Une troupe de strip-teaseuses américaines, menées par un producteur français, font le tour des boîtes de nuit de la côte française: de club en hôtel de seconde zone, de petite ville de province en bled paumé, elles remplissent les salles avec leur spectacle décontracte, nu et sans complexe. Ce new burlesque séduit; les filles ne voient pas grand chose de la France, voyageant et dormant le jour, travaillant et buvant du champagne chaque nuit. Joachim, leur producteur, prend ce voyage à cœur; les filles sont comme sa seconde famille, et il bien besoin de soutien pour ce retour dans la mère patrie. Son passé duquel il est, malgré son air détaché, nostalgique, lui retourne des coups.
Le film suit cette tournée un peu particulière, qui détonne dans les minuscules villes françaises. Leurs interprètes, féministes, sont touchantes par leur américanisme frappant - leurs hauts cris, leurs couleurs haut porté, leur décomplexion -, et par leur sensibilité sous-jacente. Ces femmes revendiquent le droit de s’aimer telles qu’elles sont, mais demandent aussi le droit à la galanterie, aux soins essentiels tels que l’attention, le simple refus de l'indifférence, et se battent pour un certain respect de leur métier comme de leur sexe. A mille lieux d’un féminisme batailleur, tapageur, et, somme toute, terriblement masculin, elles clament sur scène, et avec humour qu’elles sont fières de leurs créations artistique, et d'être ce qu’elles paraissent, tout simplement.
Quant à Joachim, ce personnage étonne avec sa drôle d'énergie désespérée. Fou de “ses filles”, de leur spectacle, il les entraîne, les couve comme une mère, tout en espérant maladroitement se servir de leur succès, qu’il sait incontestable, pour revenir à Paris par la grande porte. Peu à peu se dessine son passé de télévision, de succès, de fils et de frère, de père et de mari. Brutal, sans cesse dans l'excès, il aime et insulte, tempête et prospère. Il a besoin d’une déchéance pour aller plus haut. Ce passé qui lui retombe sur le coin du visage, est tristement rendu évident par l'apparition soudaine de deux enfants, ses enfants, deux gosses qui jouent merveilleusement juste, et dont les personnages subliment le rôle de père que Joachim n'est pas, et l'amour qu'il porte, malgré tout, à sa famille qu'il a quitté.
A la fois documentaire - le scénario, basé sur un recueil de Colette, s'appuie sur un genre de spectacles né dans les années 90 aux Etats-Unis, et a été tourné dans des conditions très réelles -, et totalement fictionnel, Tournée arrive aussi bien à s'attacher à ses actrices qu'à son personnage, presque secondaire, celui de Joachim, petit producteur déchiré entre son pays, ses racines, et sa vie nouvelle, entamée à plus de quarante ans. C'est un road-movie, aussi, sans cesse sur les routes, en train, en voiture. Les personnages cherchent leur place, et la trouvent sur la route et dans des hôtels de seconde classe.
Mathieu Amalric prouve son talent de réalisateur avec une mise en scène efficace, tant dans les nuits illuminées de spectacles déjantés, que dans des chambres d'hôtel à la lumière un peu sale, que sur les routes de France, dans les matins fatigués. Visages sublimés, qu'ils soient sous les feux de la rampe ou froissés, après des nuits excitantes, Mathieu Almaric capte les émotions et les sourires toujours éclatants. Prix de la mise en scène au Festival de Cannes en 2010, le réalisateur/acteur mérite largement sa Palme.
Excellente surprise, mieux encore que celle à laquelle je m'attendais, venue d'un acteur que je n'ai jamais réellement apprécié pourtant. Le plaisir en est d'autant plus grand.
Tournée
de Mathieu Amalric
avec Mimi Le Meaux, Kitten on the Keys, Sirty Martini, Julie Atlas Muz, Evie Lovelle, Roky Roulette,...
sortie française: 30 juin 2010
ps: et cette affiche, est-ce qu'elle n'est pas super chouette?
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