Monday, September 12, 2011

Présumé coupable, de Vincent Garenq

En 2001, l'huissier de justice Alain Marécaux et sa femme, ainsi que 12 autres innocents, sont incarcérés, accusés d'avoir participé à la prostitution d'enfants par leurs parents. Les trois enfants d'Alain Marécaux sont placés dans des familles, tandis que commence pour Alain Marécaux une lente descente aux enfers, depuis une interminable garde vue jusqu'à une détention "provisoire" de deux années. Innocent, comme les 12 autres accusés, Alain Marécaux tente de se suicider plusieurs fois tandis qu'à l'extérieur, son avocat se démène. Mais le système judiciaire accumule les bévues, l'affaire dite Outreau s'éternise et détruit la vie d'Alain Marécaux. En 2005, la cour d'Assises finit par enfin l'acquitter. Durant sa détention, Alain Marécaux a tenu son journal, publié sous le titre Chronique de mon affaire judiciaire: une victime de l'affaire Outreau, qui a inspiré le film de Vincent Garenq.


L'affaire, je ne sais pas pour vous, je l'avais suivie de loin; les noms, évidemment, entendus mille fois, les erreurs de justice, la conclusion vaine, comment passer à côté? Mais je passe parfois loin des évènements franco-français, dont le matraquage télévisé m'inonde le cerveau inutilement. J'ai l'impression de revenir à l'école; même si on m'assène quinze fois la même information, je l'oublie. Je vous rassure, je ne suis pas hermétique à l'information, au contraire; mais ce que je lis sur internet, et surtout sur le papier, pénètre plus profondément dans ma boîte crânienne; et les affaires internationales m'intéressent souvent plus qu'un évènement dont on fait un foin pendant 15 jours, pour l'enterrer quelques semaines après. L'affaire Outreau a elle duré et duré encore.


La descente aux enfers, l'absurdité d'une justice attachée à ses petits papiers, qui traite chaque affaire avec une conscience bureaucratique, oubliant les hommes et leurs identités, leurs différences, qui sont derrière, sont parfaitement retranscrites. Entre le rire parfaitement jaune qui fuse dans la salle, alors que le juge pose des questions tendancieuses  - "et vous avez dit, As-tu mis ton pyjama?" - qui révèlent ironiquement la pseudo-culpabilité d'Alain Marécaux d'attouchements sexuels sur son propre fils, et la douleur qu'on partage avec cet homme enfermé, privé de soleil, privé de sa famille, empêché de s'exprimer, qui développe des tendances suicidaires, qui devient plus fragile qu'un enfant... le film, Présumé coupable, réussit à atteindre sa cible et à faire passer le message. La justice française est inhumaine, personne ne regarde au cas par cas ce qui s'y passe, et le système judiciaire est ankylosé par une paperasse qui débilise ceux qui la remplissent.


Au-delà de cette réussite impeccable servie par un Philippe Torreton bouleversant de retenue, je m'interroge légèrement sur ce que vient faire ce film au cinéma. Graphiquement plus proche du documentaire, le film est extrêmement bien réalisé mais oublie toute préoccupation de style. A rester concentré sur son personnage, son point de vue, sa rétention d'informations, on oublie un peu d'ouvrir la portée du film à d'autres gens, à d'autres continents. La justice française est pointée du doigt; mais qu'en est-il aussi du message sur la justice en général, sur l'humain et ses faiblesses? Sans aller bien entendu jusqu'à philosopher, il me semble que cibler à ce point une affaire est certes instructeur, mais que le cinéma a la vocation de porter plus loin, plus universellement.


Un peu comme cette information pour laquelle on se passionne un temps, mais qui ne restera pas, d'ici 20 ans, dans les livres d'histoire, Présumé coupable est un formidable éclairage sur l'affaire Outreau mais ne marquera malheureusement pas l'histoire du cinéma.


Présumé coupable
de Vincent Garenq
avec: Philippe Torreton, Wladimir Yordanoff, Noémie Lvovsky,...
sortie française: 7 septembre 2011

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