A Singapour, Terry, débarquant des Philippines, s'occupe du ménage, des courses, du petit Jiale alors que ses parents subissent la crise financière qui touche le pays en 1997.
Quand le film est sorti sur les écrans français, en septembre 2013, je ne savais pas encore que j'allais m'installer, en décembre, en Australie, faisant un détour d'une semaine par Singapour. J'avais déjà envie de découvrir le film, mais j'avais manqué de temps. J'étais donc d'autant plus contente de le voir programmé au Sydney Film Festival, six mois plus tard. Enrichie d'images de la ville où l'action se déroule, c'était aussi l'occasion de reconnaître le terrain.
Singapour n'est pas belle pour un réalisateur qui souhaite parler du quotidien d'une famille; ce quotidien se déroule entre les hauts murs ternes des condos, sortes de HLM améliorés et regroupés en plusieurs barres d'immeubles, toutes semblables, encerclés par des murs rigides et froids. Certains quartiers fourmillent, rassemblent les échoppes et les couleurs; mais la vie quotidienne se déroule dans un triste décor gris. Les appartements, pour ce que j'ai pu constater de ma propre expérience, sont pratiques, et sans charme. C'est exactement ce qui transpire à l'écran, et dans cet univers qu'est propulsée Terry, la jeune Philippine venue chercher du travail et de quoi faire vivre sa famille et son jeune enfant, laissé aux soins de sa soeur.
Anthony Chen retranscrit, sans y ajouter de poésie, ou de légéreté, l'atmosphère de la ville. Je ne lui demande pas de mentir, ou d'enjoliver; mais je n'ai pas réussi à ressentir de tendresse dans cet environnement. Les personnages et leurs histoires ne m'ont pas beaucoup plus touchée, malgré quelques moments, comme des éclairs, où une bouffée de sentiments doux pouvait m'envahir. Comme des éclairs, autrement dit, très brièvement. Imbus d'eux-mêmes et de leur confort, la famille qui emploie Terry est particulièrement peu attachante. La mère se comporte en tyran, le père courbe le dos et baisse les bras. L'enfant, sans contrôle, capricieux, déteste d'emblée Terry et le spectateur le déteste, lui. Tout ce petit monde ne vit que pour lui-même, sans prendre conscience d'autrui, au sein même de la famille. Terry, malgré sa position externe, ne donne pas beaucoup plus de terrain d'apitoyement ou d'identification.
Quand soudain un personnage a un geste envers l'autre, c'est la surprise la plus totale. Et chacun, à un moment du film, abaisse sa garde pour se diriger vers l'autre, avec une franchise totale. On désire alors plus de ces instants furtifs, on regrette qu'Anthony Chen n'aille pas plus profondément creuser dans cette direction. Car lorsque Terry doit finalement rentrer dans son pays, au lieu de sortir grandis de l'expérience - et plus pauvres -, les personnages reviennent à leur point de départ, chacun dans son jardin secret. Et le spectateur revient aussi à ce qu'il était avant de voir le film.
Je ne crois pas qu'un film doive nous laisser ainsi, vide, sans rien apprendre de l'expérience vécue sur l'écran. Ilo ilo est informatif, et manque de ce petit plus qui fait le cinéma.
Ilo ilo
d'Anthony Chen
avec: Angeli Bayani, Jialer Koh, Yann Yann Yeo,...
sortie française: 04 septembre 2013
sortie australienne: ??
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