Monday, January 14, 2013

The master, de Paul Thomas Anderson

Fin de la Guerre dans le Pacifique. Les soldats américains se défoulent enfin, expulsant ce récent traumatisme. A leur retour, pris en charge par des psychologues, ils sont nombreux cependant à subir les "troubles comportementaux de guerre". Freddie Quell, alcoolique, ne revient pas auprès de sa famille. Il erre et continue de s'abreuver de substances qu'il fabrique lui-même. Rien ne l'attache à nulle part. Il dort une nuit sur un bateau, attiré là par les bruits et les lumières d'un fête. Quand il se réveille, le bateau a pris la mer, mais le capitaine du navire l'accueille comme un ami inattendu. Freddie trouve en lui une écoute, et lui partage sa folie, accordant sa confiance, jusqu'à l'aveuglement.

On parle trop de ce film comme étant, ou pas, une description assez juste de l'église de la scientologie dans ses premières heures. Le débat est dommage, d'une part parce qu'on s'en fiche - The master n'est pas un documentaire, mais une fiction! -, et d'autre part car on aurait aimé être, comme Freddie au début du film, dans le même brouillard. Coincé au milieu de l'océan, il continue à distiller on ne sait quel poison, mais sans pouvoir cette fois comme avec ses compagnons de malheur durant la guerre, son ivresse devant un public conquis. Ses clins d'oeil aguicheurs auprès des femmes ne le mènent à rien. Dans quel monde est-il tombé? Il a toujours l'esprit brumeux, et à travers son regard vague, on ressent la bizarrerie qui l'entoure. Les gens qui sont là ont l'air parfaitement normaux; ils vivent, rient et échangent. Mais ils étudient surtout, et se regroupent autour de séances d'hypnoses. Comme Freddie, on est entre la fascination et l'ennui.


Le côté sectaire de cette petite société ne se dévoile que très lentement. C'est d'ailleurs une minuscule communauté, dont on ne ressent l'impact extérieur que par le succès d'un livre, et surtout, à travers le charisme d'un homme, écrivain, chercheur, physicien,... Il apparaît, énorme, heureux de vivre, loin du travailleur ascétique auquel il pourrait ressembler. Sa femme, sa première disciple, dans l'ombre derrière lui, ressemble plus à la fourmi acharnée, et possède une poigne de fer. C'est ce couple, finalement, plutôt que l'homme seul, qui projette sa force dans le monde, contre des idées qu'ils détruisent, en en imposant d'autres, plus folles, plus belles, auxquelles certaines personnes sont prêtes à croire.


Le film reste obscur sur le désir réel des Dodd à conquérir le monde et les esprits. On s'attache surtout aux pas de Freddie Quell, perdu d'abord, conquis, dubitatif, mais prêt à s'engager corps et âme. Il suit le "traitement" qu'on lui prescrit sans le comprendre, répondant avec un quasi désespoir aux questions, subissant les épreuves. On manque certes de repères pour le construire complètement; malgré les incursions dans son passé que propose quand même le film, a-t-il toujours été aussi fou? On pardonne néanmoins les points obscurs du film, car la douleur de Freddie est à couper le souffle, interprétée par un Joaquin Phoenix incroyable.


Il a évidemment pour lui ce regard ironique, sous des paupières lourdes d'un triste passif, mais il donne à tout son corps un mouvement d'angoisse. Le dos voûté, la démarche faussement assurée, le costume toujours trop lâche sur des membres noueuds... malgré la perte de poids de l'acteur, le muscle est toujours présent, et plus fou que quand il est gonflé de prétention. La peur donne à Freddie les moyens d'exploser de violence, contre lui-même plus que contre les autres.


The master tient parfois des propos obscurs, illuminés par la présence sombre de Joaquin Phoenix.


The master
de Paul Thomas Anderson
avec: Joaquin Pheonix, Philip Seymour Hoffman, Amy Adams,...
sortie française: 09 janvier 2013

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