtil - aidé par Madame de Lafayette, bien sûr, dont une nouvelle a inspiré le scénario. Sans odeurs de pipi, j'aurai encore mieux apprécié, évidemment.



La princesse de Montpensier
de Bertrand Tavernier
avec Mélanie Thierry, Grégoire Leprince-Ringuet, Lambert Wilson,...
sortie française: 3 novembre 2010

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