Tuesday, March 6, 2012

John Carter, d'Andrew Stanton

John Carter cherche inlassablement, et en-dehors de tous les circuits, une grotte pleine d'or, dans le grand Sud américain. Alors qu'il est embarqué par l'armée, avec laquelle il refuse de coopérer, poursuivi par des Indiens, il trouve enfin cette cave dont ses poursuivants n'osent pas s'approcher. Il y trouve un médaillon qui l'envoie sur une autre terre. Il se retrouve en fait sur Mars, ou Barsoom, comme ses habitants l'appellent. Sa provenance fait de lui un guerrier extraordinaire. D'abord pris par un peuple verdâtre, il apparaît comme une créature de foire; puis, témoin d'une bataille entre les peuples humanoïdes de Barsoom, il rencontre la princesse Dejah Thoris, qui fuit son mariage prévu avec le chef ennemi, en vérité manipulé par d'étranges magiciens.


Adapté d'une saga littéraire d'Edgar Rice Burroughs, le Cycle de Mars, John Carter sent bon le filon à exploiter en cas de succès. Tous les moyens ont été mis en œuvre pour cette production signée Disney dans ce but. La comparaison à la prélogie Star Wars, les épisodes les plus récemment réalisés, est fatale. Les décors futuristes résonnent entre les films, tout autant que certains personnages secondaires. Côté technique, depuis 2005 et l'épisode III, La Revanche des Sith, on a clairement fait des progrès. John Carter est un bijou d'intégration des personnages sur fond vert. Les créatures sont toutes réalistes - même si, en soi, créer un design de personnage à 4 bras qui n'en fait pas usage m'agace prodigieusement - et les batailles navales en plein ciel sont démentes. Dommage que cette prouesse visuelle ne soit servie que par une mise en scène brouillonne et un scénario qui élude grossièrement des points essentiels de l'intrigue.


Car non, un bon film ne se résume pas à une belle image. Donnez-moi de la DV, pourvu que l'histoire se tienne! Et c'est loin d'être le cas ici. On démarre sur Terre et vers 1850, dans un décor de western spaghetti. C'est le neveu de John Carter qui, en se plongeant dans son journal, lancera le flash-back et propulsera le spectateur sur Mars. Le procédé du souvenir est habilement introduit. Malheureusement, après les péripéties martiennes à rebondissements multiples, lorsqu'on revient à l'époque présente... on a déjà oublié cette dernière. Il devient alors douloureux de se voir infliger une séquences supplémentaire, qu'on était pourtant censé attendre depuis le début. Le film aurait presque mérité une demi-heure de plus, et pourtant, retarder encore le dénouement aurait été peu judicieux. Je n'ai pas lu le livre, je ne saurais donc dire à quel point le film lui est fidèle. Mais, plutôt que d'oublier de poser des ellipses, et de zapper d'expliquer les enjeux, n'aurait-il pas fallu prendre plus son temps sur certaines scènes, et en oublier d'autres, quitte à se faire battre par les fans du roman?


Effectivement, on comprend vite, dans la partie martienne, que la conclusion se jouera lors d'une cérémonie de mariage. Cette soirée est précédée d'un jour sans fin, qui voit rebondir l'action d'un camp à l'autre, de celui des bonshommes verts à quatre bras aux humanoïdes à sang bleu gentiment rangés par équipe - les rouges, méchants, contre les bleus, gentils. Combien de fois me suis-je attendue à voir enfin arriver le soir, alors que John Carter rebondissait sur un rocher pour relancer l'action? Avec cette fin à rallonge, encore suivie d'un épisode terrestre, on s'ennuie toujours plus. Et pourtant, comme je le disais, il aurait été bénéfique au film de prendre son temps dans certaines séquences.


Erreur de scénario, trop élagué au fur et à mesure d'une réécriture certaine? Ou mise en scène maladroite? Je penche pour la seconde solution, misant sur un Andrew Stanton prompt à réutiliser les mêmes ficelles qu'en animation - le réalisateur signe là son premier long-métrage en prise de vue réelle, après avoir signé Wall-E ou Le Monde de Nemo. L'intrigue d'un film d'animation est souvent moins complexe, et plus linéaire; on peut donc se permettre d'accélérer l'action. John Carter n'autorise pas cela. Certaines scènes sont trop complexes, comprennent trop de personnages, et le film s'étend trop dans le temps - et même dans l'espace - pour connaître la moindre faiblesse de réalisation. Beaucoup de scènes sont confuses, comme celle, à l'évidence, qui vient à le fin de la période martienne, où John Carter se trouve soudainement cloné. La surprise est gâchée par la confusion totale de l'action, et on ne comprend qu'après coup la subtilité de ce qui vient de se passer, n'en jouissant donc pas sur l'instant. Ce n'est qu'un exemple purement visuel de ce qui m'a manqué tout au long du film. J'aurais eu besoin de connaître également les raisons de la guerre entre bleus et rouges, et de l'implication des "messagers de la déesse" dans cette bataille pour le contrôle du territoire. Mais, à part une vague idée de destin, dessinée à la va-vite par un messager dans une conversation avec John Carter, on n'a pas la moindre idée de ce qui est réellement en jeu pour chacun des partis.


Par contre, on saisit parfaitement ce qui motive à la foie John Carter et la princesse Dejah Thoris. Cette dernière refuse un mariage qui a priori ferait le bien de son peuple - évidemment que c'est un piège, tendu par les messagers de la déesse, mais elle n'en a pas la moindre idée - pour égoïstement conserver sa liberté. Sa seule décision entraîne une guerre monstrueuse. Quant à John Carter, c'est le souvenir de sa femme et de sa fille qui l'amène à prendre parti pour le camp bleu, celui de la princesse à demi-nue qui "l'intrigue" hautement. Sous couverture de l'aventure et de l'indépendance, c'est bien une banale histoire d'amour et de désir qui tient l'intrigue. Si les garçons ont donc droit à de jolies bastons - pas très bien réalisées, mais techniquement impeccables -, les filles ont donc droit à leur dose de mièvrerie. Tout le monde se retrouve aussi autour de l'humour.


Les scènes sont ponctuées de musique pour marquer les situations rigolotes. A la manière de rires enregistrés, les trompettes et les violons signalent le bon moment pour rire et s'émouvoir. Un animal domestique martien, du nom de Woola, vient jouer le rôle d'un Jar Jar Binks de la Guerre des étoiles, en cumulant les gags.


Je m'arrête là, ou vous en voulez encore? N'hésitez pas cependant à écouter l'avis d'autres experts, et cet excellent retour d'Aguiche.



John Carter
d'Andrew Stanton
avec: Taylor Kitsch, Lynn Collins, Willem Dafoe,...
sortie française: 07 mars 2012

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