Monday, September 5, 2011

Neds, de Peter Mullan

En 1973, à Glasgow, John McGill est un élève brillant et le reste jusqu'à son entrée au collège. L'été qui précède sa dernière année avant le bac et son entrée à l'université, il intègre une bande, les Cars-D, ces jeunes qui prennent son frère, Benny, en exemple. Benjamin McGill est lui le contraire de John, malgré leur attachement fraternel; il fait partie des Neds, délinquants perdus à jamais aux yeux de la société anglaise.


Je ne sais pas pourquoi les films dits "socio-britanniques" me fascinent autant. Les réalisateurs tels que Ken Loach ou Mike Leigh, figures de proue de cette tendance très anglaise, m'ont toujours enchantée. Peter Mullan, ayant fait ses armes en tant qu'acteur avec Ken Loach, continue dans cette veine sociale et désabusée, et pose sa caméra dans des banlieues sales, couleur de la pluie écossaise, agrémentée d'étendues herbeuses et boueuses, dans un contexte 70' qui met à profit une certaine violence qu'on n'a jamais trouvée en France. La banlieue française paraît beaucoup moins cinématographique que les recoins entre zone urbaine et campagne profonde de l'Angleterre; et les petits délinquants anglais ont développé une toute autre forme de violence, à base de Docs Martens et de lames au lieu de Nike et de jambes de jogging retroussées.


C'est probablement réducteur que de résumer la petite délinquance à quelques critères de mode. L'esthétique anglaise me saute cependant au premier au visage, de même que cette manière de filmer très particulière qu'a cette vague de cinéastes britannique. C'est à la fois simplissime, brusque sans retourner les estomacs, franc et direct; la caméra ne cache rien des murs délabrés, sans non plus s'y attarder; les rues délaissées font partie d'un contexte social difficile, idem pour la rigueur professorale de l'éducation, et l'alcoolisme et les coups entre les murs des maisons; mais il y a toujours l'idée d'un coin de ciel bleu quelque part. Le charme de l'accent écossais/banlieusard agit totalement sur moi, et je peux paraître assez peu impartiale devant ce type de films. Si vous êtes aussi sous le charme, courez voir Neds, le film réunit les meilleurs éléments du genre.


Une chose m'a souvent perturbée, plus jeune - encore maintenant, mais avec moins de force; j'ai l'impression d'avoir un peu plus de réponses aujourd'hui. Pour moi, plus on était mal loti au départ, et plus on avait la volonté de s'en sortir et de suivre une voie différente de celle de ses parents. C'est sans compter sur le pouvoir d'une société et de son embrigadement; il n'est pas fatal qu'on termine mal si on commence sans aucun atout; il n'est pas dit non plus que seule la volonté fasse sortir de la mélasse.


John, grâce à son esprit vif, aurait pu trouver une voie vers la réussite. Mais voilà, la pression du monde n'est pas simple à porter pour un adolescent. Le contexte familial? Un père alcoolique, une mère soumise, un frère fascinant et libre. Chacun chez soi, derrière les murs protecteurs du cocon familial, subit la loi du père. Et cette dernière est souvent complexe. L'école est un lieu au moins aussi violent, où John est jugé par des adultes qui savent, qui anticipent sa chute et le battent en avance. Drapés dans leurs capes, les professeurs possèdent eux aussi leur propre loi. Dans la rue, pour trouver également la protection, il faut faire partie d'une bande. Alors les jeunes se murent dans leur vie de violences, et perdent leur identité au profit d'un groupe. Autres règles, autre sort qui est réservé à John: cette fois, c'est lui qui impose sa loi, et dissimule ses forfaits en les faisant disparaître dans la masse des coups. Ironiquement, et dans un final superbe, c'est la nature et sa sauvagerie qui montrent le plus de paix et de cohésion.


Dans la lignée Ken Loach/Mike Leigh, Peter Mullan est un réalisateur qu'il faut suivre.


Neds
de Peter Mullan
avec: Connor McCarron, Gregg Forrest, Joe Szula,...
sortie française: 31 août 2011

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