Saturday, January 19, 2013

Searching for Sugar man, de Malik Bendjelloul

Rodriguez est découvert dans un bar de Detroit par un petit label qui produit son premier single, en 1967. Trois années plus tard, Sussex Records lui permet d'enregistrer deux albums, Cold Fact en 1970 et Coming from reality l'année suivante. Aucun de ses albums ne se vendra, sauf... en Afrique du Sud, en plein Apartheid. Rodriguez ne saura jamais rien de ce succès. Vingt ans plus tard, à la fin de l'Apartheid (1991), alors que le CD de Rodriguez sort enfin dans le commerce en Afrique du Sud, deux passionnés se mettent à enquêter sur la fin de Rodriguez, que la légende dit mort par suicide, immolé par le feu ou d'une balle de revolver, en pleine scène. Rien ne filtre sur Rodriguez, mais quand les vannes s'ouvrent enfin, la réalité dépasse largement la fiction.

Ce documentaire retrace une histoire impossible à croire, plus fantastique que la meilleure des fictions. Comme quoi, de l'action, une image léchée, ne font pas un film; la folie de l'imagination pousse le spectateur bien plus loin. Le personnage est un musicien formidable. D'ailleurs, c'est après avoir écouté ses albums que je me suis décidée à voir le film. Rodriguez se balade toujours avec ses lunettes noires, et les seules images de lui sont figées sur de vieilles photographies, ou dans les brumes des souvenirs de ceux qui l'évoquent. Son son est bien propret, sur deux albums, mais il n'y a pas d'enregistrements live de lui, pas d'interview... A part ses deux albums, Rodriguez est un fantôme, laissé dans l'anonymat. La faute à quoi, à qui? A l'époque, au lieu, à sa promotion, à la concurrence,..? Ne lui survit que le mystère grotesque de sa mort.


On est dans une drôle d'impasse. Certes, l'illustre inconnu a sa place dans toutes les discothèques familiales d'Afrique du Sud, et les musiciens qui chantent contre l'Apartheid sont tous inspirés de lui. Cette image d'un succès dans un pays aux frontières fermées est touchant, mais on se heurte à trop de mystères. Le documentaire risque de tourner en rond rapidement, vu qu'il n'existe aucune information sur Rodriguez. L'évocation sommaire de sa biographie incomplète tourne court. Et puis l'histoire commence vraiment. L'énigme ouvre encore sur de nouvelles absurdités, et nous emmène beaucoup plus loin, dans un fantasme inimaginable.


Chacun d'entre nous peut connaître ce regret, cette amertume d'être incompris. Un artiste veut faire entendre sa voix, et s'il a vraiment quelque chose à dire, il lui en coûte de rester muet. Rodriguez est bien vivant. Mais la force de cet homme est de vivre son insuccès sans rancœur, sans mauvaise fierté. La reconnaissance finit par le rattraper, par-delà un océan! Et l'histoire devient complètement folle, quand il remplit trente Zénith parisiens, avec 5000 fans qui crient son nom et l'acclament. La réaction de Sixto Rodriguez est sans orgueil, comme si son état naturel était bien d'être là, enfin, vingt années après, sur scène! Ce n'est même pas un rêve qui se réalise, mais un destin qui s'accomplit. 


C'est pour nous autres spectateurs, que le mythe s'incarne et que la réalité se fait poème.


Searching for Sugar man 
de Malik Bendjelloul
sortie française: 26 décembre 2012

No comments: