Chérif vit chez ses parents et travaille comme agent de sécurité dans un grand centre commercial où il se fait chahuter par des bandes de gamins désœuvrés, et par son patron. Il tente pour la quatrième fois de passer le concours d'infirmier en étudiant de chez lui. A force de ne pas chercher les ennuis, Chérif peine à s'investir mais refuse tout de même de continuer sur ce chemin.
Premier film, la banlieue, la vraie vie des vrais gens, a priori, Qui vive sonne comme un film extrêmement français et oui, c'est un a priori négatif. Mes a priori volent en éclats encore une fois, comme après Les Combattants ou Party girl ces derniers temps. Quand je parle de film français, je sous-entends généralement ce genre d'histoire pas folichonne, pas de celle qui ferait rêver les studios américains. En France, on aime le quotidien, on tient à ce que le spectateur, Français moyen, retrouve toute la banalité de sa vie dans un film; si un évènement extraordinaire se produit, et il doit se produire (sinon, à quoi bon faire un film ?), cet évènement est presque un non-évènement, le genre de truc qui pourrait arriver à n'importe qui. Bref, on fait des films un peu chiants, en France. Ajoutez qu'on a la culture littéraire et qu'on aime bavarder, ça ne donne pas des prédispositions pour la cinématographie.
Pourtant, parfois, ce quotidien réussit à m'enthousiasmer. Il est pourtant proche du réel, il ne fait pas plus rêver que les autres : Chérif n'est plus jeune, vit en banlieue chez ses parents, est célibataire et se fait exploiter par son patron et marcher sur les pieds par ses amis. Il est gentil, et rencontre une fille tout simple (Adèle Exarchopoulos, modeste et charmante dans son tout petit rôle), et peut-être qu'il réussira cette fois à passer un concours qu'il rate consciencieusement chaque année. Chérif est peut-être trop gentil et laisse les autres être méchants pour lui ; ses amis, avec qui il a grandi sans changer de quartier, font des affaires, celles de la banlieue. Ça peut être la drogue, des Ipad tombés du camion, on ne sait pas trop, car Chérif ne veut pas trop s'en mêler. Ses amis réussissent donc mieux que lui, mais Chérif est un type droit, il étudie. Surtout, il se lave les mains tout en profitant de la force des autres.
Voilà la belle subtilité de Marianne Tardieu, celle de montrer un personnage pas si simple, ou alors simplet, pas si gentil, ou alors complètement dans le déni. Comme dans Hippocrate, autre bon film français, on retrouve Reda Kateb, au premier plan cette fois, dans le rôle de ce personnage complexe. Chérif est un type adorable à qui on pardonnerait tout, mais qui sera à l'origine d'un acte de violence ordinaire et puis d'un meurtre. Marianne Tardieu le montre poussé à bout, mais Chérif a toujours eu le choix en face de lui, celui de refuser radicalement la violence. Par gentillesse, il refuse surtout la radicalité et la violence, elle, fait son chemin.
Reda Kateb, qu'on découvre alors qu'il joue discrètement depuis des années, est fascinant et juste. Il joue pile la bonne intensité, alors qu'il passe devant le jury de son concours, ou qu'il vole un horaire pour le passer à ses complices. J'ai rarement vu une réalité aussi belle dans tout sa banalité.
Banale, mais jamais simple, plein de pistes de réflexions qu'on oublie souvent de croiser dans son quotidien, Qui vive est un premier film qui donne le goût du cinéma français.
Qui vive
de Marianne Tardieu
avec : Reda Kateb, Adèle Exarchopoulos, Rashid Debbouze,...
sortie française : 12 novembre 2014
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