Saturday, October 15, 2011

La route des Indes, de David Lean - A passage to India, d'Edward Morgan Forster

Dans les années 1920, Adela Quested quitte pour la première fois son Angleterre natale et suit Mrs. Moore, sa future belle-mère, pour rejoindre son fiancé, magistrat en Indes, à Chandrapore. Elle rêvait d'exotisme, et découvre, ainsi que Mrs. Moore, un peuple assujetti, regardé de haut par leurs colonisateurs; elle espérait l'amour, mais son fiancé semble plus habité par le mépris pour les Indiens que par ce sentiment. Mrs. Moore, vieille dame ouverte d'esprit, n'hésite cependant pas à bousculer les places prises par chacun, et Adela l'accompagne joyeusement dans ses découvertes d'un peuple et d'une culture différents des siens. Peu à peu, et grâce au surintendant du collège Richard Fielding, l'Anglais le plus intégré à la population, les deux femmes touchent enfin du doigt l'Inde véritable par le biais du Dr. Aziz Ahmed. Mais leurs différences sont difficiles à abolir, et le rapprochement, concrétisé dans les grottes de Marabar, canalise les tensions d'une population toute entière dans un procès fait au Dr. Aziz Ahmed par Adela, supposément abusée dans une des caves visitées.


Sorti en 1984, le film a connu un grand succès, nominé et primé au cours de différentes manifestations telles que les Academy Awards (Oscars), les Golden Globes, les BAFTA et autres remises de prix à New York, Los Angeles, etc. Unanimement adoré par la critique et le public, le film n'a pas bien vieilli, et il est difficile de rester concentré deux heures quarante-cinq minutes durant, sur un rythme impassiblement le même. La réalisation, classique, est  techniquement réussie; il n'y a pas un mouvement injustifié, chaque champ/contrechamp suit le dialogue sans outrepasser la règle des 180°, les regards amorcent des plans de paysages ultra-découpés et descriptifs au possible. Cette mise en scène est d'un ennui absolu. Les personnages, quoiqu'ils faillent les replacer dans le contexte de leur époque, sont caricaturaux; évidemment, les Anglais sont hautains, habillés de blanc, propres sur eux, et ont du mal à toucher les Indiens, masse grouillante et colorée, cependant prête à se plier en quatre pour se faire accepter par les colonisateurs; ainsi Aziz garde en permanence les yeux écarquillés, et s'empresse auprès de ses hôtes. La naïveté de chacun est exacerbée par le jeu des acteurs. Une telle caricature, associée à une réalisation passive, ne passe décidément pas.


Le livre n'a rien de si innocent. Tout d'abord, il se passe de l'héroïne rêveuse, naïve et fonceuse à la fois qui est au centre du film. Plus proche de la réalité, Adela n'intervient que peu, et est surtout touchante de crédulité. Elle n'a pas l'âme combattive de l'Adela du film, est plus effacée, et aurait certainement changé de bord pour passer du côté des épouses soumises et enfermées dans le club des colons, si elle n'avais pas été aux grottes de Marabar. Les nuances sont permises dans l'ouvrage écrit, et les Indiens , dont le Dr Aziz, ressentent avec une ingratitude justifiée l'invasion de leur patrie par des Anglais hautains et dominateurs, sûrs de leur droit. Même Richard Fielding, pourtant acquis à la cause indienne, ne peut saisir toutes les différences de culture. Edward Morgan Forster, l'auteur, décrit l'impossibilité d'un futur commun entre Anglais et Indiens, voués à la rupture même pour les plus adaptables d'entre eux. Le procès intenté par Adela montre, bien plus que dans le film, cet inexorable conflit qui, arrivé à un certain point, prend feu sur la moindre flammèche. Adela n'y est pour rien dans ce procès; mais les esprits des deux camps s'échauffent sans avoir besoin de son soutien.


Le point commun au film et au livre est son rythme, assez lent. Dans le film, cela endort le spectateur, qui ne peut pas supporter les clichés fades qui lui sont présentés. Dans le livre, cela permet de comprendre la complexité des liens entre des populations si différentes, et si peu enclines à se comprendre. Vous l'aurez compris, le premier a vieilli, et la lecture du second trouve facilement son écho dans notre société contemporaine.



La route des Indes
de David Lean
avec Judy Davis, Peggy Ashcroft, Victor Banerjee,...
sortie française: 1984
A passage to India
d'Edward Morgan Forster
1ère édition: 1924

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