Une société de traders, comme New York peut en produire. Dans celle-ci, du jour au lendemain, la majorité des employés sont soudainement mis à la porte. Seth, l'un des plus jeunes d'entre eux, et Peter, aussi peu expérimenté mais plus âgé, ne font pas partie du plan de licenciement. Leur supérieur direct, par contre, l'est. En quittant son bureau, il glisse à Peter une clé USB contenant son travail inachevé; il lui jette également cette simple consigne, "sois prudent". Peter complète dans la soirée le dossier en cours d'Eric Dale. Il découvre alors la faillite prochaine de sa boîte, faillite qui peut être évitée si, sans délai, les traders réagissent. Dans la nuit, les dirigeants de la boîte se réunissent pour prendre une décision dès le lendemain matin.
Au lendemain de cette fameuse, et bien réelle, crise financière qui a touché les marchés dès 2008, et qui met toujours aujourd'hui les banques en difficulté, et par conséquent, les particuliers, Margin call se propose d'imager un possible et probable point de départ d'une crise fictive. Ce n'est qu'une infime partie de la conjecture globale qui a plongé le monde financier dans le chaos, les peuples dans l'incertitude. Mais c'est aussi une explication juste des enjeux, du point de départ d'une longue série de dominos qui a fait chuter les marchés, de Wall Street au Tokyo Stock Exchange en passant par Euronext Paris. Une anomalie, notée, laissée de côté, grossit dans cette société de marchés, et devient inévitable. Et alors qu'il faut prendre des décisions pour la minimiser, on s'aperçoit que quelques uns ont pu choisir entre sauver leur entreprise et couler le monde, ou perdre quelques millions de dollars pour le bien des peuples... On sait quelle a été la décision finale.
Dans le monde étrange des traders, gouvernés par les chiffres, ce sont des informations incompréhensibles affichés sur des écrans d'ordinateurs qui dominent. Des sommes virtuelles sont manipulées; des marchandises impalpables échangées; des salaires mirobolants sont versés. Dans ce monde bureaucratique à la hiérarchie implacable, le costume-cravate de rigueur masque pourtant les gros requins et les petits poissons. Les dirigeants ne savent pas lire ce qu'à un étage inférieur, dans les longues salles en open space où rêvent d'argent leurs traders, les jeunes employés vendent et achètent. L'ironie veut que ce soient ces dirigeants qui touchent le plus de sous; et que ce soient les traders qui, en groupe, ont le pouvoir de faire basculer un autre monde que le leur. Du haut de leurs tours vitrées, ils jouent des destins entiers.
Margin call réussit à montrer les sommes pourtant inimaginables, et quasiment inexistantes dans les faits, avec lesquelles les bourses jonglent. Ce sont des chiffres - peu montrés - sur des écrans, des schémas et des courbes. Les traders, tels que Seth et Peter les comprennent. Alors qu'ils sont au plus bas de la chaîne, tous leurs supérieurs ne cessent de répéter "expliquez moi cela, en anglaisé". Quelle ironie, que les principales décisions soient prises par une personne qui ne sait pas traduire ce que ses petites mains, par dizaines, lisent comme s'il s'agissait de leur langue maternelle! Au rythme tranquille d'une longue nuit blanche, transparaît un stress qui changera tout au matin. De Peter à Tuld, le dirigeant de l'entreprise, les échelons sont peu à peu gravis pour exprimer la difficulté dans laquelle les marchés sont plongés.
Les conclusions du film surtout sont vertigineuses, quand on voit ce qui nous touche dans le monde réel aujourd'hui. Il est clair que d'autres choix auraient pu être faits; mais l'argent domine largement à la fois les marchés et les hommes qui en jouent. Quelle que soit l'intégrité de ces hommes - celui qui pleure son chien, que ce soit en plein licenciement massif, ou alors que lui-même perd gros, est représentatif des cœurs vides -, ce sera toujours le salaire qui motivera les troupes. Non pas les rêves, comme celui de Seth, qui voit sa carrière s'effondrer après seulement 18 mois de terrain; pas non plus l'intégrité, comme le montre l'ascension de Peter, lucide sur les gains à faire; non, c'est l'argent, celui de quelques personnes seulement, qui en fait monter certains, qui en assassinent d'autres. Et au-delà de ces quelques uns, il y a les autres, il y a "nous", des populations invisibles qui marchent dans les rues, qui vivent en majorité, et qui subiront les décisions prises en haut des tours.
Passionnant, Margin call clarifie une actualité sans jouer de pédagogie excessive.
Les conclusions du film surtout sont vertigineuses, quand on voit ce qui nous touche dans le monde réel aujourd'hui. Il est clair que d'autres choix auraient pu être faits; mais l'argent domine largement à la fois les marchés et les hommes qui en jouent. Quelle que soit l'intégrité de ces hommes - celui qui pleure son chien, que ce soit en plein licenciement massif, ou alors que lui-même perd gros, est représentatif des cœurs vides -, ce sera toujours le salaire qui motivera les troupes. Non pas les rêves, comme celui de Seth, qui voit sa carrière s'effondrer après seulement 18 mois de terrain; pas non plus l'intégrité, comme le montre l'ascension de Peter, lucide sur les gains à faire; non, c'est l'argent, celui de quelques personnes seulement, qui en fait monter certains, qui en assassinent d'autres. Et au-delà de ces quelques uns, il y a les autres, il y a "nous", des populations invisibles qui marchent dans les rues, qui vivent en majorité, et qui subiront les décisions prises en haut des tours.
Passionnant, Margin call clarifie une actualité sans jouer de pédagogie excessive.
Margin call
de J.C. Chandor
avec: Jeremy Irons, Kevin Spacey, Zachary Quinto,...
sortie française: 02 mai 2012
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